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En coulisses: comment Mogi Bayat a réussi son retour médiatique

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Avec ses Souliers du coeur, l’agent numéro 1 du football belge a fait son retour sur scène, au bout d’un an et demi de silence. Entre bon coeur et bonne com’.

Pas besoin de lui apprendre les règles du jeu médiatique. 20H58, c’est le prime-time. L’heure d’un coup d’oeil sur le portable avant de se plonger dans le catalogue de Netflix, le meilleur ami des confinés. C’est également l’heure choisie par Mogi Bayat pour faire son come-back dans la lumière. Sur Twitter, évidemment, là où il avait pris l’habitude d’exposer ses transferts comme autant de trophées.

Loin du style provoc’ de sa dernière intervention, survenue 580 jours plus tôt pour harponner Stephan Streker et vanter les mérites tactiques de Roberto Martinez au soir d’une victoire amicale des Diables en Écosse, Mogi tweete comme s’il avait confié les clés de son compte à un robot de l’informatique. 23 mots et un hashtag pour lancer son nouveau projet, les Souliers du coeur.

Sur un site internet qui semble alors encore en chantier, on peut déjà lire que « l’initiative est née de l’envie de Mogi Bayat de fédérer autour de lui des acteurs importants du football belge, afin de venir en aide, de la façon la plus rapide et la plus concrète possible, à toutes ces personnes qui se mettent elle-mêmes en danger, chaque jour, pour aider les autres. »

RAPIDEMENT SUR LES RAILS

« Au début de la crise, j’avais parlé avec quelques joueurs, on évoquait le fait que les gens parlaient fort négativement du foot, notamment à cause du débat sur les salaires », explique Jean-François Lenvain, ancien responsable de la cellule sociale d’Anderlecht, devenu partenaire de développement de sportifs professionnels et encore proche de nombreux jeunes Mauves. « Beaucoup, comme Massimo Bruno, me disaient que ce serait bien si on avait un chouette projet à développer. Dans la foulée, Mogi Bayat m’a appelé en me parlant d’un projet. Il m’a demandé si je voulais l’articuler, m’occuper de lui donner du contenu. »

En moins de 24 heures, via un de ses contacts, Mogi avait obtenu une première grosse livraison de gants, de marques et de gel.

L’agent de joueurs, lui, s’occupe de la création du réseau. Quand le hashtag #Souliersducoeur est lancé, les relais de Mogi dégainent immédiatement : Clément Tainmont, Danijel Milicevic, Adrien Trebel, Noé Dussenne et Jérémy Taravel tentent de rendre l’annonce virale, accompagnés par Roberto Bisconti – associé de Bayat sur certains dossiers, notamment chez les jeunes du Standard – et Karim Mejjati, homme de confiance de Marouane Fellaini, inculpé pour blanchiment en même temps que Mogi dans le Footbelgate.

« Tout est allé très vite. Entre l’appel de Mogi et la première opération de terrain, il s’est à peine écoulé 48 heures », raconte Lenvain. « Il s’est chargé de créer la fondation et un groupe WhatsApp, de nous assurer le soutien d’une cinquantaine de personnalités du football belge et d’obtenir, en moins de 24 heures via un de ses contacts, une première grosse livraison de gants, de masques et de gel. » Lenvain, lui, s’occupe de contacter des structures potentiellement dans le besoin et de gérer la logistique des interventions sur le terrain, déjà plus d’une cinquantaine en moins de trois semaines.

Mogi Bayat dégaine la machine à selfies pour immortaliser l'action des Souliers du coeur à Liège.
Mogi Bayat dégaine la machine à selfies pour immortaliser l’action des Souliers du coeur à Liège.© BELGA / Eric Lalmand

CAMÉRAS ET GRANDS NOMS

Mogi, lui, fait sa première apparition face aux objectifs des appareils photos quand les Souliers du coeur se rassemblent au Grand Café de la Gare de Liège, l’un des repères favoris de Bruno Venanzi, devenu soutien de l’association au même titre que Mehdi Bayat, Michel Louwagie ou Roger Vanden Stock (via la fondation Constant Vanden Stock). L’agent espérait alors rassembler de grands noms du football belge autour de lui, pour une action couverte par les caméras de RTL-TVI, mais c’est finalement Jean-Michel Saive qui fait office de tête d’affiche, reléguant dans l’ombre les plus confidentiels Dussenne, Nicolas Raskin ou Maxime Busi. Sollicités, plusieurs joueurs du Standard ont refusé de s’associer à cette action sur le terrain.

Sur les réseaux, les soutiens sont bien plus prestigieux. Grâce aux relations de Marouane Fellaini, on aperçoit rapidement Eden et Thorgan Hazard, Radja Nainggolan, Adnan Januzaj ou encore Antonio Valencia faire le coeur avec les mains, signe de ralliement de l’association. Mogi, lui, se charge de ses fidèles : les agents Anthony Feuillade et Raphaël Cabaraux et leurs poulains, ou les coaches Hein Vanhaezebrouck, Felice Mazzù et Michel Preud’homme.

L’opération de communication est une réussite. Plusieurs médias relaient et saluent l’initiative des Enfoirés du football.

Parmi la cinquantaine de personnalités immortalisées, tous ne sont pas initialement mis au courant que le projet est chapeauté par Mogi. De quoi faire grincer certains, contactés par un autre intermédiaire et mis devant le fait accompli une fois ajoutés dans le trombinoscope du site. Certains ont la présence d’esprit de sonder leur entourage avant d’accepter, et freinent des quatre fers quand ils en apprennent plus sur la tête de gondole du projet.

Mais qu’importe, l’opération de communication est une réussite. Plusieurs médias relaient et saluent l’initiative des « Enfoirés du football » – formule employée par une dame croisée sur le terrain par les Souliers du coeur – oubliant sans doute que le blanchiment d’argent est une manoeuvre qui prive l’état de ressources qui auraient notamment pu bénéficier aux soins de santé.

« Ces affaires judiciaires n’ont rien à voir avec notre projet », tient à nuancer Jean-François Lenvain. « Je pense que les gens comprennent que ça dépasse le cadre habituel, vu les circonstances. Le contexte fait l’homme, comme on dit. »

RETOUR SUR SCÈNE?

Reste à savoir si le prochain mercato bouclera ce retour médiatique avec la réapparition des fameux tweets d’annonces de transferts, chers à Mogi Bayat et à son style provocateur. Parce qu’en coulisses, l’influence du Mogicien n’a évidemment pas décru.

Dans le document sur les intermédiaires récemment publié par la Fédération, qui recense les intervenants « tels que communiqués par les clubs » dans les transactions entre avril 2019 et mars 2020, les deals de Mogi occupent une page entière. Rien que l’été dernier, le silence social de Bayat nous a privés de ses photos en compagnie de Selim Amallah, Alessio Castro Montes, Moussa Djenepo, Denis Dragus, Noé Dussenne, Ianis Hagi ou Anthony Limbombe. Auxquelles on aurait pu ajouter les clichés de Renaud Emond ou de Thomas Didillon cet hiver.

Le grand carrousel du Mogipoly reprendra-t-il ses droits dans les prochaines semaines ? Tout dépend si l’agent numéro un du marché national se décide à suivre les conseils d’un de ses alliés, qui confiait lors des tourments judiciaires du Footbelgate : « Ce qui a causé tous ces problèmes à Mogi, c’est surtout sa grande gueule. »

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