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D’où vient Anass Zaroury, le baron de Charleroi?

Révélation du début de saison carolo, le chemin d’Anass Zaroury se parcourt à pieds nus, entre Malines et Charleroi, et souvent en compagnie de Francis Amuzu. Balade en ballon.

Battel est un hameau aux allures de village, situé au nord-ouest de Malines. Inconnu du grand public, l’endroit est seulement célèbre pour avoir hébergé la famille Empain au début du siècle dernier. Le baron Eduard Empain y fera rénover un petit château dont seule la remise à calèches a été conservée. Cent ans plus tard, son héritage s’arrête là. Et à une avenue en zone pavillonnaire en l’honneur du riche industriel. Une allée empruntée par Anass Zaroury et ses deux frères dans le convoi familial pour relier son domicile au SK Heffen. Fils d’un papa qui travaille dans une société de nettoyage et d’une maman standardiste pour un câblodistributeur belge, c’est là que le jeune Zaroury se fait rapidement remarquer pour ses qualités balle au pied.

Avec Francis Amuzu, on mettait des claques à tout le monde. »

Anass Zaroury

Il n’est étonnement pas le seul. À l’époque, surclassé d’une catégorie, le gamin partage l’affiche avec un certain FrancisAmuzu. Moins technique, mais beaucoup plus rapide, l’actuel Anderlechtois n’a rien oublié de ses jeunes années. « J’avais huit ans, Anass en avait sept, c’était un truc de fou ce duo! On était vraiment un binôme incroyable. Il était tout petit avec des crolles et était hyper technique, moi, j’étais juste rapide. Sans blague, je ratais tous mes contrôles, mais cela ne m’empêchait pas de mettre sept à huit buts par matches ( Rires). »

« Ce sont des souvenirs incroyables », relance à son tour Anass Zaroury. « On mettait des claques à tout le monde, mais paradoxalement, c’est un jour où Francis était absent que j’ai inscrit mon record de buts. 21 en un seul match! » Anass Zaroury a alors neuf ans et dispute sa dernière saison bercée d’insouciance.

L’été suivant, le gamin rejoint Malines en même temps que Francis Amuzu pour une saison avant que le duo ne se laisse tenter par la philosophie des Académies Jean-MarcGuillou. En quittant le domicile familial pour Tongerlo, Anass Zaroury doit oublier deux choses importantes jusque-là: les sandwichs mozzarella de maman et les chaussures à crampons. « Je ne sais pas ce qui a été le plus dur à oublier ( Rires). J’étais le seul nouveau de ma promo cette année-là et j’ai eu beaucoup de mal à me retrouver seul, sans repères, à seulement onze ans, mais ce n’était pas plus facile d’apprendre un autre football. » Celui dont la chaleur brûle les pieds en été et va jusqu’à les paralyser l’hiver venu. « Les autres étaient habitués à ces conditions-là, à jouer sans chaussures, leur technique était mieux développée que la mienne. »

JONGLEUR DU FEU

Le temps de réussir ce stage de jonglage en forme d’épreuve du feu dans toute académie JMG qui se respecte. Si chaque école à travers le monde a ses propres règles, toutes ont un commun de proposer cet examen de maturité technique censé ouvrir les portes du Graal qu’est la chaussure à crampons. « Chaque semaine, il y a toute une batterie de tests, mais il faut arriver à un certain stade pour avoir le droit aux chaussures », rejoue Zaroury. « À la fin, c’est même psychologiquement que cela devient dur », surenchérit Francis Amuzu. « Moi, j’en ai pleuré, notamment au moment de l’épreuve des jongles sur l’épaule. »

Certains surdoués passent le cap en quelques mois, d’autres triment pendant plusieurs années. Il faudra quatre ans à Anass Zaroury pour chausser le cuir, mais lui le fera auprès de ThomasCaers. Ancien entraîneur au sein de l’académie JMG de Tongerlo, Caers ouvre en 2013 une structure basée sur les mêmes principes formateurs, mais en collaboration avec le club de Zulte Waregem. Avec la carotte d’un club de l’élite comme potentiel employeur en fin de cursus.

Intégré aux U17 du Essevee en janvier 2016 avant de l’être dans l’équipe réserve de StijnMeert la saison suivante, Zaroury comprend assez vite qu’il n’a pas d’avenir avec l’équipe première de Zulte Waregem. Convaincu de ses qualités, le joueur prend le temps de la réflexion avant de se lancer dans une nouvelle aventure. Suivront un stage peu concluant du côté du NAC Breda et un autre à Lommel, qui aboutira lui sur un contrat.

Dans le Limbourg, Zaroury prend cependant de plein fouet la réalité du monde professionnel en voyant arriver PeterMaes, débarqué dans son club de coeur pour le sauver de la relégation. « Indépendamment de ça et de l’urgence qu’il y avait à faire des résultats, je ne crois pas que mon profil l’intéressait… J’ai passé les quatorze derniers matches en tribune. »

Dans le contexte de l’époque, Anass Zaroury est peut-être l’un des rares à avoir accueilli la crise sanitaire avec le sourire. Au bord de la faillite, Lommel voit alors arriver les dirhams émiratis du City Football Group et la flopée d’ambitions qui va avec. « Pour moi, c’est vrai que ça a coïncidé avec un nouveau départ. L’entraîneur LiamManning est arrivé, je lui ai tout de suite plu et d’un coup, la spirale s’est inversée. »

Dans le privé, Anass découvre les joies de la colocation en partageant un appartement du club avec son coéquipier KevinKis, s’enfile des documentaires de footeux sur NicolasAnelka ou ThierryHenry et squatte la console de jeu. Sur le terrain, le joueur claque surtout une saison à sept buts et quatre passes décisives devant des tribunes vides. À quelques exceptions près toutefois. « Parfois, il y avait plus de monde. Je me disais bien que si ce n’était pas des supporters, cela devait être des recruteurs. Alors, j’en faisais un petit peu plus ( Rires). » L’opération séduction est un succès. Dès janvier, Zaroury a le choix entre plusieurs clubs de Pro League, mais choisit finalement le Sporting de Charleroi, qu’il rejoint quatre mois plus tard avant d’en devenir le tube de l’été.

Dès le stage de Garderen début juillet, son nom était sur toutes les lèvres. à commencer par celles d’ EdwardStill. Sous le charme de Zaroury, le néo-stratège des Zèbres comprend vite qu’il tient là un jeune prodige capable de faire des différences devant, mais cherche alors à préserver l’effet de surprise. Comme on cacherait un trésor, Still veut garder Zaroury en dehors des radars et le privera d’apparition médiatique avant le coup d’envoi de la saison. Ce qui étonne tout le monde, sauf peut-être le principal intéressé. L’homme avoue une certaine confiance en lui: « Quand je monte sur le terrain, je sais ce que le coach attend de moi, mais le coach sait aussi que dans les trente derniers mètres, il peut me faire confiance sur mes un-contre-un. Je sais que je peux toujours faire des différences. »

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