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Faris Haroun fait des étincelles à l’Antwerp

Faris Haroun avait disparu des radars après son transfert à Middlesbrough et son passage au Cercle, en D2. Depuis, sa résurrection avec l’Antwerp est remarquable. Son secret ? Sa femme australienne, un coach personnel à Londres et du thé fumant.

God has a great plan with your live. Trust him. Durant l’été 2014, Faris Haroun, profondément croyant, se raccroche à l’idée que Dieu a établi un trajet parfait à son intention. A l’époque, il reste sur une saison catastrophique en Angleterre. Le manager Tony Mowbray et son successeur Aitor Karanka l’ont boudé à Middlesbrough d’août à fin janvier. Il a royalement joué 28 minutes en Championship et n’a même pas échangé un mot avec Karanka. Quelques jours après la rupture de son contrat, décidée par les deux parties, le Diable Rouge (six sélections) trouve asile à Blackpool, dans la même série.

Le joueur-entraîneur Barry Ferguson a convaincu Haroun de venir à Bloomfield Road. Il jouera aux Tangerines, lui promet-il. Las, après un bref sursaut, Haroun retrouve le banc. Ferguson voit son équipe s’enfoncer au classement et écarte Haroun, sous la pression de la direction. « Pendant cette période, il a souvent téléphoné à la maison. A sa voix, nous entendions qu’il était mal dans sa peau », raconte Sidi Haroun, l’oncle et l’ami de Faris.

« Le football n’était pas seul en cause. C’était une combinaison de soucis : il n’avait pas de relation fixe, il dormait dans une chambre d’hôtel où il n’avait même pas assez de place pour recevoir convenablement des visiteurs et sa famille lui manquait. »

Drill militaire

Blackpool, qui connaît des problèmes financiers depuis un moment et Haroun décident de se séparer en fin de saison. Mais au lieu de rentrer tête baissée en Belgique, il reste en Angleterre, en espérant réaliser son rêve. Il emménage chez Abdoul Diawara, un cousin de Mousa Dembélé qui habite dans le nord de Londres et embauche Jamie Lawrence, un personal coach dont la clientèle se compose de footballeurs de Premier League et de Championship.

« Faris est une bête en matière de condition mais il a vomi pendant sa première séance », rigole Sidi Haroun. « Ça n’avait rien à voir avec le football, c’était plutôt du drill militaire. Il devait être prêt à six heures du matin pour les exercices. Il devait notamment sprinter à fond dix fois dans une côte qu’une voiture aurait négocié avec peine. Des trucs de ce genre. »

C’est là qu’il pose les jalons de son retour au premier plan. Le combat dure trois mois, à raison de trois à quatre séances par semaine. Au total, Haroun restera six mois sans club. Des entretiens avec Rotherham United et Coventry City et ne mènent à rien, surtout qu’Haroun est devenu sélectif suite à sa mauvaise expérience à Blackpool. Il est prêt à revoir ses exigences financières à la baisse, même sensiblement, mais en échange, il veut jouer dans un club stable, pourvu d’un bon encadrement.

Le footballeur lambda, qui est sans travail pendant des mois peut devenir fou et céder à la tentation des plaisirs nocturnes mais sa situation ouvre les yeux d’Haroun : après trois ans, il veut rentrer chez lui. Son manager d’alors prospecte partout mais aucun club belge de D1 un ne mord à l’hameçon. De vilaines rumeurs courent au sujet d’Haroun, à ce moment-là. Il serait fragile et sa famille, qui se mêlerait de tout, exercerait une mauvaise influence sur lui.

« Faris est victime de son image », déclare Law Flessie, ami d’enfance d’Haroun. « Je n’ai pas oublié la manière dont les journaux avaient couvert le transfert de Faris à Middlesbrough. On lui a prêté un peu d’attention les premiers jours, puis on s’est désintéressé de lui. Pourtant, ses deux premières saisons à Middlesbrough ont été excellentes. Selon moi, les meilleures de sa carrière.

A chaque touche de balle, tout le stade criait Haroooouuuun. Le capitaine a même dit à un journal local que Faris était un pion important de l’équipe mais en Belgique, on n’a pas pipé mot de ses prestations. Quand je vois l’intérêt suscité par Jelle Vossen quand il a rejoint Middlesbrough… C’est bizarre. »

Faris Haroun
Faris Haroun© BELGAIMAGE

Question d’image

En novembre 2014, Haroun est transféré au Cercle Bruges, qui lutte contre la relégation. Le staff est impressionné par ses tests physiques et insiste auprès de la direction pour qu’elle lui fasse signer un contrat tout de go. Dix jours plus tard, il dispute l’intégralité du match à Gand. Ses dernières minutes de jeu, une entrée d’une demi-heure contre Brighton, datent de sept mois.

« On n’a pas remarqué qu’il n’avait plus joué depuis si longtemps », affirme Sidi Haroun. « Je me suis souvent posé la question : combien de joueurs tiendraient donc 90 minutes en D1 après être restés si longtemps inactifs et avec seulement une préparation individuelle dans les jambes ? Fort peu, à mon sens. »

Haroun ne réussit pas à maintenir les Brugeois parmi l’élite. Une tenace blessure à la cheville, encourue pendant un match à Charleroi, bouleverse ses projets de transfert. Au Cercle, la relégation est un signal : il nettoie son vestiaire. Le nouvel entraîneur, Frederik Vanderbiest, forme son équipe autour d’Haroun mais échoue à la cinquième place.

Haroun est le cerveau de l’équipe et il trépigne d’impatience à l’idée de rejouer en D1 mais son image est à nouveau un handicap. « Ivan Leko voulait transférer Faris à Saint-Trond la saison passée », déclare son manager, Younous Oumouri. On avait même fixé une date mais la direction trudonnaire a calé. Elle a trouvé une piètre excuse : son terrain artificiel ne serait pas l’idéal pour un joueur aussi fragile que Faris. »

Haroun tourne la page et tente à nouveau de faire monter le Cercle en D1 un mais ses relations avec la direction se sont détériorées. Haroun est le footballeur le mieux payé des Vert et Noir et certains dirigeants estiment que ses prestations ne sont pas à l’aune de son contrat. De son côté, Haroun est frustré qu’on ne respecte pas les promesses faites fin 2015, lors de la reconduction de son contrat.

Après deux saisons, l’ambitieux projet du Cercle – former une équipe capable de monter – n’est nulle part. « Il n’y avait rien à dire sur son professionnalisme », déclare Bernard Smeets, entraîneur-adjoint du Cercle depuis la saison passée.

« Il n’est jamais arrivé en retard, il a assumé ses responsabilités et il s’est toujours bien soigné mais la direction avait placé la barre trop haut pour lui : elle attendait de lui du leadership, des buts, des assists… Faris pouvait difficilement tout faire et on sentait qu’il aspirait à un autre défi. L’Antwerp s’est présenté à lui au bon moment. Pour lui comme pour le Cercle. Disons que la direction ne s’est pas battue pour le conserver. »

Cross-fit avec Odjidja

L’Antwerp suit attentivement un coéquipier d’Haroun, Mathieu Maertens, un médian de 21 ans. Quand Patrick Decuyper lui demande quels renforts lui sont nécessaires pour remporter le titre, Wim De Decker ne communique qu’un nom : Faris Haroun. Le transfert s’opère fin décembre pendant un repas au Nil, un restaurant égyptien au coeur de Bruxelles. De Decker fait sonner le smartphone d’Haroun.

Celui-ci décroche rarement quand il est à table avec sa clique habituelle mais ses amis l’incitent à consentir une exception. Ce jour-là, il est en compagnie de son frère Nadjim, de son cousin Kevin Nicaise, qui joue à Dender, de Law et Sidi. « Faris a poursuivi la conversation dehors » observe ce dernier. « Revenu à table, il nous a dit que De Decker voulait le transférer à l’Antwerp. Deux camps se sont alors formés : certains trouvaient que ce n’était pas une bonne idée, les autres étaient convaincus que Faris serait le chaînon manquant. Deux jours plus tard, le transfert était réglé. »

Il est étonnant que Decuyper ait approuvé le transfert car Haroun et lui ont un passé commun. Quand Decuyper est devenu dirigeant à Zulte Waregem, il a souhaité le transférer du Germinal Beerschot. Le père Haroun avait mis un terme aux négociations, qui étaient déjà à un stade avancé, parce que son fils rêvait de l’Angleterre et qu’il avait reçu une offre alléchante de Middlesbrough.

Au Gaverbeek, on n’avait pas trop apprécié ce rebondissement mais six ans plus tard, Decuyper a apparemment tiré un trait sur l’incident. « L’Antwerp a insisté pour emmener Faris en stage en Espagne », explique Oumouri. « Ses tests physiques étaient phénoménaux et à l’issue de sa première séance, Decuyper m’a téléphoné pour me dire que Faris avait convaincu tout le monde.

Moi, ça ne me surprend plus depuis longtemps. Faris est un athlète. Il sacrifie ses vacances pour se préparer. Cet été, il a suivi des cours de cross-fit avec Benson, Vadis Odjidja et François Kompany. Chaque jour, pendant deux semaines. Il m’a souvent dit : – J’ai travaillé dur pendant un an et demi. Je ne vais pas compromettre mon retour. »

Ses vacances à Las Vegas sont synonymes de plaisir mais agrémentées d’une séance quotidienne de gym à l’hôtel. Haroun, âgé de 32 ans, est conscient qu’il ne peut pas s’octroyer de repos trop long. « Certains joueurs sont en dessous de leur VMA, la vitesse maximale aérobie, lors de la reprise des entraînements. Pas Faris », explique Smeets. « Sa VMA est de 18 à 18,5 km/h, ce qui le place dans le top cinq. La saison passée, le meilleur a obtenu 20. Faris a une qualité supplémentaire : il peut courir à plusieurs reprises des distances de demi-fond à une intensité élevée. »

Haroun court plus de douze kilomètres lors des cinq premiers matches de la saison. Contre Malines, il en abat même treize et on dénombre peu de mètres inutiles. Après le match à Ostende, un membre du staff côtier a d’ailleurs félicité Haroun pour ses statistiques exceptionnelles.

15 tasses de thé

L’homme aux quatre poumons a aussi gagné en masse musculaire au fil des années. A son départ pour l’Angleterre, il n’avait que la peau sur les os. Il avait même consulté des nutritionnistes pour prendre du poids, en vain. Son séjour outre-Manche a fait des miracles. « Il a amélioré son jeu grâce à l’Angleterre. A Genk, il manquait souvent de conviction dans les duels », se souvient Sidi Haroun. « Maintenant, il veut vraiment le ballon et il n’hésite pas à terrasser son adversaire.

Le contraste avec ses premiers matches parmi l’élite est énorme. Nous étions une dizaine de la famille à nous rendre à Mons pour ses débuts avec Genk. Une catastrophe… Nous aurions voulu disparaître sous terre. J’aurais nié faire partie de sa famille si on m’avait posé la question. Heureusement, il a inscrit le seul but de la partie à dix minutes du coup de sifflet final. Jamais déception et joie n’ont été aussi mêlées. Tout ça pour dire que Faris est un battant. »

Katie, sa femme australienne, a quitté son pays pour refaire sa vie ici. Elle est sans doute la meilleure arme secrète d’Haroun. Elle est l’alter ego du Diable Rouge : forte, elle ne recule devant aucun défi. Quelques heures avant le match de la montée à Roulers, elle était sur le point d’accoucher mais elle a obligé Faris à jouer. Tous deux ont un fameux caractère.

Haroun est issu des Goranes, un peuple nomade qui vit au nord-ouest du Tchad et qui a développé des techniques de survie dans le désert au fil des siècles, confronté à la rareté de l’eau potable et à un climat rude. Sidi Haroun : « Les Goranes boivent du thé pour combattre la chaleur. Je peux vous assurer que Faris peut en avaler de grandes quantités. Jusqu’à quinze tasses par jour, de préférence bouillantes. Vous et moi nous brûlerions la langue mais pas lui. Il a diminué sa consommation mais il peut boire une carafe à lui seul. Il est fou. D’où son surnom : le Gorane.’

par Alain Eliasy

Presque à Melbourne City

Faris Haroun
Faris Haroun© BELGAIMAGE

En début d’année, Faris Haroun a discrètement flirté avec Melbourne City, un club-satellite de Manchester City. Ce n’est pas un hasard : la famille Kompany et les Haroun sont amis depuis des années. Kompany et Cie ont servi d’intermédiaires et un agent a ensuite intensifié les contacts entre Haroun et Melbourne City. Le capitaine du Cercle a sérieusement envisagé d’émigrer Down Under, puisque sa femme est d’origine australienne et qu’il a appris à aimer ce pays, mais finalement, les Australiens ont choisi un autre joueur.

Il n’est pas impensable que d’ici quelques années, Haroun aille jouer en Australie ou opte pour une autre destination originale. Dans un passé récent, il a reçu des offres du Kazakhstan et d’un pays situé en zone de guerre. Younous Oumouri: « Faris et moi avons établi un plan: au moins encore une ou deux saisons en D1, puis un club exotique, où il pourra signer un bon contrat. Au vu de ses prestations actuelles, il a encore 4 à 5 belles saisons devant lui au plus haut niveau en Belgique. Ce n’est pas pour rien que je le surnomme le Timmy Simons noir. Il a d’ores et déjà été convenu, avec la direction de l’Antwerp, de nous asseoir sous peu à la table des négociations pour évoquer une revalorisation salariale. »

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