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D’Everton au Standard en passant par l’OM, focus sur Niels Nkounkou

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Chassé de Brest, révélé à Marseille puis propulsé vers Everton, c’est avec des valises déjà bien remplies que Niels Nkounkou, vingt ans seulement, débarque en bords de Meuse. Retour sur une succession de city-trips ballon au pied.

La vocation frappe à deux portes à la fois. D’abord à celles du 95, département de la banlieue parisienne dans lequel grandit Niels Nkounkou, entre Cergy et Pontoise. Des noms qui font souvent la Une des journaux friands de faits divers, et dont les portes de sorties semblent toujours aussi peu nombreuses. Interviewé par L’Écho des Banlieues dans une vidéo YouTube qui s’intéresse à la vie des quartiers à la mauvaise réputation, l’éducateur de rue Zicram résume en une phrase une étiquette particulièrement difficile à décoller: « Aux yeux du grand public, un banlieusard qui a réussi, ça reste toujours un rappeur ou un joueur de foot. »

À Marseille, on loue ses qualités de percussion offensive, sa faculté à répéter les efforts à haute intensité et à les ponctuer d’un centre précis.

Dans ces quartiers artificiels, construits pour faire face à la croissance exponentielle de la population française en plein coeur du siècle dernier, le ballon rond est très vite l’évidence de la famille Nkounkou. Le frère, William, emprunte d’ailleurs la voie avant Niels, tous deux s’engouffrant dans le sillage de leur père Patrick, longtemps coach de l’équipe fanion de Cergy-Pontoise. C’est le deuxième coup frappé par le football à la porte de Niels Nkounkou, qui répond à l’invitation avant même de souffler sa sixième bougie, en prenant sa première licence dans le club de son père. Il ne le quittera qu’une petite décennie plus tard, pour un décollage qui l’emmène jusqu’au centre de formation du Stade Brestois, via des passages à Rouen, puis à l’Entente Sannois Saint-Gratien.

L’histoire ressemble à mille autres, racontées à l’heure d’évoquer le parcours des jeunes Français intégrant un centre de formation pour faire s’envoler leur carrière. Pour Niels Nkounkou, la trajectoire prend pourtant un détour inattendu quand, trois mois à peine après son arrivée dans le Finistère, les dirigeants du centre de formation du SB29 lui indiquent la porte de sortie en même temps qu’à quatre autres membres de l’équipe U19. Les circonstances sont floues, et personne ne semble vouloir éclaircir cette affaire qui implique « une altercation » avec un membre des U17 et aboutit à un renvoi collectif de cinq talents pourtant prometteurs. L’aventure pourrait s’arrêter là, s’il n’y avait ce rebond à l’autre bout du pays. Huit mois après s’être vu fermer la porte du centre de formation brestois, Niels Nkounkou poussera ainsi celle de l’équipe nationale U18 des Bleus.

Cela faisait plusieurs mois que le Standard était sur la piste de Niels Nkounkou.
Cela faisait plusieurs mois que le Standard était sur la piste de Niels Nkounkou.© STANDARD DE LIÈGE

La révélation marseillaise

Entre les deux événements, il y a un voyage vers le sud. Direction Marseille, pour intégrer le centre des Phocéens et taper rapidement dans l’oeil de ses entraîneurs. À la Commanderie, on loue ses qualités de percussion offensive, sa faculté à répéter les efforts à haute intensité et à les ponctuer d’un centre précis. Des atouts qui tapent rapidement dans l’oeil d’ Yvan Le Mée, qui devient alors son agent et l’ajoute à sa prestigieuse liste d’arrières gauches où a longtemps figuré Gaël Clichy et où se trouve désormais le Madrilène Ferland Mendy. La carte de visite du puissant latéral séduit également les classes de jeunes de la sélection française, et même Rudi Garcia qui convie occasionnellement Nkounkou à participer aux entraînements du noyau pro.

La deuxième naissance de la carrière de Niels prend un coup de froid au bout de la saison 2018-2019, quand la cinquième place et l’absence de Coupe d’Europe qui en découle poussent le club phocéen à mettre fin au bail de Rudi Garcia. Le Français est remplacé par André Villas-Boas, qui freine l’éclosion du jeune latéral malgré des ennuis récurrents au poste d’arrière gauche. « En tant que vrai spécialiste du poste, il y avait seulement Jordan Amavi« , rembobine Niels Nkounkou une saison plus tard dans les colonnes de L’Équipe. « Mais Villas-Boas a essayé Hiroki Sakai à gauche, parfois même Bouna Sarr, et Saîf-Eddine Khaoui a aussi fait quelques apparitions. Je sentais vraiment que ça allait être compliqué pour moi. J’ai préféré prendre le risque de partir. »

« Si on a décidé de partir de Marseille, c’est parce qu’il n’y avait pas de projet pour le joueur », confirme son agent Yvan Le Mée. En même temps qu’ Isaac Lihadji, jeune talent marseillais qui prend la route du LOSC, l’enfant de Cergy-Pontoise quitte la Canebière pour tenter de trouver un fil conducteur à sa carrière et crée des remous chez des supporters phocéens qui s’agacent de voir deux de leurs talents les plus prometteurs quitter le navire bleu azur aux portes de l’équipe première. Pour Nkounkou, l’histoire se poursuit de l’autre côté de la Manche, dans un club d’Everton où les Toffees cherchent une doublure à Lucas Digne pour pallier le départ à la retraite de la légende locale Leighton Baines, après treize années de loyaux services à Goodison Park.

Le profil de Nkounkou semble idéal pour s’insérer dans le jeu de Mbaye Leye.

Le rêve anglais

Ancien attaquant de l’OM devenu dénicheur de talents sur le sol français pour l’autre club de Liverpool, Habib Bamogo ne passe pas à côté du profil prometteur de Nkounkou. Il est le premier à évoquer son nom aux oreilles du board des Toffees, pour le début d’une cour qui finira par un appel de Carlo Ancelotti, alors manager d’Everton. Carletto présente au jeune Francilien le projet d’une croissance méticuleuse dans l’ombre de son compatriote Lucas Digne, d’une expérience accumulée entre les matches de la réserve et quelques apparitions chez les pros, et le plan est alors de boucler la première saison en bleu avec une quinzaine de rencontres au compteur. Si Benjamin Nicaise vient déjà aux nouvelles pour tenter de vêtir Niels Nkounkou de rouche, les tractations avec Everton et la force du rêve anglais sont des obstacles trop importants pour permettre au Standard de véritablement peser dans la balance. Les présentations sont faites par Marcel Brands, Director of Football à Goodison Park: « Nous espérons qu’il apprendra beaucoup aux côtés de Lucas Digne, ainsi que de Carlo Ancelotti et de David Unsworth, l’entraîneur de l’équipe réserve. »

Niels Nkounkou avec les Bleus face à l'Afrique du Sud aux Jeux Olympiques.
Niels Nkounkou avec les Bleus face à l’Afrique du Sud aux Jeux Olympiques.© STANDARD DE LIÈGE

Très vite, l’apprentissage se fait en situation réelle. Le premier jour du mois de novembre, quand il souffle sa vingtième bougie, Niels Nkounkou est titulaire pour affronter les Magpies de Newcastle sur la pelouse de St. James Park, avec un carton jaune et une défaite à la clé. La récompense d’un début de saison intéressant, avec trois titularisations victorieuses lors des premiers tours de la League Cup, et notamment une passe décisive qui fait parler d’elle face à Fleetwood. Au bout des arrêts de jeu, alors que le 2-4 permet déjà de parler de qualification acquise, le Français utilise sa pointe de vitesse pour plonger dans le dos de la défense fatiguée des pensionnaires de League One et ponctue sa course en profondeur d’une géniale talonnade qui offre le dernier but de la rencontre à Moïse Kean. La marque de fabrique d’un latéral qui aime faire parler sa vitesse et évite souvent de tomber dans la précipitation, se mettant plus souvent en évidence pour ses percées offensives que pour une rigueur à l’autre bout du terrain encore à parfaire.

Après la défaite à Newcastle, il ne restera malgré tout que 25 minutes en forme de miettes à déguster dans le groupe professionnel, stoppant le compteur à six apparitions dont cinq titularisations pour la première saison passée de l’autre côté de la Manche. Seulement un tiers de ce que le joueur et son entourage espéraient, mais la conviction d’avoir les armes pour franchir le palier à terme. La solution toute trouvée est celle d’un prêt, validée par Carlo Ancelotti, puis par son successeur Rafael Benitez quand Carletto est appelé à la rescousse par Florentino Pérez pour relancer son Real Madrid. Le manager espagnol offre à Nkounkou une titularisation dans le couloir gauche de son 3-4-3 en League Cup sur la pelouse d’Huddersfield le 24 août, mais tous savent déjà que la suite s’écrira probablement ailleurs.

Sclessin pour éclore

Une nouvelle fois, Benjamin Nicaise frappe à la porte. En délicatesse financière pour gérer son mercato entrant et toujours en quête d’un concurrent pour Nicolas Gavory, souvent indéboulonnable par défaut sur le côté gauche de la défense rouche, le directeur sportif scrute les noyaux à rallonge des grands clubs. Dans le groupe des Toffees, il n’a pas lâché la trace de Niels Nkounkou. Une obstination qui joue en la faveur du Standard au moment de dribbler des clubs de Championship ou de Ligue 1 à l’heure de conclure un prêt d’un an qui s’effectuera donc bien en bords de Meuse.

Le profil semble idéal pour s’insérer dans le jeu de Mbaye Leye, qui racontait après le succès contre Ostende que son style de football était très exigeant physiquement. Pas avare en efforts, même s’il doit encore améliorer ses reconversions défensives, le Français pourrait faire le bonheur de Sclessin. Reste désormais à s’imposer, pour enfin vivre une saison dans la peau d’un titulaire et rêver d’une place dans le wagon bleu pour l’EURO U21 de l’été prochain.

L’été olympique

Là où l’Espagne avait pu compter sur une équipe hors normes à l’échelle olympique, grâce à l’obligation donnée aux clubs de Liga de céder leurs joueurs pour la compétition, l’équipe de France de Sylvain Ripoll a parfois dû se creuser la tête et descendre loin dans ses fichiers à l’heure de composer son noyau pour les derniers Jeux de Tokyo. Quand la poisse s’en est mêlée, avec la grave blessure au genou de l’ex-Anversois Jérémy Gélin (ligaments croisés), l’heure de Niels Nkounkou a sonné. Rarement utilisé chez les Toffees, le Francilien s’est donc retrouvé dans la galère bleue d’un tournoi qui a mal tourné.

Battus d’emblée par le Mexique, puis terrassés par l’hôte japonais pour clore la phase de poules, les Français ont émergé de justesse dans la deuxième rencontre face à l’Afrique du Sud. La seule à laquelle Nkounkou a participé, aligné sur le côté gauche de la défense à quatre et spectateur privilégié du triplé d’ André-Pierre Gignac au cours d’une rencontre où les Bleus ont tout de même encaissé trois fois.

Au bout de l’aventure olympique, les souvenirs sont forcément mitigés. À l’année rouche de les faire oublier, tout en confirmant que le gaucher mérite de conserver une place dans le futur bleu.

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