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Exclusif – Bruno Venanzi : « Je réclame à Roland Duchâtelet une partie de l’argent qui est conservé »

Frédéric Brebant
Frédéric Brebant Journaliste Trends-Tendances Pub, marketing, médias, culture

Le président du Standard, Bruno Venanzi, s’est confié en long et en large dans l’hebdomadaire Trends Tendances sorti ce jeudi 17 septembre. Morceaux choisis.

Quand vous avez repris le Standard, vous êtes un peu apparu comme le sauveur du club. Aujourd’hui, on a le sentiment que l’état de grâce est terminé !

BRUNO VENANZI: A vrai dire, je ne me pose pas ce genre de question. Je sais que le Standard est un club particulièrement difficile à gérer. Mais de toute façon, un club de football, comme une entreprise, ce n’est pas facile à gérer. Ici, au Standard, il y a en plus un aspect émotionnel qui est très important et que je connais en tant que supporter. Alors, état de grâce ou pas état de grâce, peu importe. Je sais qu’il me faudra du temps pour remettre l’église au milieu du village. Les chiffres ne sont pas bons. Je le savais en reprenant le club et je connaissais aussi les risques inhérents à ce genre de métier, a fortiori quand les résultats ne sont pas bons…

Vous parlez des résultats sportifs ou financiers ?

Financiers. Moi, je veux retrouver un équilibre le plus rapidement possible et je sais que c’est jouable, tout en ayant des résultats sportifs dignes d’un club comme le Standard.

Aujourd’hui, que reste-t-il dans les caisses du club ?

Rien ! Enfin, j’exagère. Il reste 2 millions, ce qui n’est rien pour la gestion d’un tel club.

Vous avez d’ailleurs dû vous séparer d’un nombre important de joueurs en ce début de saison pour réduire les coûts. Cela a forcément un impact sur les résultats sportifs…

Il y avait une grosse masse salariale avant mon arrivée parce que la politique de Duchâtelet était différente. Il s’agissait d’une politique « multi-clubs » avec le Standard comme vache à lait. Je pense par exemple à un joueur qui a été acheté 1,5 million d’euros il y a un an et qui a été vendu six mois plus tard à un club frère appartenant à la « galaxie Duchâtelet », comme disent les journalistes. Et cela pour 0 euros ! C’est une fameuse moins-value pour le Standard. Ce n’est pas normal.

Il y avait 50 joueurs sous contrat quand vous avez repris le club. Aujourd’hui, combien en reste-t-il ?

Il en reste 27, ce qui est un ratio tout à fait normal par rapport aux autres clubs belges comme Anderlecht ou Bruges. Donc, oui, le nombre de joueurs a diminué, mais la qualité est toujours là. Il faut simplement que la nouvelle équipe se mette en place car il y a eu beaucoup de changements. En revanche, grâce à cela, la masse salariale a diminué de 5 millions. Elle passe de 17 millions à 12 millions. C’est important quand on sait que le club affiche près de 6 millions de perte pour la saison dernière…

Quels sont vos objectifs financiers pour le Standard ?

Pour cette saison, je vise le retour à l’équilibre. Pareil pour la saison suivante. En revanche, pour la saison 2017-2018, nous devrions recommencer à faire des bénéfices, ce qui va nous permettre de faire de nouveaux investissements. Le but est évidemment de rendre l’entreprise rentable, ce qu’elle n’est plus aujourd’hui.

Ce ne sera pas facile puisque vous avez déclaré il y a trois semaines sur Club RTL : « Je savais que j’achetais une maison à rénover, mais je ne pensais pas que les fondations étaient aussi touchées ». Il y a des vices cachés au Standard ?

Oui. J’en découvre tous les jours. Lesquels ? Je communiquerai là-dessus ultérieurement. Je suis en train de faire un rapport car il y a des choses que je ne comprends pas. Par exemple, quand j’étais en phase finale de due diligence, j’ai demandé quels étaient les plans financiers et les besoins en trésorerie des prochaines semaines et des prochains mois. Et cela n’existait pas ! J’ai donc interrogé le responsable de la comptabilité qui m’a répondu : « J’ai fait des plans de trésorerie jusqu’à l’arrivée de Roland Duchâtelet et quand je lui ai présenté mes plans comme je le faisais avec la direction précédente, Duchâtelet m’a répondu qu’il n’avait pas besoin de ça et que si le club avait besoin d’argent, il en remettrait lui-même ». C’est étonnant de la part d’un homme d’affaires. Pour le dire vulgairement, je suis tombé sur le cul !

Vous voulez dire que le Standard sous Duchâtelet, c’était une gestion « au petit bonheur la chance », sans une réelle vision d’entreprise ?

Voilà. Le plus étonnant, c’est qu’il mettait quand même en place des stratégies au niveau fiscal pour payer le moins d’impôts possible. Il y avait une recherche avec, parfois, des montages alambiqués pour économiser 1.000 ou 2.000 euros sur le salaire d’un employé. En même temps, on trouve des factures à 200.000 euros pour des agents de joueurs alors que ça ne se justifie pas. Donc, je ne comprends pas.

Cela veut dire que vous êtes amené à revoir Duchâtelet pour clarifier la situation ?

Bien sûr ! Appelons un chat un chat : je lui réclame une partie de l’argent qui est conservé parce qu’il y a des erreurs dans la comptabilité. Ce ne sont pas des sommes astronomiques, mais quand on achète une entreprise, on définit un prix et puis il y a des clauses qui vont sur une période d’un an, deux ans ou trois ans avec des sommes qui sont bloquées et puis libérées quand les clauses sont respectées. Je ne pense pas qu’il y ait eu de mauvaises intentions de la part de la direction précédente, mais encore une fois, il y a des erreurs dans la comptabilité que je veux éclaircir.

Vous arrivez à en discuter de manière sereine avec Duchâtelet ?

Cela se discute entre financiers. Le mien et le sien. Ce sont des adultes intelligents (sourire).

Est-ce que, malgré tout, vous vous dites aujourd’hui : « J’ai fait une bonne affaire avec le Standard » ?

Je ne pourrai le dire que dans 10 ou 15 ans. C’est comme quand vous achetez des actions. Je dis toujours : acheter des actions, c’est très facile ; savoir quand les vendre, c’est autre chose.

On sait à présent que Duchâtelet s’est servi deux fois dans les dividendes du club : 20 millions en 2013, et puis 10 millions juste avant la revente. Ce qui fait 30 millions dans sa poche, plus son important salaire sur quatre ans et le montant de la vente pour plusieurs millions, alors qu’il avait racheté le Standard pour 32 millions d’euros…

Je sais que Roland a fait une bonne affaire et c’est tant mieux pour lui. Maintenant, en a-t-il retiré une satisfaction ? Si on s’en tient uniquement à l’aspect financier, il peut en être satisfait, très satisfait même. Encore une fois, tant mieux pour lui. Mais s’il ne vit qu’avec des satisfactions financières et quand on voit ce qu’il s’est passé au Standard avec lui, je dis : pauvre homme !

Par Frédéric Brébant

Retrouvez l’intégralité de l’interview dans Trends Tendances

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