© belgaimage

Charleroi va investir « beaucoup d’argent » dans la formation de ses jeunes

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Et si le futur des Zèbres se cherchait autant dans la chasse aux bonnes affaires que dans la culture du talent local ?

Les hécatombes peuvent parfois arracher quelques sourires. Au bout d’une saison dont le verdict était tombé bien avant les nonante dernières minutes, Felice Mazzù a convoqué cinq joueurs sortis de l’académie carolo pour la venue anecdotique d’Eupen. Trois d’entre eux ont même reçu l’opportunité de fouler la pelouse dans le dernier quart de la rencontre, alors que le score était déjà acquis.

Si Ken Nkuba et Maxime Busi avaient déjà fêté leurs débuts plus tôt dans la saison, c’était une grande première pour Thomas Wildemeersch, capitaine de la réserve des Zèbres et véritable enfant du club, puisque le Farciennois promène ses crampons sur les rectangles verts de Marcinelle depuis les U7.

 » On voit que le Sporting fait de plus en plus confiance aux jeunes, et c’est à nous de saisir notre chance quand elle se présente « , explique Wildemeersch dans les couloirs du Mambour, où il est suivi par un Mehdi Bayat qui n’oublie pas de souligner l’éclaircie dans la grisaille :  » La bonne surprise de la soirée, c’est la très bonne montée de nos Zébrions, qui ont montré qu’ils avaient du talent.  »

L’administrateur-délégué a des raisons de garder le sourire. La formation zébrée était un véritable chantier lors de la reprise du club. Et s’il a été laissé de côté lors des premiers mois, où la priorité avait été placée sur une reconstruction du sommet de la pyramide carolo, les investissements se sont progressivement portés sur l’épanouissement du blé local.

Décollage au ralenti

Nommé à la tête de l’école des jeunes du Sporting par Mehdi Bayat, Alain Decuyper commençait à sentir la pression, portant comme un fardeau l’absence de percée locale au sein du noyau de Felice Mazzù. Une réalité que certains pointaient du doigt lors du mois de janvier 2018, quand les Zèbres étaient partis en stage à San Pedro del Pinatar sans emmener le moindre jeune dans leurs valises.

Accoudé dans les sofas du lobby de l’hôtel où ses hommes préparaient leur fin de saison, Mehdi Bayat avait alors rappelé qu’il investissait  » beaucoup d’argent  » dans l’écolage de ses Zébrions, évoquant deux millions d’euros récemment consacrés à ses jeunes entre un nouveau plateau synthétique, les premiers plans d’un internat et l’augmentation en nombre des staffs qui entourent chacune des équipes.

Entre les terrains de la rue du Bois-Planté, les raisons d’un décollage au ralenti divergeaient selon les interlocuteurs. Certains évoquaient des générations plus âgées tout simplement en manque de talents, où les rares joueurs à sortir du lot étaient systématiquement attirés vers l’un des clubs du G5.

D’autres parlaient d’une divergence de vues trop importante entre Decuyper et Mazzù, pas toujours d’accord au niveau des profils de joueurs qui pourraient s’imposer sur des pelouses de Pro League.  » Je ne suis pas fou, s’il n’y avait pas eu de décalage, je l’aurais fait dès que possible « , expliquait d’ailleurs le coach des Zèbres à l’automne dernier, quelques semaines après les premières minutes de jeu offertes à Ken Nkuba contre Gand.

Des débuts pour lesquels le coach ne s’accordait alors aucun crédit :  » Je n’ai pas envie de prendre cette fierté sur moi. Cela doit être une fierté pour l’école des jeunes. Quand tu réussis à prendre un jeune qui n’est pas dans ton noyau de départ, et que tu décides de l’y amener, c’est la réussite de la cellule des jeunes. De ceux qui l’ont formé, d’Alain Decuyper et de Samba.  »

Le lien Diawara

Samba Diawara est venu combler le vide qui séparait Marcinelle du Boulevard Zoé Drion. Recherché depuis l’été 2017, il est devenu le fameux  » T3-coach U21  » promis par Alain Decuyper aux parents des Zébrions en fin de saison 2016-2017, mais seulement arrivé au club lors des premiers jours de l’année 2018. Les candidats proposés par un  » clan  » correspondaient rarement à l’autre partie, jusqu’à ce que le profil de Samba, mis sur la table par Decuyper, finisse par convaincre Felice Mazzù.

Formateur dans l’âme, le Malien avait été frustré par sa dernière expérience à l’Union Saint-Gilloise, où les jeunes ne semblaient pas être la priorité du club, tout comme par un passage à Saint-Trond où il avait difficilement digéré le départ d’ Edon Zhegrova, présenté à Roland Duchâtelet comme le futur fleuron de la formation trudonnaire mais finalement vendu à Genk.

Au Mambour, après des premiers pas discrets, il a été intégré beaucoup plus franchement dans le giron de l’équipe première à l’aube de la saison. Felice Mazzù ne manque jamais une occasion de citer son nom quand il évoque son staff, et s’appuie sur ses connaissances footballistiques au quotidien. Un lien de confiance s’est forcément créé, et a rejailli sur les U21 du Sporting couvés par l’ancien joueur de Tubize.

C’est d’ailleurs sur les conseils de Samba Diawara que Charleroi s’est offert les services de Maxime Busi, qui avait côtoyé le coach à Saint-Trond. Dès les premiers entraînements de l’été, le profil de l’arrière droit avait plu à Felice Mazzù, qui l’avait emmené en stage aux Pays-Bas et en a finalement fait la doublure de Stergos Marinos, remplaçant même le Grec à trois reprises au début de l’année 2019.

Même si l’arrivée de Busi ne s’était faite qu’au dernier échelon de la formation zébrée, ses titularisations ont donné un coup de fouet à tous les membres de l’académie carolo, en prouvant que le travail accompli à l’ombre du noyau pro pouvait désormais porter ses fruits.

Politique de jeunes

À terme, Mehdi Bayat a déjà expliqué que son objectif était de voir deux ou trois jeunes sortir de Marcinelle chaque saison pour renforcer le noyau de l’équipe première. Tout en leur offrant une fenêtre d’opportunité, comme le juge indispensable Felice Mazzù :  » J’aimerais lancer des jeunes beaucoup plus souvent mais pour ça, il faut laisser de la place dans le noyau. Quand tu as de la qualité chez un jeune, il ne faut pas avoir trois ou quatre joueurs qui peuvent évoluer à son poste. Et être bien classé, avoir une équipe qui tourne bien, ça rend aussi les choses beaucoup plus faciles.  »

Dans le futur, une place pourrait ainsi être faite pour la génération de Ken Nkuba, qui comporte plusieurs éléments prometteurs, la majorité ayant d’ailleurs déjà été intégrée au groupe de Samba Diawara. Grâce au lien installé par le Malien, la circulation entre Marcinelle et le Mambour semble être devenue bien plus fluide. L’ennemi du galop des Zébrions sur la pelouse carolo ne vient plus de l’intérieur.

Charleroi doit maintenant se protéger des convoitises extérieures. Récemment, la génération des U15, cinquième de son championnat régulier derrière les quatre ténors nationaux, a perdu un élément majeur qui a pris la direction de Bruges. Une fuite des talents partiellement inévitable, même si elle est moins marquée que lors des dernières saisons, preuve que le club évolue dans la bonne direction.

Pour colmater définitivement l’hémorragie, il faudra probablement montrer plus ouvertement aux jeunes de Marcinelle que les meilleurs recevront une chance de percer au sein de l’équipe première. C’est comme cela que Genk, très ouvert vers son école des jeunes, conserve une bonne partie de ses jeunes talents et parvient à en attirer d’autres.

À un échelon inférieur, OHL, adversaire des Zèbres ce samedi sur les terrains du Bois-Planté, est longtemps parvenu à prolonger jusqu’au noyau pro sa couvade de joueurs prometteurs, très bien formés par son centre de formation. L’avenir de Charleroi passe sans doute par là. Parce que pour faire des plus-values et augmenter le capital financier et sympathie du club, faire percer des jeunes du cru est toujours une bonne option.

Samba Diawara, le relais entre les jeunes et les A du RCSC.
Samba Diawara, le relais entre les jeunes et les A du RCSC.© BELGA

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire