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Comment Selim Amallah s’est rendu indispensable au Standard

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Pour la cinquième fois en quinze ans, les Rouches s’installent à la table finale de la Coupe de Belgique. Cette fois, c’est Selim Amallah qui invite.

La question s’est souvent posée ces dernières semaines, quand João Klauss a atterri avec fracas sur un sol belge qu’il semble déjà connaître comme sa poche. Est-ce parce que Mbaye Leye installe une mentalité plus offensive dans le jeu liégeois que le Brésilien est rapidement devenu l’attaquant le plus décisif des Rouches, ou le buteur prêté par Hoffenheim aurait-il permis à Philippe Montanier de survivre plus longtemps en bords de Meuse?

Il y a les joueurs qui posent des questions, et ceux qui apportent des réponses. Selim Amallah se classe dans la seconde catégorie. Sur la pelouse du Kehrweg, l’international marocain joue en nonante minutes un condensé de sa saison. Quelques moments d’absence, une contestation arbitrale, un raté presque impardonnable, mais surtout un coup de canon envoyé au fond des filets d’un Theo Defourny impuissant.

Avec Amallah au coup d’envoi, le Standard prend 57% des points en championnat. Quand il n’est pas dans le onze, la moyenne tombe à 28%.

Depuis le coup d’envoi d’une saison qu’il rêvait sans doute ailleurs qu’à Sclessin, attiré par la perspective d’un transfert qui lui semblait promis avant que la pandémie ne jette quelques plans à la poubelle, l’ancien Hurlu a claqué onze buts. Bien plus que n’importe lequel de ses coéquipiers. Avec, surtout, une faculté à frapper très fort à la porte des grands rendez-vous. Parce qu’au lieu de rapporter de l’argent sur le marché des transferts, Amallah l’a fait sur la scène européenne, en offrant aux Rouches leur qualification pour les poules de l’Europa League en prenant à son compte quatre des sept buts liégeois face à Bala Town, Vojvodina et Fehérvár. Une présence continentale pas seulement essentielle sur le plan symbolique, car la participation aux groupes était décrite comme indispensable financièrement dans le rapport accompagnant les comptes du Standard l’hiver dernier.

LE BAROMÈTRE AMALLAH

À l’aube de l’année 2021, quand Mbaye Leye met en place un 4-3-3 qui le réinstalle au coeur du jeu après certains exils forcés, dans le couloir ou en pointe, sous les ordres de Montanier, Amallah remercie avec un doublé. Waasland-Beveren est sa première victime, Malines suivra de près, et le milieu offensif est l’homme fort des quatre victoires consécutives qui lancent le mandat du coach sénégalais. Sa blessure, qui le contraint à faire l’impasse sur le déplacement à Bruges, puis l’écarte encore du onze pour les trois matches de championnat suivants, coïncide avec la fin de l’état de grâce. Pas vraiment une surprise, vu que les victoires sans Amallah étaient également une denrée rare sous les ordres du coach français.

L’international marocain est incontestablement le baromètre du jeu liégeois. Les chiffrent ne font qu’opiner du chef en faveur du patron des offensives rouches. Avec Amallah sur la pelouse au coup d’envoi, le Standard prend 57% des points en championnat, une moyenne équivalente à celle de l’Antwerp, dauphin de Bruges. Quand il n’est pas dans le onze, la moyenne tombe à 28%, et se situe à la hauteur de celle de Waasland-Beveren, la lanterne rouge de l’élite.

Homme des buts importants, ceux qui rapportent souvent gros, l’ancien maître à jouer de Mouscron classe pourtant sa frappe du gauche contre les Pandas au sommet des highlights de sa carrière. Parce qu’une nouvelle fois, il entrouvre à ses couleurs les portes de l’Europe. Tout ça en restant à distance raisonnable de la poignée.

LA LONGUE VUE

La saison dernière, faire sauter le verrou à distance était l’arme privilégiée du Standard pour masquer ses faiblesses dans la surface. Avec treize buts marqués depuis l’extérieur du rectangle en vingt-neuf journées de championnat, les Rouches de Michel Preud’homme étaient même l’une des équipes les plus performantes d’Europe en la matière. Tout ça sans qu’un joueur fasse véritablement office de locomotive, puisque personne n’avait fait mouche à distance à plus de deux reprises.

Le contraste, saisissant, est l’une des explications principales des difficultés offensives des Liégeois cette saison. Au bout de l’année 2020, quand Philippe Montanier est congédié du banc principautaire, les hommes du président Bruno Venanzi n’ont marqué qu’à une reprise depuis l’extérieur de la surface, quand Selim Amallah décoche une reprise surpuissante sur la pelouse du Freethiel en plein coeur de l’été. Depuis, la mire semble avoir été réglée en bords de Meuse, vu que quatre buts supplémentaires ont été inscrits hors de la surface en championnat lors des deux derniers mois. Un par João Klauss, auteur d’un tir supersonique sur la pelouse minée de Zulte Waregem, et les trois autres par Selim Amallah, arme redoutable aux abords des seize mètres: un coup franc exceptionnel contre Waasland-Beveren, une frappe lointaine et chanceuse contre Malines, et un délicieux tir enroulé hors de portée de Timon Wellenreuther dans le récent Clasico.

João Klauss aurait-il permis à Philippe Montanier de survivre plus longtemps en bords de Meuse?
João Klauss aurait-il permis à Philippe Montanier de survivre plus longtemps en bords de Meuse?© PHOTONEWS

À Sclessin, Selim Amallah est devenu l’un des rares joueurs capables de faire basculer une rencontre sur un coup de génie. Une exception sur le sol belge également, qu’on cherche désespérément à Anderlecht et qu’on a longtemps attendu à Gand jusqu’à l’arrivée hivernale de Tarik Tissoudali. Côté liégeois, au vu du déclin d’un Mehdi Carcela qui n’a plus les jambes pour alimenter ses inspirations, on peut rêver de voir en Amallah le successeur de Junior Edmilson, dernier homme à avoir fait chavirer régulièrement les bords de Meuse et capable de dynamiter les filets à distance. L’international marocain en a même fait une spécialité puisque si on ôte à l’addition ses trois penalties, cinq de ses huit autres buts marqués cette saison sont partis de l’extérieur de la surface.

L’AMI DU LIMBOURG

Une fois ouvertes les portes de la finale, le Standard a pu attendre confortablement de connaître l’identité de son adversaire pour le rendez-vous bruxellois de la fin avril. Si Mbaye Leye a d’emblée parlé de Rouches qui seront « le Petit Poucet » de l’apothéose, agaçant une frange importante du public avec cette façon d’atténuer les qualités de son équipe, le succès du meilleur ennemi limbourgeois a dû être accueilli avec le sourire par les Liégeois.

Depuis 2013, les deux équipes se sont affrontées à vingt-sept reprises, et Genk n’est parvenu à s’imposer que quatre fois, dont deux lors de la saison du titre du Racing sous les ordres de Philippe Clement, alors que le Standard est sorti victorieux du duel à quinze reprises. Parmi ces succès, les supporters principautaires se souviennent forcément de celui offert par Renaud Emond aux troupes de Ricardo Sa Pinto en finale de la Coupe de Belgique 2018. Peut-être un peu moins de celui qui, deux ans plus tôt, était considéré comme le chef-d’oeuvre des Rouches de Yannick Ferrera en demi-finale aller de la même compétition. Ce soir de janvier 2016, Edmilson et Adrien Trebel avaient trompé Marco Bizot, quelques semaines avant que les Liégeois n’offrent son premier trophée à Bruno Venanzi en venant à bout du Bruges de Michel Preud’homme.

L’histoire repassera-t-elle les plats? Ce vendredi, le déplacement à la Luminus Arena sera une bonne occasion de jauger les forces en présence. Et de vérifier si le nouveau système de jeu de Mbaye Leye, en vigueur depuis le succès contre Bruges en quarts de finale de la Coupe, sera de nature à surprendre la nouvelle organisation plus rigoureuse des Limbourgeois. Le sauvetage de la saison passe probablement par là, même s’il ne devra pas suffire à oublier tous les maux d’un exercice historiquement décevant pour le club de Sclessin. Parce que si le Standard a pris l’habitude de courir les derniers kilomètres plus vite que tous les autres, sa principale mission reste d’apprendre à gérer un marathon.

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