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Décryptage tactique: quel style de coach pour le Standard de demain?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Parce que le secteur offensif et son avenir semblent remplis d’incertitudes, le Standard cherche d’autres voies pour rester dans le haut du tableau. Analyse chiffrée du jeu liégeois.

L’été est à portée de mains, et les rêves de voir le soleil à nouveau briller sur Sclessin ne semblent pas beaucoup plus éloignés. Le 19 juin 2018, Michel Preud’homme s’affiche à nouveau sous les couleurs rouches, et trace les contours du projet qui l’a incité à revenir dans sa Principauté. « Dans le projet actuel, l’important n’est pas de réaliser un coup, mais bien de stabiliser le club au sommet », explique alors celui que Liège accueille avec des yeux émerveillés.

Deux ans plus tard, les manières de faire le bilan sont nombreuses. Il y a ceux qui diront que le Standard s’apprêtait à enchaîner une troisième participation de rang aux play-offs pour la première fois depuis 2015, signe d’une stabilité nouvelle, et puis les autres qui rappelleront que Ricardo Sa Pinto a bouclé son unique saison le long de la Meuse avec une deuxième place et un trophée, performances inégalées par son successeur.

Nombreux étaient ceux qui attendaient une nette amélioration cette saison, ouverte par un mercato onéreux et par la perspective de la deuxième année du règne de MPH.

En termes de stabilité, on peut affirmer que le travail a porté ses fruits. Les deux courbes de points de l’ère Preud’homme se ressemblent, même si le contrecoup est survenu à des périodes différentes. Au bout de 29 journées, le Standard compte 49 points, soit un de moins que la saison dernière, mais huit de plus qu’il y a deux ans, quand Sa Pinto et ses troupes avaient surtout brillé dans le sprint final.

Évolution du nombre de points marqués par le Standard depuis trois ans, play-offs compris
Évolution du nombre de points marqués par le Standard depuis trois ans, play-offs compris© SFM

Nombreux étaient ceux qui attendaient une nette amélioration cette saison. Pas seulement parce qu’il s’agissait de la fameuse « deuxième saison » de MPH, mais aussi parce que le coach avait pu modeler le noyau rouche à sa façon, au cours d’un été riche en transferts. Parti sur des bases prometteuses (sept points de plus que l’an dernier après 13 journées), le Standard a finalement plafonné, payant notamment le prix d’une fin d’année compliquée.

Si les chiffres les plus fréquents montrent une stabilité, l’analyse détaillée des prestations rouches permet néanmoins de déceler un progrès significatif entre les deux saisons de l’ère MPH. En faisant la différence entre les expected goals (valeur entre 0 et 1 accordée à une occasion en fonction de sa probabilité de finir au fond) créés et les expected goals concédés, on remarque que le Standard dispose cette saison d’une marge bien plus conséquente. Son expected goal difference s’élève à +15,74, contre +1,33 un an plus tôt après 29 journées. Le problème, c’est que cette évolution marquante ne se retrouve pas dans la différence de buts : + 15 cette saison, + 13 l’an dernier. Conséquence d’un léger sous-régime cette saison ou d’un important surrégime l’an dernier?

La différence entre expected goals marqués et encaissés au fil de la saison montre une évolution marquante du deuxième Standard de Preud'homme
La différence entre expected goals marqués et encaissés au fil de la saison montre une évolution marquante du deuxième Standard de Preud’homme© SFM

Face au but adverse, le Standard affiche des chiffres paradoxaux. Ses treize buts marqués sur des frappes à distance en font l’une des références européennes en la matière. Dans les dix meilleurs championnats européens, seuls Leipzig et l’Atalanta (14) ont fait mieux. Mais les Allemands et les Italiens ont marqué beaucoup plus souvent que le Standard, qui a planté 25% de ses buts à distance.

Une arme redoutable, mais difficile à aiguiser. La frappe de loin est, par définition, une occasion qui a peu de chances d’aboutir. À Liège, les coups de canon de Selim Amallah, Samuel Bastien ou Paul-José Mpoku ont permis de masquer les problèmes d’efficacité dans la surface. Car sur les occasions franches, le Standard est à la traîne.

Les Rouches ne marquent que 27% de leurs occasions franches. Un ratio loin d’être à la hauteur de leurs concurrents dans le haut du tableau.

Au sein du top 5, les Rouches sont – en compagnie de Charleroi – l’équipe qui se crée le moins de big chances. Les Liégeois ont obtenu cette saison 49 occasions dont les chances de finir au fond étaient au moins d’une sur quatre (0,25 xG ou plus). C’est moins que l’Antwerp (58) et Gand (60), et évidemment que Bruges, référence en la matière (75).

Déjà plus rares que pour la concurrence, les occasions franches du Standard souffrent, surtout, d’un énorme souci de conversion. Seules 13 de ces 49 big chances ont fait trembler les filets adverses, soit 27% de réussite. C’est moins que Bruges, qui compense par son volume plus important (36%), et surtout très éloigné des ratios de Charleroi (47%), de Gand (50%) et de l’Antwerp (50%). En résumé, le Standard a marqué autant de buts sur des occasions très franches que sur des frappes à distance.

Bilan des occasions qui ont, selon les expected goals, au moins 25% de chances de finir au fond des filets
Bilan des occasions qui ont, selon les expected goals, au moins 25% de chances de finir au fond des filets© SFM

La différence entre les deux saisons de l’ère MPH en termes de rentabilisation des occasions créées et concédées peut-elle s’expliquer par une perte de talent? Devant, Renaud Emond et ses 44% de réussite sur les big chances sont partis cet hiver, laissant l’attaque rouche entre les mains d’Obbi Oulare, Felipe Avenatti et Duje Cop, huit big chances créées et deux converties à eux trois (contre 4/9 pour Emond), épaulés par un Maxime Lestienne loin d’être efficace (deux big chances converties en neuf tentatives).

L’an dernier, le Standard avait encaissé quatre buts sur des frappes à distance en 40 matches. Cette année, il était déjà à sept en 29 sorties.

Derrière, le Standard a dû se reconstruire sans Christian Luyindama et Guillermo Ochoa. Deuxième meilleure défense du championnat en termes d’expected goals concédés cette saison (30,22), les Rouches n’occupent par contre que la quatrième place au classement effectif des défenses (32 buts encaissés). Si la maîtrise du petit rectangle, qui était loin d’être le point fort d’Ochoa, ne s’est pas améliorée avec un Arnaud Bodart qui a la même stature physique que son prédécesseur, le Standard est devenu beaucoup plus vulnérable sur les frappes à distance, où le Mexicain faisait des merveilles. Si Memo a été trompé à distance à quatre reprises l’an dernier en 40 journées, Bodart s’est retourné sept fois sur des frappes de loin en 29 sorties. Une différence considérable.

Le Standard n'est pas maître de son petit rectangle. Il est, avec Anderlecht, la seule équipe de la colonne de gauche qui encaisse plus qu'elle ne marque depuis cette zone
Le Standard n’est pas maître de son petit rectangle. Il est, avec Anderlecht, la seule équipe de la colonne de gauche qui encaisse plus qu’elle ne marque depuis cette zone© SFM

Comment reconstruire le Standard, au bout d’un été qui pourrait l’amputer de ses éléments les plus prometteurs à distance (Amallah et Bastien sont cités sur le départ), et le verra difficilement se renforcer en embauchant des valeurs sûres offensives, au vu de la situation financière? En construisant le profil du successeur potentiel de Michel Preud’homme, les Rouches ont axé leurs recherches sur deux points majeurs.

D’abord, les Liégeois doivent retrouver leur solidité défensive. C’est notamment dans cette optique que le club s’était renseigné sur le profil de Vladimir Ivic, le coach serbe du Maccabi Tel Aviv, dont l’équipe n’a encaissé que sept buts lors de la phase classique du championnat israélien. Sans être en mesure de recruter des joueurs offensifs à très haut rendement, briller sur les pelouses belges passe par une organisation défensive sans failles, comme le montre un club comme Charleroi depuis plusieurs saisons.

Le Standard n’a marqué que quatre buts sur phase arrêtée cette saison.

Ensuite, les Rouches devront absolument progresser sur les phases arrêtées. Cette saison, ils n’ont marqué qu’à quatre reprises dans l’exercice. Bien trop peu, pour un domaine qui peut représenter entre 15 et 25% des buts marqués par une équipe, et qui devient souvent plus important quand l’enjeu des rencontres se resserre. C’est à ce titre que Michel Preud’homme avait jeté son dévolu sur Brian Priske, le coach de de Midtjylland, qui a marqué 19% de ses buts sur phase arrêtée (hors penalties). Drivé par des dirigeants férus de data, le club danois a développé une grande culture en la matière, amenée en Belgique par l’intermédiaire de Jess Thorup, dont les hommes avaient particulièrement brillé dans l’exercice la saison dernière. Sous contrat jusqu’en 2023 et sur le point de conquérir le titre de champion, l’ancien joueur de Bruges était intouchable pour les Liégeois.

Reste que le profil n’est pas jeté aux oubliettes, et que ces caractéristiques feront probablement partie du raisonnement à l’heure de poser le choix final sur l’identité du successeur de Michel Preud’homme. Ce sera au tour d’un coach médicament, appelé à soigner les points faibles du jeu liégeois sans oublier de préserver ses atouts.

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