Directeur technique de l’Union belge, la face cachée de Roberto Martinez

On le connaît surtout comme sélectionneur. Mais, en tant que directeur technique de l’Union belge, quel regard Roberto Martínez porte-t-il sur la formation des jeunes ?

Le cadre, en soi, est déjà prestigieux. L’hôtel Dolce est bâti en pleine forêt de Soignes, à La Hulpe. Dolce est sponsor d’un tournoi international de Diablotins (catégorie U8 et U9) organisé par le club de Tempo Overijse pendant le week-end des 11 et 12 mai.

Aux côtés des meilleurs clubs belges, ce tournoi réunira entre autres l’Ajax, Feyenoord, Tottenham, le Celtic, Leverkusen, Cologne, Nantes et Lille. Roberto Martínez était l’invité d’honneur de la présentation.

Il a répondu présent, au lendemain de ses obligations européennes, car cette semaine-là, il avait assisté à la remontada de l’Ajax face au Real à Madrid, et à celle de Manchester United au Parc des Princes face au PSG.

La prestation de RomeluLukaku l’a rempli d’aise.  » Au cours d’une saison, personne ne peut suivre une courbe de prestation linéaire. Romelu a connu un début de saison très difficile, parce qu’on lui avait confié un rôle très important au sein d’une équipe très exigeante. Lorsque les résultats ne suivent pas, on est le premier visé dans ces cas-là. Mais c’est dans l’adversité qu’on voit les grands joueurs.  »

Prendre du plaisir

Mais Martinez n’était pas venu à La Hulpe pour dévoiler sa sélection en vue des matches contre la Russie et Chypre. L’organisation l’avait invité afin d’expliquer ses idées en matière de formation de jeunes. Car, s’il est le sélectionneur des Diables Rouges, le Catalan est également le directeur technique (temporaire) de l’Union belge.

Le sélectionneur des Diables Rouges estime que c’est en U9 que les choses sérieuses commencent.  » Nous voyons souvent des jeunes footballeurs se mettre au football parce que c’est le souhait de leurs parents, mais c’est à cet âge-là que les enfants commencent à comprendre ce que cela signifie de faire partie d’une équipe, et qu’ils commencent à apprécier le football « , dit-il.

Martinez rêvait déjà d’une carrière professionnelle lorsqu’il avait huit ou neuf ans.  » À cet âge-là, tous les enfants sont fous de leur père et veulent devenir ce qu’il était. Je ne faisais pas exception à la règle. Mon père était fou de football et avait un magasin de chaussures. Cette deuxième perspective ne m’attirait pas, au contraire du football.  »

L’essentiel, selon lui, c’est de prendre du plaisir.  » Si ce n’est pas le cas, cela signifie qu’on n’est pas passionné par le sport. Et sans passion, on ne parviendra jamais à exploiter tout son potentiel. Il faut laisser aux jeunes footballeurs le temps de se développer, en sachant que cette évolution ne suivra jamais une courbe rectiligne positive. Il y aura toujours des hauts et des bas.  »

L’éducation essentielle

Les valeurs sont très importantes pour lui. Celui qui simule une blessure lors d’un tacle doit être sanctionné. Martínez :  » Au plus haut niveau, plus rien ne peut échapper au VAR, désormais. La dernière Coupe du monde a atteint des sommets en matière de penalties accordés.

On ne tire plus que très rarement au maillot. À une exception brésilienne près, peut-être ( en disant cela, il suscite l’hilarité de la salle) chacun savait que tricher serait sanctionné.  »

Il estime que l’éducation des joueurs est essentielle.  » On parle beaucoup de scouting, de la manière de constituer une sélection. Ne regarde-t-on que le talent, ou fait-on également attention aux capacités physiques ? Les valeurs sont aussi essentielles : comment se comporte-t-on au sein d’un groupe ?  »

Comment reconnaît-on un talent précoce ? Martínez :  » Un footballeur doit être exceptionnel dans un aspect de son jeu. Cela peut être l’organisation, la communication, la vitesse, le contrôle du ballon… Si l’on est moyen dans tout, on n’a aucune chance de devenir professionnel.  »

En plus du plaisir, la détermination est aussi un facteur déterminant. Pour devenir un athlète de haut niveau, il faut consentir beaucoup de sacrifices. Les sorties, le cinéma, la plage…  » Si ces sacrifices exigent un effort trop important, on ne réussira pas.  »

Équipes B

Le modérateur Aster Nzeyimana lui a demandé comment il juge la formation des jeunes en Belgique.  » Impressionnante « , a répondu le sélectionneur.  » En Espagne, il y a de fantastiques centres de formation et nous connaissons le système des équipes B dans les divisions inférieures. Et dans le football britannique, il y a tellement d’argent que l’on a tendance à gâter les gens.

Je trouve aussi cette haute qualité dans la formation, ici en Belgique. Ce n’est pas un hasard si tellement de bons jeunes joueurs se sont révélés au cours des 12 ou 13 dernières années. Sur le plan géographique, la Belgique est un petit pays, mais cela présente l’avantage que l’on peut partager beaucoup d’informations « .

Il envisage deux pistes. Primo : éviter que les jeunes talents ne quittent le pays avant qu’ils ne soient prêts. Secundo : avoir des matches plus compétitifs chez les jeunes. Martínez cite l’Ajax en exemple.  » Une bonne philosophie, une structure fantastique. Mais les jeunes savent aussi que, dans ce club, on leur fera confiance. Ils recevront une chance.

Il y a un grand problème, partout dans le monde : que fait-on après 18 ans ? Les joueurs ont besoin d’avoir disputé 50 matches dans un encadrement très compétitif, avant que l’on puisse déceler ce qu’ils ont réellement dans le ventre.  »

C’est la raison pour laquelle il plaide, selon le modèle espagnol (et également néerlandais) pour l’introduction d’une équipe B dans les divisions amateurs. Dans un premier temps, peut-être pas pour tous les clubs professionnels. Martínez :  » Mais les cinq ou six clubs qui travaillent bien et produisent de nombreux jeunes devraient avoir cette possibilité.  »

Convaincre les parents

Cela pourrait constituer un argument supplémentaire pour conserver nos jeunes talents en Belgique. Car les Belges sont convoités, même très jeunes.  » Le joueur belge a beaucoup de potentiel, s’adapte facilement, parle souvent plusieurs langues, est ouvert d’esprit. Et il est bon marché. Les prix doivent être relevés. Un manager de club a deux possibilités : dépenser 20 millions pour un produit fini, et je parle dans ce cas d’un joueur comme Youri Tielemans, ou dépenser 1 million d’euros pour trois joueurs qui ont entre 15 et 17 ans.

C’est terrible, à la fois pour le football belge et pour ces joueurs, car ceux-ci ne se lancent pas sur le bon chemin. Le championnat de Belgique est la plateforme idéale pour qu’un joueur se développe. C’est parfois difficile à faire comprendre, car il faut convaincre les parents et les jeunes joueurs qui ont peut-être déjà les idées ailleurs.  »

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