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Dans la tête de Sa Pinto

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le Portugais a sauvé sa tête. Même s’il dit qu’elle n’était pas menacée. Et maintenant ? Pour qu’on comprenne mieux où il veut en venir, il nous parle de sa folie, de sa femme, de son parcours universitaire, de sa certitude d’aller en PO1,…

Sclessin se vide dans la bonne humeur, Ricardo Sa Pinto et Yannis Anastasiou livrent leur analyse de la victoire du Standard sur Courtrai. Les Liégeois ont montré de belles choses pendant les trois premiers quarts d’heure, puis ils ont participé à l’une des mi-temps les plus médiocres depuis l’ouverture du championnat. Après cette analyse, Sa Pinto tape dans la main d’Anastasiou et lui lance :  » All the best. All the best.  » Le Portugais sait qu’il peut rester en place. Le Grec est moins sûr de son avenir.

Ricardo Sa Pinto aurait-il dû dégager en cas de nouvelle contre-performance ? Il noie le poisson sans même qu’on lui ait posé la question :  » Il ne faut pas croire tout ce qu’on dit et ce qu’on écrit. Faites attention à ça. Moi, je suis préparé pour vivre avec les rumeurs. « 

Voir ce type en face après un match, c’est toujours une expérience. Il semble épuisé, il a le regard livide, joue avec sa nuque comme s’il avait besoin de se décontracter. Les suites de ses mouvements incessants et de ses gueulantes pendant une heure et demie. L’homme qui avoue qu’il ne  » dort jamais  » nous explique que le foot, c’est vraiment toute sa vie.  » Ma femme me dit que je suis fou. Mais elle respecte ce que je fais, elle accepte mon style de vie. C’est ma passion, voilà. Pour la deuxième fois de ma vie, j’ai l’occasion de vivre ma passion à fond. Je l’ai fait comme joueur, je le fais maintenant comme entraîneur. Mais ma vie d’aujourd’hui est bien plus difficile que mon quotidien de footballeur. Et le métier d’entraîneur a évolué, par rapport à la période où je jouais. Tout est plus compétitif, il y a des coaches qui ont fait des études, il faut maîtriser des choses qui n’existaient pas il y a dix ou vingt ans : les réseaux sociaux, le pouvoir des agents, le comportement de jeunes qui ont des exigences élevées. Avec le flux d’informations, tout le monde sait maintenant tout sur tout le monde. Il n’y a plus de secrets dans le football de haut niveau, on doit faire attention à tout. Et il est devenu difficile de construire quelque chose de solide. « 

 » Ma formation universitaire m’aide à gérer les mécontents « 

Ricardo Sa Pinto.
Ricardo Sa Pinto.© BELGA

Ricardo Sa Pinto donne maintenant l’impression d’avoir dégagé son équipe type. Il a dû beaucoup bricoler depuis le début du championnat et il n’était pas toujours responsable de cette situation, parce qu’il a dû attendre pas mal de temps pour pouvoir disposer de tous les joueurs à un bon niveau. Il y a eu des départs et des arrivées tout en fin de mercato, des méformes, des suspensions, des blessures. Entre-temps, l’horizon s’est dégagé et on a l’impression qu’il voit beaucoup plus clair pour la suite. Forcément, il va maintenant devoir gérer des mécontents. Dont quelques joueurs pas trop habitués à être sur le banc ou dans la tribune. Par exemple, Jean-François Gillet est plus que jamais condamné au poste de numéro 2 et il a déjà fait savoir que ça ne lui convenait pas du tout. Réginal Goreux semble arrivé au bout de son aventure liégeoise. Alexander Scholz continue à prendre du banc. Duje Cop, international, a sauté au profit d’Orlando Sa. Les choix d’aujourd’hui (Guillermo Ochoa, Luis Pedro Cavanda, Christian Luyindama, Orlando Sa) ne semblent pas être des choix par défaut. Ce sont clairement des hommes sur lesquels Sa Pinto compte pour aller à la guerre sur le long terme.

Comment gérer ces excédentaires sans provoquer de casse ? Ricardo Sa Pinto nous renvoie à sa formation.  » Tu sais, j’ai étudié après ma carrière de joueur ! Je ne me suis pas tourné les pouces, je suis allé à l’université au Portugal. J’ai obtenu un master en management sport et marketing. Ces études ont d’ailleurs contribué à me créer un statut respectable dans mon pays. Les Portugais me respectent pour ma carrière de joueur, pour mon parcours d’entraîneur mais aussi pour le diplôme que j’ai décroché. Je constate entre-temps que cette formation m’est fort utile dans mon métier d’entraîneur. Dans le football de haut niveau, les relations humaines sont hyper importantes. J’ai reçu les bonnes bases pour faire cette part du boulot de coach. Les cours de marketing m’ont permis de mieux comprendre le business du foot, les influences de l’aspect financier sur mon travail quotidien. J’avais aussi des cours poussés de communication, c’est encore une chose qui m’est fort utile. J’ai fait pas mal de présentations pour des publics différents. Bref, je pense que j’ai eu les bons outils pour me préparer à une nouvelle vie professionnelle, qui aurait aussi pu se trouver dans un autre univers que le football. « 

 » J’ai le profil pour le Standard « 

Ricardo Sa Pinto.
Ricardo Sa Pinto.© BELGA

Ricardo Sa Pinto entretient au passage son étiquette de gars normal.  » À une époque, on a fait des commentaires au Portugal parce que j’avais été invité à un mariage dans l’aristocratie, mais je te jure que je proviens d’une famille tout à fait normale et je n’ai jamais voulu changer ça. Il faut me voir avec mes idées d’entraîneur, avec ma philosophie. Ça ne marchera au Standard que si tout le monde comprend ça. Il faut que tout le monde me suive. Je sais que c’est parfois difficile de saisir mes idées. Mais si tout le monde me suit, on finira dans les six premiers et on jouera les play-offs. Je veux des joueurs solidaires et responsables. Si certains commencent à accuser des coéquipiers après un mauvais match, ça va casser. « 

Et il nous rappelle que s’il a jusqu’ici un parcours de coach plutôt chaotique, avec des expériences qui ont le plus souvent été de courte durée, c’est parfois parce que lui-même ne voulait pas continuer.  » Dans chaque club où je suis passé, j’ai fait beaucoup de bon travail. Parfois en devant accomplir des petits miracles parce qu’il n’y avait pas d’argent, parce que ce n’était pas organisé, parce qu’on ne me donnait pas les joueurs promis. Si je vois qu’on ne me suit pas, je pars. Maintenant, je voudrais stabiliser ma carrière. Si possible au Standard parce que c’est un club fantastique. Je pourrais citer des clubs pour lesquels je n’ai pas le profil. Mais pour le Standard, j’ai le bon profil, ça c’est sûr. « 

Par Pierre Danvoye

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