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Et si Deschacht était un très bon joueur ?

Thomas Bricmont

En 2009, Milan Jovanovic – époque Standard – déclarait, avant d’affronter Anderlecht: « Olivier Deschacht est le meilleur défenseur de Belgique »… Mais malgré des stats impressionnantes, le back gauche ne fait toujours pas l’unanimité.

Milan Jovanovic n’a jamais été avare de déclarations sonnantes et trébuchantes. Comme en cette fin de mois d’août 2009, quelques jours avant que Mauves et Rouches s’étripent lors du clasico de la honte, Jova, alors Standardman, avait envoyé « qu’Olivier Deschacht était le meilleur défenseur de Belgique ». Une sortie qui avait fait sourire à l’époque mais que le Soulier d’Or 2009 continue à appuyer aujourd’hui : « Ça fait quatorze ans qu’on l’attaque, qu’on le critique quand il joue mal et qu’on ne dit rien quand il joue bien. Derrière tout ça, il y a une part de jalousie. En tout cas, je peux confirmer que quand j’ai eu affaire à lui, j’ai toujours eu difficile. Il est malin, il lit bien le jeu. Et enfin, c’est une personnalité complète que ce soit comme joueur ou comme homme. Je garde beaucoup de respect pour lui. »

Pendant ses longues années de professionnalisme, Deschacht a régulièrement essuyé les sifflets, railleries, voire beauferies (Homo Deschacht) des supporters adverses, pour qui il symbolisait l’arrogance anderlechtoise. Rien de bien surprenant donc. Ce qui l’est davantage, ce sont les sifflets qui lui ont été adressés par ses propres supporters en septembre 2011 quand les plus virulents d’entre eux réclamèrent qu’il cède son brassard de capitaine au profit de Lucas Biglia.

« C’est un joueur atypique pour Anderlecht », explique Ariel Jacobs qui fut son entraîneur pendant près de cinq ans entre novembre 2007 et mai 2012. « Il ne correspond pas à l’image de ce que l’on peut avoir d’un joueur d’Anderlecht. Ce sentiment de scepticisme, le fait de devoir vivre avec ces critiques, a été le fil rouge de sa carrière. Pendant très longtemps, tout le monde a eu des doutes sur ses qualités. Il a grandi avec des joueurs très talentueux et il est donc resté en retrait par rapport à tous ces grands noms. La grande force d’Olivier, c’est qu’il connaît parfaitement ses qualités et ses défauts. Il est bon homme contre homme et dur dans les duels, il a un bon jeu de tête également. Au niveau du jeu de position, il y a encore des manquements mais je dirais que c’est le cas de quasiment tous les défenseurs au monde… »

Symbole d’Anderlecht

Michal Zewlakow, joueur le plus capé de l’histoire du foot polonais, fut l’un de ses concurrents entre 2002 et 2006. « Pour moi, il devient un symbole à Anderlecht. D’autant qu’il a presque constamment évolué dans le onze de base. Il était très sûr dans les duels et dans les un contre un. S’il réussit une aussi belle carrière, ce n’est clairement pas par accident. Sa personnalité lui a aussi permis de s’imposer à un haut niveau : C’est quelqu’un qui sait ce qu’il veut. Il disait ouvertement ce qu’il pensait dans un vestiaire. On s’est accepté, on s’est respecté. Et même si l’on s’est disputé le poste d’arrière gauche – même si ma polyvalence m’a permis d’occuper l’autre aile – j’ai le souvenir d’un joueur très correct, d’un grand pro, de quelqu’un de très engagé qui n’était que très rarement blessé. Aujourd’hui, je continue à suivre les prestations d’Anderlecht, surtout en Ligue des Champions, et je peux voir qu’Olivier a gardé un très haut niveau. »

Septuple champion de Belgique et auteur de plus de 450 prestations sous la vareuse anderlechtoise, Olivier Deschacht, malgré ces stats impressionnantes, ne fait toujours pas l’unanimité, loin s’en faut, que ce soit dans les gradins ou les bistrots. En témoignent les nombreuses réactions d’étonnement quand on a appris que Deschacht fut proche d’un retour chez les Diables lors du double affrontement Islande-Pays de Galles. Pelé Mboyo, qui a dû quelquefois se le farcir, s’étonne de cette défiance à son égard : « C’est un super joueur même si esthétiquement ce n’est pas le plus beau à voir jouer. Ce n’est pas le plus rapide mais c’est quelqu’un qui a une bonne lecture de jeu et techniquement, c’est pas mauvais du tout. Tous les joueurs vous diront la même chose, Anthony (Vanden Borre), qui le côtoie quasi quotidiennement, ne pense pas autrement. De toute façon, on ne joue pas plus de 10 ans à Anderlecht sans avoir de grosses qualités, d’autant qu’on ne lui a pas rendu la tâche facile en transférant continuellement des concurrents. »

« J’ai surtout l’impression que la concurrence la plus forte avec laquelle il a dû composer venait de Belges comme Jelle Van Damme ou Bart Goor en fin de carrière », poursuit Ariel Jacobs. « Quand Behrang Safari lui a été préféré pour des raisons tactiques, en raison de qualités offensives supérieures, il ne réagissait pas bien du tout. C’était très perceptible dans le groupe mais c’est compréhensible à ce niveau. »

Défenseur d’impact et de position

Aujourd’hui, Olivier Deschacht doit évoluer dans l’axe suite aux nombreuses défections, un poste où il avait souvent dépanné par le passé et où on a le sentiment qu’il se sent de plus en plus à l’aise. « Vu son âge et la perte de vitesse et de mobilité qui devrait accompagner ses saisons, j’ai le sentiment que son avenir se situe davantage au centre de la défense », estime Jacobs.

« Deschacht suit simplement l’évolution d’un joueur qui prend de l’âge », enchaîne Alex Teklak, consultant pour la RTBF et Proximus, qui, durant sa carrière, a occupé le poste d’arrière central et arrière latéral. « Aujourd’hui, on a tendance à privilégier des backs qui dominent, ce que Frank Acheampong est davantage capable de faire malgré de grosses lacunes défensives au niveau de son positionnement et de son repositionnement. Deschacht n’est plus capable de faire des allers-retours sur son flanc, on l’a vu notamment en fin de saison dernière quand Dennis Praet, qui occupait le flanc gauche, devait parfois trop défendre. Je pense qu’en jouant à gauche dans l’axe central, il va pouvoir apporter toute son expérience à Acheampong et le fait d’être encadré par des joueurs rapides (Acheampong et Mbemba ), cela va masquer ses propres défauts. Quand Gary Cahill et David Luiz étaient associés à Chelsea, c’était une catastrophe car ce sont deux défenseurs d’impact. Quand John Terry, qui est un joueur de position, a retrouvé sa place aux côtés de Cahill, ça a tout changé. Voilà pourquoi le duo Mbemba-Deschacht, un défenseur d’impact et un autre de position, devrait apporter satisfaction », conclut Teklak.

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