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Dessert tactique #6: les ailes de Schreuder, le marquage anti-mauve et le ballon empoisonné d’Elsner

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Retour en cinq bouchées sur les observations tactiques du week-end sur les pelouses de Pro League.

Comment Alfred Schreuder a adapté son 3-5-2 ?

La métamorphose pourrait être imperceptible. En tout cas, pour ceux qui limitent les bouleversements tactiques aux changements de système. Pourtant, à Bruges, Alfred Schreuder a déjà changé. Son premier Club se déployait certes en 3-5-2, mais avec une aile droite plus défensive – occupée par Clinton Mata – et un coeur du jeu plus audacieux, incarné par le repositionnement de Ruud Vormer devant la défense. Exposé sur les transitions, facilement canalisé sur les côtés, le Bruges cuvée 2022 sentait l’amertume dès la première gorgée.

La nouvelle formule brugeoise s’écrit avec les jambes de Mats Rits et Dennis Odoi pour canaliser le milieu de terrain, les inspirations de Hans Vanaken pour animer les offensives, et des couloirs dynamités par de vrais ailiers: Tajon Buchanan à gauche et, surtout, Andreas Skov Olsen à droite. La palette du Danois, capable de centrer ou de combiner à l’intérieur, éveille un flanc droit blauw en zwart endormi depuis le départ de Krépin Diatta. Et permet à Bruges de créer un danger conséquent sans trop ouvrir les portes de sa défense. Si ce Club-là trouve son équilibre sur la route des play-offs, il ne faudra certainement pas l’oublier parmi les favoris pour le titre.

Est-ce vraiment le bloc bas qui fait souffrir l’Union ?

Comme face à Saint-Trond, les Saint-Gillois n’ont pas trouvé le chemin des filets face à de valeureux Pandas, malgré une entame de match prometteuse. Évidemment privé de Dante Vanzeir et Deniz Undav, le leader s’est heurté à une défense compacte qui lui a entièrement laissé le ballon et l’initiative. Les Canaris avaient quitté le Parc Duden avec 38% de possession, les Germanophones en ont eu à peine plus (43%). L’analyse semble limpide: l’Union souffre de la gestion du ballon et du manque d’espace. Ce n’est sans doute pas un hasard si le leader affiche la seizième possession de balle moyenne du championnat. Et pourtant, il y a autre chose.

Quand Anthony Moris utilise le jeu long, le portier luxembourgeois lance une chasse compulsive au deuxième ballon. Hyperactifs à la chute de la balle, Lazare Amani, Teddy Teuma et Casper Nielsen croquent l’essentiel des ballons de transition, et permettent alors à leur équipe d’attaquer un bloc adverse écartelé par la situation qui suit le duel. Bernd Hollerbach l’avait bien compris, alignant des profils capables de répéter les courses à haute intensité au coeur du jeu. Michael Valkanis l’a imité, notamment avec le dynamique Gary Magnée, pour éviter les hémorragies après des batailles aériennes souvent remportées par le puissant Emmanuel Agbadou. Pour éteindre l’Union, peut-être faut-il simplement choisir des pompiers qui courent aussi vite que les pyromanes du milieu saint-gillois.

Gary Magnée n'a pas cessé de traquer Lazare à la chute des ballons aériens
Gary Magnée n’a pas cessé de traquer Lazare à la chute des ballons aériens© belga

Anderlecht a-t-il manqué d’audace face au plan de Marc Brys ?

Chacun a sa façon d’affronter l’atypique 4-2-2-2 mis en place par Vincent Kompany depuis un an. Pour protéger le coeur du jeu sans s’exposer sur les côtés, où les latéraux mauves font souvent des ravages, Marc Brys a choisi de confier la garde de Lior Refaelov et Yari Verschaeren à ses deux milieux de terrain, Mandela Keita et Siebe Schrijvers, pour laisser ses joueurs de flancs se charger des débordements bruxellois et ses trois défenseurs centraux se concentrer sur le duo Zirkzee Kouamé. Enfermé dans la toile louvaniste, le Sporting a trop souvent oublié la faiblesse de la muraille adverse: à la base de l’action, les locaux n’étaient que trois pour s’occuper de Wesley Hoedt, Zeno Debast, Josh Cullen et Majeed Ashimeru.

Ce n’est qu’après la longue interruption de la première période – mise à profit par le coach pour mettre cet aspect en exergue ? – qu’Anderlecht a forcé la brèche, quand Ashimeru puis Debast ont pris l’initiative d’avancer ballon au pied après avoir profité du surnombre initial. Là, les marquages individuels installés par Brys étaient chahutés, chaque joueur hésitant entre une sortie sur le porteur du ballon et son rôle de chien de garde. Le plan louvaniste a malgré tout tenu. Sans doute parce que ces conduites de balle ambitieuses étaient trop rares, exposant aussi les Mauves à une contre-attaque en égalité numérique face à des locaux redoutables en la matière.

Majeed Ashimeru n'a pas assez souvent fait la différence au milieu de terrain
Majeed Ashimeru n’a pas assez souvent fait la différence au milieu de terrain© belga

Le Standard aurait-il préféré rester à onze contre onze ?

Quel est le plan de Luka Elsner quand ses hommes ont le ballon? Le carton rouge adressé à Vadis Odjidja juste avant le retour aux vestiaires laissait quinze minutes au Franco-Slovène pour réfléchir à la question, après un premier acte bouclé sans la balle (46% de possession) et dans une posture de valeureux résistant. La réponse a tenu en quatre tirs au but, tous partis hors de la surface gantoise et sans grand danger pour Davy Roef. Jamais les Rouches n’ont vraiment semblé maîtriser le match, comme si devoir le diriger en supériorité numérique était plutôt un cadeau empoisonné.

À Courtrai, déjà, Luka Elsner semblait plus à l’aise quand ses hommes vivaient loin du ballon. Est-ce un hasard si les moments les plus marquants de son Standard ont eu lieu dans des rencontres où la domination était logiquement confiée aux pieds adverses, des partages face à Bruges à la victoire en terres anversoises? Une fois qu’il doit prendre les choses en mains, le club principautaire version Elsner paraît chercher des principes au milieu de passes sans idées. L’erreur d’Arnaud Bodart en fin de rencontre a peut-être servi de cible momentanée pour détourner l’attention, mais les vrais problèmes rouches semblent plus se trouver dans la gestion collective que dans des errances individuelles.

Le carton rouge de Vadis n'a pas beaucoup aidé les Liégeois
Le carton rouge de Vadis n’a pas beaucoup aidé les Liégeois© belga

Deux équipes aux idées claires qui s’opposent, ça donne quoi ?

Avant de se rendre à Malines, Dominik Thalhammer avait prévenu que l’audace des Sang et Or se mariait parfaitement avec le pressing en zone de ses troupes. Un peu comme Alexander Blessin à Ostende, l’Autrichien organise sa récupération du ballon autour d’un principe qui veut que ses hommes doivent être plus nombreux que les adversaires autour de la balle. Contre des Malinois obsédés par leurs sorties de balle, mais pas toujours à l’abri d’une erreur à la relance, le duel devait forcément tourner à l’avantage du Cercle, selon son entraîneur.

Les hommes de Wouter Vrancken en ont d’abord décidé autrement. S’ils ont offert quelques opportunités à leurs hôtes, leur obstination leur a également permis de s’en créer, dans un match qui s’est ouvert grâce à cette opposition de styles très marquée où les mouvements incessants et harmonieux des locaux ont désorganisé le pressing adverse. Le Malinwa pensait avoir fait une différence définitive en doublant la mise, mais le pied gauche de Dino Hotic et les limites défensives du KaVé en ont décidé autrement.

Par Guillaume Gautier

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