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Foot féminin : le jour d’après

Longtemps resté dans l’ombre de son homologue masculin, le foot féminin est en pleine croissance en Belgique. Mais tout n’est pas rose.

Des pics d’audience pour les Bleues sur TF1, sur la BBC pour les Anglaises, un Néerlandais sur trois devant la NOS pour la demi-finale des OranjeLeeuwinnen : oui, il s’est passé quelque chose cet été sur les pelouses françaises. Pas uniquement la confirmation de la domination des Américaines sur le football mondial, mais également que les joueuses et les compétitions féminines étaient en train d’accéder à une nouvelle dimension.

Manque de bol, les Red Flames d ‘Ives Serneels n’étaient pas de ce tournoi qui va peut-être tout changer. Pour elles déjà, qui ont vu grossir le nombre de leurs supporters au fil des années, avec un gros coup de boost lors de l’EURO 2017. Une première participation à une compétition internationale où elles avaient rameuté les foules (plus d’un million de téléspectateurs avaient suivi leur dernier match sur Één et la RTBF ! ).

Le foot belge a vu le nombre de ses adhérentes doubler en sept ans, passant de 21.000 en 2011 à plus de 40.000 en 2018.

Pour le foot belge en général, ensuite, qui a vu le nombre de ses adhérentes doubler en sept ans, passant de 21.000 en 2011 à plus de 40.000 en 2018. Difficile de vraiment mesurer  » l’effet Coupe du monde  » aussi tôt après le sacre US, mais il est temps de capitaliser sur ce succès inédit.

Les cacahuètes de la Pro League

En mars dernier, la Pro League annonçait que les clubs possédant une équipe féminine inscrite à l’URBSFA obtiendraient une plus grosse part du gâteau constitué par les droits télé. Dans le même ordre d’idée, elle décidait de débloquer 300.000 euros (issus des droits télés), à distribuer entre ces clubs. Un montant à réinjecter ensuite dans cette section souvent négligée. Mais au final, il ne restait que 50.000 euros pour chaque membre de la Super League, l’élite féminine.

Plus tard, Pierre François, le CEO de la Pro League, expliquait vouloir que le championnat de première division soit diffusé en direct à la télévision dès la saison prochaine. Si le projet aboutit, cela permettrait de générer plus de revenus pour lesdits clubs, qui galèrent parfois sévèrement.

Car concrètement, on fait quoi avec les fameux 50.000 euros alloués ?  » Pas beaucoup de choses « , sourit Dominique Reyns, présidente des Gent Ladies.  » On n’investit pas ça dans les salaires des joueuses, mais plus dans les infrastructures. Ce n’est pas facile tous les jours de survivre « , ajoute-t-elle, se disant un peu  » pessimiste  » pour le futur.

 » Un staff, ce n’est plus juste un coach et son assistant. Il y a également l’entraîneur des gardiennes, de la vidéo-analyse, etc.. Tout cela a un coût.  » Cette professionnalisation est positive et il existe manifestement une volonté de développement. Mais les mécanismes enclenchés ne suffisent pas toujours à combler cette envie de grandir.

Les joueuses multi-tâches

Pareil pour les joueuses, qui doivent encore trop souvent s’expatrier pour devenir professionnelles ou semi-pros.  » Pour faire partie de l’élite, on impose un minimum de quatre sessions d’entraînement par semaine ( à Gand, il y en a six, ce qui augmente encore les coûts, nous dit-on au club, ndlr) », indique Katrien Jans, la Women’s Football Manager de l’Union belge.

 » C’est la seule solution pour nous permettre d’obtenir un meilleur niveau de jeu. Mais les joueuses, qui doivent jongler avec leur vie personnelle et professionnelle, ne peuvent pas toujours suivre.  » On se souvient notamment qu’ Aline Zeler, recordwoman de sélections chez les Flames et qui a pris sa retraite en mai 2019, devait cumuler plusieurs boulots, entre bureau et terrain, pour mener sa carrière. Pas forcément ce qu’on s’attend à voir d’une internationale et pourtant, difficile de faire autrement quand on sait qu’un bon salaire se situerait entre 1.500 et 2.000 euros par mois, selon la RTBF.

Autre souci, l’accès aux infrastructures.  » On ne dispose pas toujours des mêmes facilités que les garçons, car on a plusieurs équipes, à la fois masculines et féminines « , poursuit Dominique Reyns, la boss gantoise.  » Nos A ont parfois accès au complexe des jeunes hommes, mais pour le reste, on doit louer un terrain auprès de la commune.  »

Nouvelle dépense, donc. La situation est meilleure à Anderlecht, où le coach des femmes, Patrick Wachel, nous confirme que ses joueuses peuvent utiliser les mêmes infrastructures que les messieurs, notamment la salle de fitness. En fait, le salut passe par l’équipe nationale, où les Belges  » reçoivent le même accompagnement que les Diables, tant au niveau des installations, que de l’encadrement du staff « , nous affirme l’UB.

Une Super League à 6, c’est pas assez

Mais alors comment remédier à ces soucis structurels.  » Pour la Pro League, il est clair que le fonctionnement et le développement du football féminin doivent être pris en charge au départ des clubs « , avait déclaré Pierre François lors d’une réunion du Conseil d’administration de la Pro League le 5 août dernier.

 » Ce sont les clubs qui doivent offrir un bon encadrement, nous, on peut les aider à grandir. Mais ce sont eux qui forment la base, explique de son côté Katrien Jans. Mais pour Gand, c’est à la Pro League d’imposer à ses membres de disposer d’une équipe féminine.

 » On doit y aller pas à pas. Il y a 24 clubs dans la Pro League, donc on doit être réaliste « , dit Katrien Jans.  » On ne peut pas affirmer demain qu’on veut avoir 24 clubs d’élite au niveau féminin. On n’a peut-être, pour le moment, juste pas assez d’adhérentes pour arriver à une telle situation.  »

Résultat, la Super League se retrouve avec seulement six clubs participants. Pas assez, selon les différentes parties, qui s’accordent à dire que le contingent doit s’étoffer pour permettre au niveau de s’améliorer.  » On n’a pas toujours été aidé mais c’est en train de changer  » précise Patrick Wachel.  » Espérons maintenant que le suivi sera à la hauteur.  »

L’importance de voir les choses bouger est d’autant plus cruciale que le foot belge semble tenir le bon bout : avec des joueuses du calibre de Tessa Wullaert (Manchester City) ou Janice Cayman (récemment transférée à Lyon, ce qui se fait de mieux en Europe), les Flames ont atteint le meilleur classement de leur histoire, une 19e place au ranking FIFA, toujours dominé par les invincibles Américaines de Megan Rapinoe et Alex Morgan.

Mi-août, les Anderlechtoises atteignaient les seizièmes de la Ligue des Champions pour la première fois de leur histoire. Le signe que la situation évolue dans la bonne direction.

Ce 29 août, les Flames affrontent les Anglaises, récentes demi-finalistes du Mondial, en amical, puis la Croatie le 3 septembre dans le cadre des qualifs pour l’EURO 2021. L’occasion de jauger encore un peu mieux l’état d’un foot qui veut être pris au sérieux. Sur et en dehors du pré.

Par Aurélie Herman

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