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 » En stage, l’ennemi numéro un, c’est la routine « 

Plus de 300 joueurs étaient au départ de la Jupiler Pro League en juillet dernier. Chacun d’entre eux avait ses attentes, ses rêves, ses objectifs et ses histoires. Une fois par mois, le Footballeur secret de Sport/Foot Magazine nous permet de jeter un oeil dans les coulisses de notre championnat.

« Je suis content que le championnat ait repris et c’est un euphémisme. Le stage hivernal, c’est une plaie. Nous sommes surchargés d’entraînements, il n’est pas rare qu’il y en ait trois par jour. Ce n’est pas normal. Pendant une semaine, on est crevé, on a mal partout et on rentre en Belgique blessé. Voyez le nombre de joueurs absents au cours des derniers jours. Tout cela parce que la charge de travail est mal répartie.

Beaucoup de clubs belges s’y prennent mal. Au lieu de mettre l’accent sur le système de jeu et la tactique, ils travaillent la condition physique. Notre entraîneur aussi. Disons qu’il n’est pas novateur, il aime le travail physique. Nous avons fait beaucoup d’exercices avec ballon, c’est vrai, mais nous avons surtout beaucoup couru. Les cinq contre cinq sur un demi-terrain ne m’étonnent plus. Ce sont des entraînements dépassés et contraires à la logique du football actuel.

J’ai lu récemment une étude qui parlait des efforts fournis au cours d’un match. Il semble que nous n’utilisons notre vitesse que pendant 5 % du match. Le reste du temps, c’est notre condition physique qui parle. Mais la plupart des buts tombent au terme d’une action au cours de laquelle un ou plusieurs joueurs a utilisé son explosivité. Que faut-il dès lors travailler à l’entraînement ? Est-il logique de vouloir nous préparer pour un semi-marathon ?

Vous devriez poser la question à un entraîneur comme Laszlo Bölöni. Je serais curieux de savoir s’il épargne les joueurs les plus vieux comme notre entraîneur le fait. Chez nous, quelques joueurs peuvent en effet sauter un entraînement ou un exercice de course par semaine. Cela ne les empêche pas d’être titularisés le week-end.  »

Jogging matinal

 » Souvent, après la période des fêtes, les entraîneurs se disent : Après une semaine de congé, ces gars ont du retard à rattraper. Ils partent donc du principe que nous avons perdu notre condition physique en une semaine… Mais peut-on vraiment parler de vacances quand on reçoit un programme individuel ? Nous étions supposés courir au moins quarante minutes par jour. Je reconnais honnêtement que je ne l’ai pas fait. Et j’étais loin d’être le seul.

Lors de la première pesée, un joueur flirtait même avec le surpoids maximum autorisé. A 200 grammes près, il a échappé à une amende de plusieurs centaines d’euros. Un des mes entraîneurs précédents avait décidé que nous ne pouvions pas grossir de plus de 500 grammes pendant les fêtes, sous peine de forte amende. Il n’a jamais mis ses menaces à exécution.

En stage, il y a une chose à laquelle nous n’avons pas échappé : le jogging matinal à jeun. Ceux qui avaient de la chance pouvaient boire un peu d’eau d’une bouteille de la veille. Je ne comprends pas à quoi sert un jogging pareil. Beaucoup de joueurs sont au poids de forme et n’ont pas de graisses à brûler. Ça ressemble donc à une punition et ça énerve les joueurs. Comme la routine, d’ailleurs.

En stage, le train-train quotidien est notre ennemi principal. On s’éveille, on s’entraîne, on fait la sieste, on s’entraîne, on dort. Ça se résume à cela. Les entraîneurs choisissent de préférence des endroits où il n’y a rien à faire. Nous étions dans un no man’s land, à vingt minutes de route d’une grande ville. Celui qui voulait faire le mur pendant la nuit devait donc appeler un taxi. Avant de faire cela, on réfléchit à deux fois. Je n’aurais pas tenu dix jours. M’entraîner et dormir dans des hôtels à l’écart de tout, très peu pour moi.  »

Manque d’homogénéité

 » Après le stage, nous avions tous la même sensation : on aurait pu s’amuser plus. Un stage, ça doit aussi permettre de tisser des liens et de rassembler les joueurs. Sur le terrain, certains ont parfois des affinités mais en dehors, chacun vit dans son coin. Notre équipe n’est déjà pas très homogène, il nous manque quelques gars capables de mettre de l’ambiance.

La saison dernière, Waasland Beveren pouvait compter sur cinq guindailleurs qui entraînaient les autres. C’est cela qu’il nous aurait fallu en stage mais on s’est emmerdé. Je ne me souviens pas d’un moment où nous nous soyons retrouvés à plusieurs en train de discuter dans une chambre. Après le souper, chacun se retirait dans sa chambre. Heureusement qu’il y avait du wi-fi et que j’avais ma tablette.

Je ne comprends pas pourquoi personne n’est allé voir l’entraîneur pour expliquer le problème. Attention : je ne l’ai pas fait non plus. Mais comme je ne suis pas un ancien, ce n’était pas à moi de prendre l’initiative. C’est la tâche du capitaine. Et l’entraîneur est fautif également : un stage dépend beaucoup de l’encadrement et de la dynamique insufflée par l’entraîneur.

Dans mes clubs précédents, les stages se passaient de façon très différente. Plus relax, surtout. En fait, c’était un long team-building. Le bizutage des nouveaux joueurs était un événement en soi. Nous disions par exemple à un nouveau que nous pouvions le soulever avec une laisse qu’il devait tenir entre ses dents. Evidemment, il ne nous croyait pas.

Nourriture pour chiens

Alors, nous le convainquions de prendre part à une démo : il devait se coucher sur le sol, les yeux fermés. Deux joueurs le préparaient soi-disant pour le truc et un troisième joueur, qui était dans le coup, enlevait son pantalon. Vous imaginez la suite : il venait coller son cul sur le visage de la victime, qui ne se doutait de rien (il rit). C’était souvent le même joueur qui faisait ce genre de blagues aux nouveaux.  »

Un autre classique avait lieu pendant le repas : à la table des jeunes, nous remplacions la viande par de la nourriture pour chiens. Et après, nous leur demandions s’ils avaient bien mangé. Tous répondaient que oui, très contents. Puis quelqu’un allait chercher le paquet de croquettes avec la photo d’un chien. Ça peut sembler dégueulasse mais c’est ce genre de choses qui fait qu’un groupe s’entend bien.  »

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