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Oli Deschacht fête ses 40 ans: « Tous ces moments, je n’aurais jamais osé en rêver »

Ce mardi 16 février, Olivier Deschacht fête ses quarante ans ! L’occasion de revenir sur sept de ses 526 matches disputés au cours de ses 19 ans de carrière pro, entre Anderlecht, Lokeren et Zulte Waregem. Flash-back.

Anderlecht – Lommel – 09/03/2002, 26e journée, 2-0

 » C’est mon troisième match, pas le premier, mais le plus important de ma carrière. Les deux premiers avaient été décevants. Je suis entré au jeu pour la première fois en décembre 2001, à vingt ans, à Beveren, à la 83e. C’était le Beveren des Ivoiriens, avec Yapi Yapo, Yaya Touré, Zézéto… Des dribbleurs dont j’avais vraiment peur, même si nous menions 1-4. Après trois minutes, j’ai pris ma première carte jaune. Ce n’est donc pas un bon souvenir. Pas plus que ma première titularisation, juste après la trêve hivernale, à l’Antwerp, dans un Bosuil comble. Ibrahima Yattara m’a rendu fou et j’ai été remplacé au repos, alors que le score était de 1-0. J’ai quand même une excuse : l’équipe ne tournait pas.

Après le match où j’ai marqué contre Anderlecht avec Lokeren, pour la première fois de ma carrière, j’ai pleuré.  »

Olivier Deschacht

Je me suis retrouvé sur le banc mais j’ai continué à travailler d’arrache-pied en réserves et en Espoirs, sous les ordres de Franky Vercauteren. Deux mois plus tard, Glen De Boeck s’est blessé à l’échauffement du match à domicile contre Lommel. Aimé Anthuenis m’a demandé si j’étais prêt. Naturellement, ai-je répondu. Je m’étais motivé : Oli, tu as déjà montré à de maintes reprises ce dont tu étais capable en réserves, fais-le en équipe première. Je l’ai montré. Tout m’a réussi : les longues passes, les interceptions, les tacles… J’ai été élu homme du match et je n’ai plus quitté l’équipe. C’est donc le match le plus important de ma carrière. Car si De Boeck n’avait pas été forfait, j’aurais peut-être passé le reste de la saison sur le banc, le club aurait engagé un nouvel arrière gauche en été et on n’aurait jamais parlé de Deschacht à Anderlecht. »

Anderlecht – Zulte Waregem – 05/05/2006, 34e journée, 3-0

 » J’ai fêté mon premier titre en 2004, avec Hugo Broos. Le Club Bruges avait déjà perdu, ce week-end là. Ce n’était donc pas la grande euphorie. Je l’ai ressentie deux ans plus tard. La lutte était beaucoup plus passionnante car nous devions gagner contre le Lierse, à domicile. Heureusement, nous avons rapidement mené, grâce à deux assists de Pär Zetterberg, qui disputait son ultime match. Ses adieux ont d’ailleurs conféré un piment de plus au match : il a été remplacé à la fin, pour applaudissements, et tous les supporters ont brandi un papier avec « tack », merci en suédois. C’était beau… Et Pär le méritait amplement. Un brillant footballeur, doté de vista, d’une belle technique de frappe, un meneur. Et un type fantastique, avec lequel je me suis toujours bien entendu. Toujours maintenant, d’ailleurs, car nous suivons ensemble les cours d’entraîneur UEFA A. Comme quoi la vie n’est qu’un éternel recommencement…

C’est le fil rouge de ma carrière : j’ai toujours dû faire mes preuves pour laisser sur le banc le énième concurrent enrôlé pour l’arrière gauche.

Olivier Deschacht

Ce qui rendait aussi ce titre spécial, c’est que c’était le premier sous les ordres de Franky Vercauteren, qui m’avait formé en Espoirs. Il m’avait fait reculer d’un cran, de l’aile à l’arrière gauche. Franky jugeait que, gaucher, j’allais bien pouvoir défendre, d’autant que je lisais bien le jeu. C’était bien vu. Il était souvent sévère, dur, mais surtout parce qu’il me trouvait quelque chose de plus qu’à d’autres, plus doués mais moins motivés. Moi, je ne demandais qu’à écouter, apprendre, travailler.

C’est le fil rouge de ma carrière : j’ai toujours dû faire mes preuves pour laisser sur le banc le énième concurrent enrôlé pour l’arrière gauche. Je n’ai eu peur de perdre ma place qu’en 2006, à l’arrivée de Jelle Van Damme, mais j’ai si bien joué que Vercauteren a posté Jelle dans l’entrejeu. »

Club Bruges – Anderlecht – 18/04/2010, 6e journée PO1, 1-2

 » Durant toutes ces années à Anderlecht, je n’ai jamais joué avec une meilleure équipe : Proto, Juhasz, Wasilewski, Kouyaté, Van Damme, Boussoufa, Biglia, Gillet, Frutos, Suarez, Lukaku… Ces deux derniers étaient très complémentaires, ils alliaient technique et puissance. Romelu est devenu meilleur buteur avant même ses 17 ans. Un type en or : facile à diriger, très ambitieux mais pas du tout égoïste, très travailleur, animé de la volonté de gommer ses points faibles, essentiellement son endurance de base. Elle n’était pas encore parfaite parce qu’en équipes d’âge, il battait tout le monde grâce à sa puissance.

Nous avons laminé toutes les équipes. Nous avions douze points d’avance en championnat régulier et nous avons signé un dix sur quinze dans les cinq premiers matches de PO1. Nous pouvions être champions dès la sixième journée, au Club Bruges. Sur le terrain de notre rival, ce qui ne faisait qu’accroître notre motivation. Surtout la mienne car les matches contre le Club étaient particuliers, puisque je suis Flandrien. Même si j’y ai souvent été hué, et encore maintenant avec Zulte Waregem, je m’y suis toujours sublimé. Y compris pour le match du titre, comme toute l’équipe. Le Club n’en a pas touché une : 0-2 via Van Damme et Suarez, mais Sonck a réduit la marque dans les arrêts de jeu.

La fête qui a suivi a été fantastique : nous avons festoyé une demi-heure devant une tribune visiteurs comble, puis il y a eu cet accueil enthousiaste à Anderlecht. »

Anderlecht – Zulte Waregem – 19/05/2013, 10e journée PO1, 1-1

 » Mon match pour le titre le plus stressant alors que nous n’aurions jamais dû en arriver là. Mais bon, quand on rate sept penalties en championnat et trois en play-offs… À la longue, ça vous hante. Pourtant, nous avons entamé la partie contre Zulte Waregem avec énormément de confiance. Un nul nous suffisait. Tout le monde pensait qu’il n’y aurait pas de problème.

Malheureusement, nous n’avons jamais été dans le match, face à un très bon Essevee. Junior Malanda, Thorgan Hazard, Mbaye Leye, Franck Berrier : une machine parfaitement huilée. En deuxième mi-temps, Zulte a même ouvert la marque, via Jens Naessens. Le silence s’est fait dans le stade. Heureusement, deux minutes plus tard, Biglia a égalisé, sur un coup franc dévié. Nous aurions sans doute paniqué encore un peu plus si le score était resté en faveur de Zulte plus longtemps.

Même après, nous avons trimé car Zulte Waregem a continué à déferler, envoyant un centre après l’autre, tout en puissance. En plus, Kouyaté a été exclu à la 80e. À mon entrée au jeu, à la 64e, j’ai dû faire du nettoyage, en compagnie de Wasilewski, monté en même temps que moi. J’ai rarement disputé une fin de match aussi palpitante. Jusqu’à ce que Proto s’empare du dernier haut ballon et que l’arbitre siffle la fin du match. Quel soulagement ! En même temps, Zulte Waregem était très déçu. Je revois encore Davy De fauw pleurer à chaudes larmes. Que voulez-vous : avec un brin de chance, ils auraient écrit une page d’histoire. « 

D'un club à l'autre, le look n'a guère changé.
D’un club à l’autre, le look n’a guère changé.© BELGAIMAGE

Anderlecht – Lokeren – 18/05/2014, 10e journée PO1, 3-1

 » Le titre le plus inattendu. Nous avions dix points de moins que le Standard à la fin du championnat régulier. Et un nouvel entraîneur, puisque Besnik Hasi avait succédé à John van den Brom à la mi-mars, après une défaite 0-1 contre OHL. Malgré la division des points, nous accusions à nouveau huit points de retard après la première journée des PO1, suite à notre défaite au Standard. Nous allions devoir nous battre pour la deuxième ou troisième place. Mais Hasi a eu un coup de génie après ce premier match : il a avancé Kouyaté de la défense à l’entrejeu, à côté de Youri Tielemans. Un duo complémentaire qui a relancé le moteur. Et puis, contrairement à Van den Brom, Hasi s’en tenait à une tactique et à une équipe de base.

Je peux dire avec fierté que j’ai disputé le plus grand nombre de matches pour le club le plus prestigieux de Belgique. »

Olivier Deschacht

Le déclic s’est opéré grâce à la victoire au Club Bruges, lors de la septième journée, grâce à un but contre son camp de Thomas Meunier. Après deux autres succès contre Genk et Zulte Waregem, nous devions encore gagner le dernier match, contre Lokeren. Ce fut encore un match tumultueux : nous avons mené 1-0 puis Anthony Vanden Borre a été exclu et Lokeren a égalisé. Heureusement, Chancel Mbemba a marqué très vite, alors que nous étions à dix contre onze, et Koen Persoons a été exclu. Dennis Praet a conclu : 3-1 !

La joie a été immense, grâce à cette remontée, d’autant que l’équipe était jeune. Tielemans et Praet s’étaient distingués, surtout Youri, qui est rapidement devenu adulte et a montré l’étendue de ses qualités durant ces play-offs. Sa mentalité rappelait celle de Lukaku : travailleur, facile à coacher, obéissant. J’ai toujours essayer de donner des conseils, mais sans exagérer. Il ne faut pas accabler les jeunes d’informations, ils doivent pouvoir être eux-mêmes. Mais certains veulent apprendre plus que d’autres et travailler pour atteindre le sommet. Comme Lukaku, Tielemans, Praet, Leander Dendoncker plus tard. Je suis heureux d’avoir pu les épauler un peu. »

Anderlecht – KV Courtrai – 25/05/2015, 4e journée PO1, 5-1

 » De ce point de vue, Yves Vanderhaeghe a joué un rôle crucial dans ma carrière. Il m’a épaulé dès ma première saison, sur le terrain et en dehors. Malgré une différence d’âge de onze ans, nous sommes devenus les meilleurs amis du monde. Ce match contre Courtrai était donc très spécial, puisque Yves l’entraînait. J’ai marqué deux buts, pour la première fois de ma carrière. J’ai remis de la tête deux corners de Steven Defour au premier poteau. J’ai ressenti une vive euphorie les deux fois, j’ai couru tout le long du terrain. Yves, lui, est devenu fou, évidemment ! En deuxième mi-temps, il a même mis son meilleur joueur de la tête contre moi, Ivan Santini à la place de Nebosja Pavlovic – pour m’empêcher de marquer un troisième but ! Il s’est excusé : Sorry, Oli. (Rires)

Malheureusement, cette victoire n’a pas suffi pour le titre. Mais nous aurions été champions si Johan Verbist avait sifflé le penalty très clair de De fauw – revoilà David – sur Frank Acheampong, à 0-1 à Bruges. Au lieu de 0-2, le score est passé à 2-1 car Vanden Borre s’était endormi. Et ces trois points nous ont fait défaut par rapport à La Gantoise, qui a été sacrée championne. Malgré tous les titres, tous les succès, cet échec me reste en travers de la gorge. Je suis ainsi fait : j’en veux toujours plus. Seule la victoire compte.

C’est aussi pour ça que j’ai toujours refusé un transfert dans un club du ventre mou ou du fond d’une grande compétition. J’aurais pu gagner plus mais qu’aurais-je retiré de trois saisons à Wolverhampton ou à Getafe ? Pour le même prix, je devais revenir, tête basse, après un an, parce que j’étais sur le banc. Ici, j’ai pu lutter chaque saison pour le titre et j’ai disputé de nombreuses campagnes en Ligue des Champions. J’ai délibérément opté pour la chair de poule, pour ces moments merveilleux. Maintenant, je peux dire avec fierté que j’ai disputé le plus grand nombre de matches (603) pour le club le plus prestigieux de Belgique. Un record que personne ne pourra me prendre. Ça vaut quand même plus qu’un peu d’argent, non ?  »

Oli Deschacht fête ses 40 ans:

Anderlecht – Lokeren – 01/11/2018, 13e journée, 1-1

 » En prenant de l’âge, j’ai commencé à rêver des mêmes adieux à Anderlecht que Zetterberg. Puis il y a eu ce coup de téléphone, trois semaines après la saison 2017-2018. Du nouveau président : mon contrat ne serait pas prolongé alors que pendant les PO1, Hein Vanhaezebrouck et Luc Devroe m’avaient promis le contraire. Oui, j’en ai encore gros sur la patate. Si on m’avait prévenu à temps, j’aurais regretté cette décision mais au moins, j’aurais pu fêter mes adieux. On ne me l’a malheureusement pas permis…

J’ai donc dû les organiser, avec Lokeren, lors de mon premier match à Anderlecht. On m’a offert un cadre bon marché avant le coup d’envoi et un maillot arc-en-ciel dédicacé de Remco Evenepoel, qui venait d’être champion du monde en juniors. Il a pris de la valeur ! Le plus beau, ça a été les applaudissements des supporters. Avant le match et à la troisième minute, parce que j’avais joué avec le numéro trois. J’étais si impressionné que j’ai raté une passe. Les supporters ont été encore plus bruyants quand j’ai marqué le 0-1 de la tête. Comme si c’était écrit dans les étoiles. Tenez, écoutez le commentaire de Filip Joos : (il montre la séquence sur son smartphone, ndlr)  » Deschacht est monté, imaginez… Oui, c’est dedans, c’est de-dans ! O-li-vier Deschacht marque à Anderlecht ! ! !  » C’est dingue, hein. La nouvelle de la journée. Ensuite, j’ai reçu des messages de coéquipiers dont je n’avais plus eu de nouvelles depuis des années.

Je n’ai pas jubilé, non. Je ne pouvais pas faire ça à des supporters qui m’avaient soutenu pendant vingt ans. Ils m’ont réservé une ovation debout. Et encore une à l’issue du match. Pour la première fois de ma carrière, j’ai pleuré, dans le vestiaire, à cause de toutes ces émotions : j’étais fâché parce que j’aurais dû continuer à jouer pour Anderlecht mais en même temps, je me remémorais avec joie toutes ces belles années. Tous ces moments où j’avais eu la chair de poule, ce dont je n’aurais jamais osé rêver, après cette première entrée au jeu contre Beveren, à vingt ans. »

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