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Crise financière à Anderlecht: pourquoi une nouvelle vague de licenciements et un deuxième bilan en déficit semblent inéluctables

Une semaine après que la Belgique soit entrée en confinement, Anderlecht a entrepris de faire des économies drastiques. Malgré les interventions de Karel Van Eetvelt et Vincent Kompany, une nouvelle vague de licenciements et un deuxième bilan déficitaire d’affilée semblent inéluctables.

Nous sommes en janvier 2019. Un peu plus d’un an après son départ forcé d’Anderlecht, Roger Vanden Stock a bien l’intention de lancer une petite bombe sur le Lotto Park. L’ancien président des Mauves croise par hasard un journaliste qui est en route pour réaliser une interview de Luciano D’Onofrio et lui confie qu’Anderlecht va enregistrer une perte record de 27 millions pour l’exercice comptable 2018-2019. Vanden Stock racontait ça à tout le monde, mais ça paraît tellement incroyable que la nouvelle n’est publiée que le 24 octobre à la Une des journaux du groupe Rossel.

Un an plus tard, la situation ne s’est pas améliorée. Depuis les modestes bénéfices de 936.000 euros durant l’exercice comptable 2016 (saison 2015-2016) et de 350.000 euros en 2017 (saison 2016-2017), les pertes s’accumulent. Le RSCA est dans le rouge pour 6,5 millions d’euros pour l’exercice comptable 2018 (saison 2017-2018) et il y a donc eu la perte historique de 27 millions d’euros lors du suivant, en 2019 (saison 2018-2019), la première de Marc Coucke comme big boss. Coucke a cependant tenu l’une de ses promesses : la masse salariale a baissé de cinquante à 47 millions d’euros.

Karel Van Eetvelt a indiqué que la situation d'Anderlecht était
Karel Van Eetvelt a indiqué que la situation d’Anderlecht était « sérieuse ».© BELGAIMAGE

À trois mois de la fin de l’exercice 2020, il est déjà établi qu’Anderlecht devra de nouveau présenter un bilan largement déficitaire. Même Herman Van Holsbeeck n’aurait pas été capable de camoufler les résultats financiers par quelques astuces comptables. La combinaison d’un certain nombre de facteurs – perte de revenus liés à la propagation du coronavirus, une saison sans Coupe d’Europe, les salaires mirobolants de Nacer Chadli, Samir Nasri, Vincent Kompany et Pär Zetterberg et les indemnités de licenciement de plusieurs membres du personnel comme Frank Arnesen – fait en sorte que les dépenses ne peuvent pas être compensées. Seuls les bénéfices liés aux transferts – environ douze millions d’euros pour Leander Dendoncker – sont susceptibles de limiter les pertes.

En interne, on prétend que le nouveau CEO d’Anderlecht, Karel Van Eetvelt, aurait pu éviter l’indemnité de licenciement de Zetterberg s’il s’était donné la peine de l’inviter pour une conversation. Le Suédois avait déjà confié à certaines personnes du club qu’il avait l’intention de quitter Anderlecht de sa propre initiative en juillet. La raison ? Il estimait que les tâches qu’on lui avait confiées ne correspondaient pas à ce qu’il avait imaginé.

UN DISCOURS QUI FAIT MOUCHE

Ces dernières semaines, Van Eetvelt s’efforce en coulisses de limiter les pertes financières. Damage control, comme on dit. Le jeudi 19 mars, l’entièreté du personnel a été averti par mail – signé à la fois par Van Eetvelt et Jo Van Biesbroeck – qu’il serait placé en chômage économique. Depuis, le groupe des joueurs a été invité à laisser tomber son salaire d’avril, une mesure qui doit rapporter 2,7 millions d’euros, mais que tous n’entendent pas suivre. Pour convaincre les récalcitrants, Vincent Kompany fait appel à la « solidarité ». On raconte que l’homme aux multiples casquettes seraient prêt à compenser les potentiels pertes en y allant lui-même de sa poche. Une sortie assumée sous forme de chantage déguisé. Les joueurs qui ne consentiront pas l’effort demandé seront inévitablement mis de côté à moyen terme.

Ce qui est étrange, c’est que l’élan de solidarité demandé serait utilisé pour économiser de l’argent et pas pour préserver les employés d’une perte de salaire.  » Cette mesure a été prise en premier lieu pour veiller à ce que l’entreprise Anderlecht soit toujours en vie après la crise du coronavirus « , a expliqué Van Eetvelt, la semaine dernière, sur la chaîne néerlandophone Radio 1.  » La situation d’Anderlecht est très sérieuse. Dans n’importe quel secteur, on a des problèmes lorsqu’on n’a plus de revenus et que l’on doit continuer à payer des frais. Si la situation perdure trop longtemps, on tombe en faillite.  »

Le rôle de Kompany dans tout ce débat n’est pas négligeable. Il a pris l’initiative en sachant qu’il devrait faire le plus gros effort financier vu son package salarial, qui se chiffre à plusieurs millions d’euros, et qui est censé couvrir les rémunérations de Klaas Gaublomme (co-fondateur de Bonka Circus), Floribert Ngalula (entraîneur adjoint) Rodyse Munienge (assistant personnel) et Kevin Reid (analyste vidéo). Vendredi, au lendemain du renvoi à la maison de tout le personnel, Vince a organisé une vidéo conférence avec ses équipiers pour les convaincre de laisser tomber un mois de salaire. Une mesure moins efficace qu’un temps annonceé.

Avant cela, il s’était déjà entretenu avec les autres capitaines.  » Aujourd’hui, nous sommes en mesure de corriger la situation et nous essayons de conserver tout le monde. Vous savez quoi ? Nous devons éviter la récession. Nous devons donner un effet positif à cette situation et faire d’Anderlecht un meilleur club et un meilleur lieu de travail. J’ai deux propositions : soit laisser tomber un mois de salaire, soit donner 50% de deux mois de salaire. Je voudrais tout de même souligner une chose : le personnel n’a pas eu la possibilité de choisir. À cause de la crise, le club a pris la décision à leur place. Dans un mois, nous devrions pouvoir retourner à la situation qui prévalait antérieurement – certains joueurs auront même peu-être trouvé un meilleur club – mais beaucoup de gens se retrouveront face à un avenir incertain. Dans le pire des cas, ils devront se trouver un autre travail. «  » Le discours de Kompany a produit un tel effet que chaque joueur a directement donné son accord verbal. Avant de se rétracter quelques jours plus tard. En cause, l’ajout de trois points sensibles à la déclaration de solidarité initiale. Anderlecht demande ainsi à ses joueurs de renoncer à l’attribution de tous les avantages en nature stipulés dans leur contrat de travail à l’exception de leur voiture de fonction et d’accepter que le congé collectif annuel commence le 1er avril et se termine le 14 avril.

Vincent Kompany a montré la voie, tout en sachant que ce serait à lui de consentir au plus gros effort financier.
Vincent Kompany a montré la voie, tout en sachant que ce serait à lui de consentir au plus gros effort financier.© BELGAIMAGE

FAUTE CAPITALE

Mais concrètemement, qui, à part les joueurs revêches, doit désormais craindre pour son job à Anderlecht ? En premier lieu, les personnes affectées au département administratif. En petit comité, ces personnes-là ont même déjà laissé sous-entendre qu’elles étaient trop nombreuses. Avec les récents licenciements de Zetterberg et du Head of Recruitment Pieter Eeclo, à qui on a injustement reproché son rôle dans certains transferts manqués, une partie du personnel est devenue parano.  » J’ose à peine décrocher lorsque je reçois un cou de fil de quelqu’un du club « , dit un collaborateur.  » J’ai trop peur d’être le suivant sur la liste.  »

Avec la gestion du duo Vanden Stock – Van Holsbeeck et la culture du je-m’en-foutisme qui a régné pendant des années à Neerpede, un krash financier semblait inéluctable. En interne, d’aucuns estiment que Coucke a commis une faute capitale en donnant la priorité au réaménagement de l’ancien stade Constant Vanden Stock. La rénovation des espaces intérieurs a été un coup dans le mille sur le plan commercial. Tout est désormais picco bello et les VIP sont très impressionnés par la qualité des repas et les événements business.  » Mais Coucke aurait mieux fait d’investir son argent dans le renforcement de l’équipe et d’effectuer les rénovations du stade en fonction des résultats « , conclut un insider.

Crise financière à Anderlecht: pourquoi une nouvelle vague de licenciements et un deuxième bilan en déficit semblent inéluctables
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L’académie des jeunes fait penser au Kosovo

La crise financière à Anderlecht n’a pas seulement des répercussions sur le personnel, mais implique aussi que certains travaux d’infrastructures au complexe d’entraînement de Neerpede, qui a dix ans, devront être reportés. On ne parle plus, depuis longtemps, de la construction d’une tribune autour du terrain d’entraînement situé le plus au nord, ni de celle d’un terrain indoor. Le projet de construction de l’hôtel des joueurs, dont les travaux préparatoires avaient déjà été entamés il y a quelques années, semble aussi rangé au placard. Il n’y a aucun endroit où les joueurs peuvent dormir, ce qui avait conduit Hein Vanhaezebrouck à faire installer des containers pour permettre aux joueurs de faire une sieste entre deux entraînements.

En ce moment, le plus problématique, c’est l’état de la RSCA Foot Academy, le site où évoluent toutes les équipes de jeunes des U8 aux U13. Le bâtiment principal et les terrains d’entraînement auraient tellement besoin d’un rafraîchissement que l’endroit a été surnommé shithole. En cas de forte pluie, les joueurs et les entraîneurs ne peuvent utiliser qu’un quart de la pelouse synthétique, et les spectateurs ne sont plus étonnés lorsqu’ils voient un délégué d’équipe devoir rafistoler les filets de but avec du tape.

Idéalement, les vestiaires et la cantine devraient être entièrement détruits et reconstruits. Avec les années, la rénovation de l’académie des jeunes est devenue un combat dans lequel beaucoup d’entraîneurs ne veulent plus s’engager. Même Jean Kindermans, le responsable du centre de formation, ne se fait plus d’illusions et se dit que la situation actuelle devrait encore perdurer un certain temps. On lui a cependant promis qu’il y aurait plus d’argent pour les jeunes si l’équipe première se qualifiait pour une Coupe d’Europe.  » La direction clame partout que nous avons le meilleur centre de formation du pays, mais elle ne se rend sans doute pas compte à quel point la situation à l’académie est devenue dramatique « , nous dit une personne bien informée.  » Ils pensent que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes parce que de nombreux jeunes frappent à la porte de l’équipe A. Si les décideurs devaient effectuer une visite de l’académie, ils se rendraient mieux compte des conditions dans lesquelles les entraîneurs doivent travailler. C’est comparable au Kosovo à l’époque de la guerre civile. « 

Par Alain Eliasy et Martin Grimberghs

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