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Comment Charles de Varsenare est devenu De Ketelaere, le potentiel futur patron des Diables

Frédéric Vanheule
Frédéric Vanheule Frédéric Vanheule is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

Charles De Ketelaere a effectué ses premiers pas de footballeur au KFC Varsenare, un club de 2e Provinciale. S’il n’a pas tardé à rejoindre Bruges, on ne l’a pas oublié là où il a usé ses premiers crampons.

Varsenare est une oasis de calme en ce jeudi matin. Le vent et les averses n’éloignent pas les gens du parking de l’église Saint-Maurice, où l’étal du poissonnier a du succès auprès de la population âgée. Les clients affluent également vers la camionnette du marchand de fruits et légumes.

Derrière le café de l’ancienne maison communale, se trouve le complexe sportif. Outre une petite rampe destinée au skateboard, le krachtbal (Atlas, deux terrains), le football (KFC Varsenare) et le tennis (TC Ter Straeten) ont droit de cité dans ou aux alentours du stade Caloen. Alors que les employés communaux s’affairent à tailler les hautes haies autour du terrain principal, on constate que les plaines et les espaces naturels doivent progressivement laisser la place à des blocs d’habitations et à des lotissements. « Il y a deux ans, je suis venue vivre ici parce que c’était verdoyant », soupire une femme qui promène ses deux petits chiens. Maintenant, je suis un peu déçue, car le charme des polders disparaît avec ces nouveaux quartiers ».

Je n’ai réellement pris conscience du talent de Charles que lorsqu’il a reçu sa chance contre le PSG en Ligue des Champions, il y a deux ans. »

Francis De Ketelaere, son père

De 2006 à 2008, c’est ici que l’on pouvait trouver CharlesDeKetelaere, au club portant le matricule 5222. Moins de deux kilomètres séparent le KFC Varsenare de Sint-Andries. Le magasin du Club et le Klokke, l’ancien stade des BlauwenZwart, ne se trouvent également qu’à un peu plus de trois bornes. C’est moins que la distance qui sépare le stade Jan Breydel du centre-ville brugeois.

Un peu plus loin se trouve le cabinet de l’orthodontiste et chirurgien buccal FrancisDeKetelaere, qui exerce à l’hôpital Sint-Lucas de Bruges et qui est surtout le papa de Charles. « Son frère aîné Louis et ses amis jouaient déjà au football au KFC Varsenare, qui se trouvait à proximité. Mon ex-femme et moi étions également sportifs, mais jamais très compétitifs. Isabelle a joué au volley au niveau provincial, j’ai surtout bougé. Un peu de vélo, un peu de marche. Je suis allé à l’école chez les Frères. Il n’y a que là que je jouais au football. Mon frère est resté supporter du Cercle, pas moi. La carrière de Charles a décollé lorsque M. Brusseel a vu qu’il était doué ballon au pied. Varsenare a toujours eu une bonne réputation en tant que club sportif pour les jeunes et c’était un passage de Blauw en Zwart à Blauw en Zwart : ça ne pouvait pas mal se passer. Personnellement, je n’ai jamais été vraiment fan de foot. Avant que Charles ne joue au Club, je n’avais d’ailleurs pas d’abonnement, même si on allait de temps en temps voir les matches parce qu’on connaissait les familles de MarcDegryse et GertVerheyen. »

Rapidité d’action

« J’ai eu le privilège d’entraîner Charles dans mon école de football et au KFC Varsenare », explique Rik Brusseel, professeur de sciences naturelles et d’éducation physique. « Finalement, ça n’a duré que quelques mois: à cinq ans à peine, il a immédiatement rejoint les U7 et s’y est tout de suite illustré parce qu’il jouait des deux pieds et agissait très rapidement. En seize ans d’AXA Sport, où on se concentre principalement sur la technique et les feintes, je n’ai jamais vu un gamin aussi doué. Charles vous dribblait du pied gauche, accélérait et subitement vous ne le revoyiez plus. Il vous en faisait voir de toutes les couleurs avec un simple mouvement à la Messi. Et il avait aussi un bon tir. »

Comment Charles de Varsenare est devenu De Ketelaere, le  potentiel futur patron des Diables
© BELGAIMAGE/CHRISTOPHE KETELS

Brusseel a rapidement transmis le nom de Charles De Ketelaere à feu IvesFaelens, qui travaillait à l’époque avec les jeunes du Club. « On ne voulait pas lui dissimuler ce talent naissant. De toute façon, il aurait été repéré par leur équipe de scouting, tôt ou tard. Les quelques fois où il a encore joué avec nous, lui et NicolasDaels ( désormais au KHO Wolvertem-Merchtem, ndlr) étaient au-dessus du lot. C’était aussi le cas en foot en salle, où le jeu est encore plus rapide. »

« Je me souviendrai toujours de lui comme d’un bon élève, attentif et intéressé, à qui l’on a enseigné certaines valeurs à la maison. Il ne ressentait aucune pression: la tranquillité et l’apprentissage progressif étaient privilégiés. Plus tard, j’ai été son entraîneur chez les U10 du Club. Là, on commençait déjà à parler de tactique et on voyait que Charles était encore davantage pris en tenaille par l’adversaire. Il a dû apprendre à réfléchir. Au début, on a choisi d’aligner Charles sur l’aile gauche, pour ses qualités de dribbles. Plus tard, son évolution physique, sa technique et sa vitesse l’ont amené à devenir un pion central, m’a expliqué StijnClaeys ( voir encadré). »

Brusseel est enthousiaste en constatant l’évolution de son poulain ces dernières années. « Ça me touche et me rend heureux en même temps », dit-il. « Avoir déjà atteint un tel niveau à son âge… C’est chouette. J’admire sa modestie. S’il peut encore progresser physiquement et mentalement, il ne tardera pas à partir à l’étranger. Parfois, Charles a encore des moments d’absence dans un match. C’était déjà le cas lorsqu’il était jeune. C’est bien de voir qu’il s’impose également en tant que numéro 9. Charles n’est pas RobertLewandowski ou BasDost, qui ont besoin d’être alimentés par les flancs. Il doit pouvoir bénéficier de la liberté qu’il reçoit à ce poste, se déplacer et chercher de l’espace. On ne peut certainement pas trop l’enfermer dans un carcan rigide. Une chose est sûre: il ne se laissera jamais marcher sur les pieds. »

Admiration

Francis De Ketelaere sourit après avoir entendu cette remarque. « J’ai été surpris en apprenant qu’il pouvait signer au Club », admet-il. « Je n’en attendais pas grand-chose. Je pensais plutôt qu’il devait encore progresser, voir ce que ça pouvait donner, et éventuellement regarder plus loin si c’était positif. Mais saison après saison, on nous disait qu’il progressait bien. Au début, c’était spécial, mais au fil du temps, c’est devenu normal. »

En raison de son emploi chargé, Francis a longtemps suivi de loin l’évolution de son fils. « Je travaillais aussi le samedi matin et j’étais souvent de service. Si je pouvais, j’allais voir ses matches le samedi après-midi. Charles comprenait aussi que nos jumeaux Louis et Renée méritaient autant d’attention que lui. Ce n’est que lorsque Charles a reçu sa chance contre le PSG en Ligue des Champions, il y a deux ans, que j’ai réalisé qu’il avait vraiment du talent. Au début, j’étais sceptique: peut-il vraiment réussir à ce niveau-là? Heureusement, j’étais dans le stade lorsque Charles a été lancé dans le grand bain, et j’ai vu ce dont il était capable. J’ai ensuite dû reconnaître que je l’avais sous-estimé. C’est fou comme il a progressé. Ce qu’il accomplit me rend extrêmement fier. Le talent, c’est un don, et je trouve fantastique la manière dont il l’a utilisé: avec dynamisme, passion, autodiscipline et persévérance. Je suis admiratif. Il ne faut pas sous-estimer la charge qu’implique le sport de haut niveau, et qu’il a dû combiner avec son travail scolaire au collège Sint-Lodewijks. Chapeau. »

Yannick Bousson:
Yannick Bousson: « Charles est un sujet de conversation permanent au KFC Varsenare. »© BELGAIMAGE/CHRISTOPHE KETELS

Néanmoins, le papa De Ketelaere reste calme et réaliste devant le statut de son plus jeune fils. « J’estime toujours que Charles devrait avoir un plan B dans un coin de la tête », ose-t-il même. « Je n’ai jamais dû être derrière lui. Charles a tout fait lui-même, de manière très indépendante. Avec une telle attitude, on peut aller loin, même dans la vie normale. Il faut faire ce que l’on aime, mais toujours avec un objectif en tête. C’est aussi ma devise: fais bien ce que tu as à faire et ne regarde pas en arrière. Charles ne se vantera jamais, il est très modeste. J’aime la façon dont il se positionne dans le groupe de joueurs. Aujourd’hui, je suis son premier supporter, on le soutient en tout. Mais on agit de la même manière vis-à-vis de Renée et Louis. Comme il étudie à Gand, mon beau-fils et lui jouent maintenant pour le plaisir dans un club corporatif, le KG Witte Beer. Charles va parfois les soutenir. »

Écrit dans les étoiles

YannickBousson est le contact sportif du KFC Varsenare, le responsable technique des jeunes et un fervent supporter du Club Bruges. « Il était écrit dans les étoiles que Charles était un sportif doué », explique l’enseignant de l’école primaire municipale De Triangel à Sint-Andries. « En tennis également, Charles a longtemps figuré parmi les meilleurs joueurs de sa catégorie d’âge. Avec nous, il s’est rapidement distingué. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’il soit repéré par des équipes réputées. Il a suivi les traces de SvenDhoest et de BirgerMaertens, qui ont également joué ici et ont réussi à intégrer l’équipe première du Club. Sans oublier Thibo Somers du Cercle, avec lequel nous avons un accord de collaboration. Ça reste très agréable d’assister à une telle éclosion. Un garçon qui fait fureur sur la scène internationale à un si jeune âge, c’est un sujet de conversation hebdomadaire. »

Jusqu’à il y a deux ans, son frère aîné Louis jouait encore avec l’équipe U21 du KFC Varsenare. Selon Bousson, lui aussi avait des qualités. « Un gars super. Explosif, très bon attaquant. Mais il ne croyait pas assez en ses propres qualités. Trop terre à terre, comme le reste de la famille. Et Charles, oui… Cette petite tête blonde, avec les yeux qui pétillent: on ne pouvait pas le manquer sur le terrain. Charles a ému tout le monde, ici. On ne voit ça qu’une fois dans sa vie. »

Il fait également l’éloge de l’esprit collectif dont a toujours témoigné De Ketelaere. « Charles ne voulait pas marquer tous les buts, il voulait partager sa joie avec les autres. Il voulait être l’ami de tout le monde. Outre sa rapidité et sa tête bien faite, il a un grand coeur. Charles est un exemple pour les jeunes. Son impact ici reste énorme, car nos jeunes l’imitent déjà à l’entraînement. Tout le monde se prend un peu pour Charles. Il donne de l’éclat à notre club et on est fiers qu’il soit actuellement le NuméroUno pour nos talents de demain. Et vice versa, je pense. Charles ne reniera jamais ses racines. Il sait très bien d’où il vient. C’est tout à son honneur. »

Comment Charles de Varsenare est devenu De Ketelaere, le  potentiel futur patron des Diables
© BELGAIMAGE/CHRISTOPHE KETELS

« On a dû convaincre sa mère »

BirgerVandeVelde a travaillé chez les jeunes du Club Bruges de 2013 à 2019. Il est actuellement l’entraîneur des U23 du KVV Zelzate, professeur à VoetbalVlaanderen et scout pour l’équipe nationale U15. « Charles était l’ailier gauche habituel de l’équipe U12 et il marquait avec une belle régularité. Il a été autorisé à s’entraîner avec l’équipe U13, laquelle affrontait parfois l’équipe U14. Chez les U13, RikvandenBergh – aujourd’hui responsable du département de la formation – et moi avons pensé qu’on devrait le positionner au centre. Sur le flanc gauche, il rencontrait trop peu d’opposition, et en le changeant de place, on a voulu le mettre au défi. Je me souviens qu’on a dû convaincre sa mère que Charles ne perdrait pas en vitesse et en opportunisme devant le but. On pensait que pour son avenir, il serait préférable qu’il se concentre sur les positions 8 et 10. »

Actuellement, De Ketelaere démontre cette polyvalence dans l’équipe de PhilippeClement. « Charles est un gars super intelligent », souligne Van de Velde. « On peut le comparer à une éponge. Il traite toutes les informations théoriques avec rapidité et les met immédiatement en pratique. Pendant les théories d’avant-match, c’était l’un des rares jeunes à réfléchir. Dans le vestiaire, Charles proposait des alternatives. Même sur le terrain, alors qu’il n’avait que treize ans, il réfléchissait aux situations problématiques qui se posaient à lui. Comme la façon dont il devait se positionner face à deux adversaires directs. »

Chez les jeunes du Club, De Ketelaere était l’exemple même d’un joueur devenu mature sur le tard. « Charles voulait toujours être le meilleur », poursuit Van de Velde. « Il voulait vraiment tout gagner. Même quand on jouait au badminton ou qu’on faisait du judo pour varier les plaisirs. Pendant les entraînements techniques de ThomasVlaminck, ils recevaient parfois un devoir à accomplir à la maison. Pour obtenir la récompense, un petit film promotionnel, Charles était prêt à tout. Je continue à le trouver exemplaire pour sa mobilité. Il contrôle toujours parfaitement son corps lorsqu’il se déplace. Je trouve étrange qu’il soit passé sous les radars des grands clubs. Mais aujourd’hui, ils l’ont repéré. C’est son mérite, il place toujours la barre plus haut et ne se laisse pas facilement impressionner. Un jour, on a disputé un tournoi international près d’Auxerre, contre Monaco et d’autres. Les garçons étaient très impressionnés, sauf Charles. Il ne voulait qu’une chose: les battre. »

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