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Et si le prochain transfert de Charleroi était… un directeur sportif ?

Dans sa progression linéaire vers les sommets, il se dit que Charleroi paye actuellement les manquements d’une direction sportive surannée. Et dont il deviendrait raisonnable d’imaginer que le prochain gros transfert soit un directeur sportif. Ou au moins une cellule de recrutement digne du nouveau statut carolo.

Il y a d’abord eu un grain de folie de Jordan Botaka pour réchauffer les tribunes désertées du choc wallon. Un geste fou, un dribble et une inspiration qu’on n’avait plus vue depuis trop longtemps dans le jeu zébré. Quelque chose d’irréfléchi, presque d’incohérent, dans le chef d’un joueur auquel on avait surtout demandé de centrer, d’épurer son foot et de favoriser le jeu long, mais qui aura brillé en faisant tout l’inverse et surtout ce qu’il sait faire de mieux: mettre le feu. Se jouer de Selim Amallah, crocheter Nicolas Gavory, prendre de vitesse Nicolas Raskin et adresser un bon centre à Mamadou Fall. Six secondes de folie esthétique, un apport offensif considérable, de jolis gris-gris, mais un dur retour à la réalité quand, sept minutes plus tard, au moment de lancer involontairement Maxime Lestienne vers le but, Jordan Botaka est venu rappeler à tout le monde qu’il n’avait pas grand-chose d’un défenseur fiable dans son jeu.

Proposé par Anderlecht, Ognjen Vranjes devraient faire du bien à Charleroi.

Pour ceux qui ne le connaissaient pas encore, Jordan Botaka aura eu le mérite de ne pas mentir au moment de décliner son identité. En quarante minutes, l’ancien Gantois, révélé chez nous à Saint-Trond, s’est mis à nu. En même temps qu’il déshabillait les lacunes du recrutement carolo. Celui d’une équipe qui, après 23 journées, a aujourd’hui encaissé autant de buts (32) que l’Excel Mouscron, et qui a recruté pour évoluer à l’arrière droit un joueur qui se décrivait lui-même dimanche soir à Sclessin plus volontiers comme étant « un numéro 10, un numéro 7 ou un numéro 11, capable de dépanner au back ».

De quoi mettre en lumière les derniers mois d’une gestion sportive qui aura fini par atteindre ses limites. Et d’un mercato estival qu’on avait d’abord cru historique, avant de solidement déchanter. Ce qui fait dire que Charleroi, bien qu’encore en lice pour le top 4, serait peut-être bien confronté à ses premiers problèmes de nouveau riche. Dans ces cas-là, on parle de crise de croissance. De celles censées favoriser les remises en question. Et faire comprendre aux Zèbres qu’aucun organigramme de grand club digne de ce nom ne ressemble à celui du Sporting de Charleroi.

EFFECTIF DOUBLÉ, MAIS MAL BALANCÉ

Une structure où Mehdi Bayat est tout à la fois: le manager général, le porte-parole officieux et le directeur sportif faisant fonction. Quand il n’est pas le président de l’Union Belge. Quand tout est rose au Pays Noir, on parle de réduction des coûts, on répète aussi « qu’un audit de fonctionnement sera fait dans les prochaines années pour analyser le potentiel évolutif du club dans sa dimension actuelle ». En gros, on botte en touche.

Charleroi s'est incliné dans le choc wallon.
Charleroi s’est incliné dans le choc wallon.

Parce que Charleroi a longtemps gagné. Mais que la moisson s’est brutalement arrêtée à la fin du mois de décembre. Et que les transferts récents racontent une vision qui manque de liant. Satisfait d’avoir doublé tous ses postes cet été, le staff carolo se pensait paré, mais avait visiblement mésestimé l’incohérence d’un noyau aux profils parfois variés, sans être complémentaires. C’est l’inconvénient de mener ce qui ressemble à une politique des opportunités. Comme pouvait l’être cet automne les arrivées de Lukasz Teodorczyk ou Jon Flanagan, voire très récemment de Jordan Botaka. Ce dernier, officialisé dans l’urgence suite à la blessure de Jules Van Cleemput à Anderlecht, et alors que l’ancien Trudonnaire était sur une voie de garage depuis l’arrivée de Hein Vanhaezebrouck à Gand, avait d’ailleurs d’abord cru la semaine dernière emprunter la route des Cantons de l’Est pour signer à Eupen. C’était avant que Charleroi ne saisisse la balle au bond, trop content de s’offrir un joueur arrivé à maturité et à la polyvalence réelle. Mais dont le positionnement à l’arrière droit, dans la défense à quatre d’une équipe qui s’était révélée en début de saison en acceptant de laisser la possession à l’adversaire, interroge.

Ou quand l’absence de cellule de recrutement à proprement parler empêche de se projeter sur le long terme. À Charleroi, la cellule scouting ressemble plus à un pôle d’agents hybrides, capables de finaliser des deals à moindre coût. Et si les agents maison ne sont pas une spécialité locale, l’absence de directeur sportif clairement désigné en est une plus évidente. « Si la question, c’est de savoir si je me remets en question, la réponse, c’est oui, tous les jours », amorce Mehdi Bayat. « C’est la base pour faire grandir le club. Et je sais qu’il y a encore des endroits et des départements qui sont trop dépendants de moi. Je vais devoir prendre du recul à ces postes-là. Je ne sais pas si ça passe par un directeur sportif en tant que tel, mais peut-être par la mise en place d’une cellule de recrutement qui serait plus claire et plus transparente aux yeux de tous, et qui nous permettrait à l’avenir d’anticiper certains problèmes. »

Et d’éviter les couacs des derniers mois. Par exemple un gardien bientôt quadragénaire qui répète à l’envi depuis plusieurs mois qu’il n’a pas peur de faire la saison de trop et qui finit par la faire, sans qu’un remplaçant naturel ne se dégage réellement. Voire attaquer une saison avec quatre défenseurs centraux dans son noyau, dont deux qu’on devine déjà trop courts. Au Standard, dimanche, Modou Diagne a encore affiché ses limites. Avec le Sénégalais dans son onze, Charleroi n’a d’ailleurs pas gagné le moindre match cette saison. Et même s’il est actuellement blessé, ils sont peu à penser qu’un Gjoko Zajkov aurait fait beaucoup mieux ces dernières semaines. Ces manquements-là, Charleroi les avait vus, sans les prévenir. Une faute grave pour un club qui, pour le même prix, se serait retrouvé à devoir faire face à un calendrier encore plus chargé avec la Coupe d’Europe.

Malgré un zéro sur quinze, la place de Karim Belhocine ne semble pas être en péril.
Malgré un zéro sur quinze, la place de Karim Belhocine ne semble pas être en péril.© belgaimage

BELHOCINE PROTÉGÉ PAR SON NOYAU

L’approximation aussi d’un club qui ne s’est pas vu grandir assez vite. Ou, plus probablement, qui avait pris l’habitude de ne jamais se tromper. À elles seules, les ventes de Cristian Benavente (six millions au FC Pyramids en janvier 2019), Victor Osimhen (22,4 millions à Lille en août de la même année) et Núrio Fortuna (six millions à La Gantoise cet été) avaient fait entrer Charleroi dans la cour des grands. De ces clubs qui vendent juste parce qu’ils sont capables de trouver la perle rare. C’était snober le fait que l’absence de cellule sportive allait inévitablement finir par se voir.

En attendant, Mehdi Bayat a du flair, des relations et un frère réputé comme le meilleur dealmaker de Belgique. Ça ne suffit pas toujours, mais à cinq jours de la fin du mercato, cela peut encore aider. Proposé par Anderlecht, Ognjen Vranjes, ses 31 ans et ses 256 matches en carrière, devraient faire du bien à Charleroi. Évoqué aussi, Aleksandar Radovanovic, 27 ans et appartenant au RC Lens, a lui le désavantage d’être gaucher. Mais quel qu’il soit, le ou les défenseurs appelés à rejoindre le club dans la semaine devront être efficaces rapidement. D’où l’intérêt de Charleroi de chercher un central qui, dans l’idéal, connaîtrait le championnat.

En Belgique, les pistes sont rares et à l’étranger, le travail de titan d’une vraie cellule de recrutement ne pourra pas être abattu en une semaine. Parce que la vérité oblige à dire que personne à Charleroi n’avait anticipé devoir parer au plus pressé en cette fin de mercato. Ce qui laisse penser que les joueurs ciblés seront plus des solutions de dépannage pour terminer la saison que des transferts qui correspondraient à l’ADN du club.

Les explications franches entre quatre yeux dans le bureau de la direction, Karim Belhocine et son bilan actuel de zéro sur quinze n’y échappent plus.

Parce qu’en 2021, Charleroi n’a toujours pas de cellule de recrutement, mais une philosophie malgré tout. Celle-ci privilégie une discussion franche à l’accumulation de datas, jugées trop impersonnelles. Une épreuve du speed dating à laquelle l’ancien Liégeois Sammy Mmaee (24 ans), excédentaire à Saint-Trond, n’aurait pas satisfait, mais où, dit-on, Jordan Botaka a brillé.

Les explications franches entre quatre yeux dans le bureau de la direction, Karim Belhocine et son bilan actuel de zéro sur quinze n’y échappent plus. On dit que Charleroi ne limoge pas ses entraîneurs en cours de saison. On dit aussi souvent que c’est plus facile d’avoir des principes quand tout va bien. « Je ne suis pas un fou, je ne me projette pas », rétorque Mehdi Bayat quand on lui demande si son coach franco-algérien, adulé il y a encore quelques semaines, aurait de bonnes raisons de commencer à s’inquiéter pour son poste. « Ce n’est pas dans ma philosophie de fonctionnement, ce n’est pas comme ça que je travaille. Et ça n’a jamais été ma logique entrepreneuriale de changer de coach en cours de saison. » La dernière et la seule fois que c’est arrivé depuis l’été 2012 et la reprise du club par Mehdi Bayat, c’était en février 2013, suite à la démission de Yannick Ferrera. Une statistique qui plaît beaucoup à la direction carolo et qui participe sans doute inconsciemment à protéger actuellement Karim Belhocine. Même si, en vrai, c’est plus probablement les limites du noyau actuel, notamment défensives, qui protègent un coach obligé de fonctionner depuis trop longtemps avec les moyens du bord.

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