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Charleroi : Riou de secours

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Amoureux de Fabien Barthez, formé dans l’ombre de Grégory Coupet, Rémy Riou pose ses gants à Charleroi, pour écrire un nouveau chapitre dans une carrière déjà bien remplie.

Dans le dos de Nicolas Penneteau, le football semble avoir tatoué un énorme point d’interrogation. Gêné par une hernie discale qui l’a déjà contraint à effectuer deux péridurales cet été, le vétéran français a retrouvé les terrains d’entraînement, mais la date de son retour à la compétition semble toujours impossible à fixer.

Le championnat, lui, a déjà repris. Avec entre les perches du club carolo, un Parfait Mandanda qui peine à (re)prendre l’envergure d’un numéro un en puissance. Au-delà d’erreurs ponctuelles, parfois grossières, contre l’Antwerp ou Anderlecht, le Congolais transmet plus d’hésitation que de confiance.

Au sein du vestiaire, certains confient loin des micros que les prestations du gardien ne rassurent pas grand-monde. Pour éviter de semer le doute au beau milieu d’un début de saison au calendrier délicat, et pour pallier d’éventuelles complications dans le cas Penneteau, la direction zébrée s’est penchée vers le mercato.

Après avoir sondé des pistes belges, jamais réellement satisfaisantes, Mehdi Bayat s’est tourné vers le marché français, qui lui a si souvent réussi à l’heure de réaliser des coups fumants.

Sur une voie de garage à Alanyaspor, où il n’était même plus admis aux séances d’entraînements du noyau pro, Rémy Riou a pris langue avec Charleroi.  » Le club m’a sollicité pour que je résilie mon contrat en Turquie « , explique le portier français lors de sa première rencontre avec la presse carolo.

Une fois l’opération bouclée, le Sporting a offert à son nouveau numéro 69 – choix issu d’une histoire d’amour uniquement départementale, puisque Riou a grandi dans le Rhône – un contrat de deux ans, assorti d’une option pour deux saisons supplémentaires. Une belle marque de confiance, pour un homme au passé flatteur.

L’ENFANT DE LYON

Enfant de la région lyonnaise, Rémy ne met pas longtemps à intégrer le centre de formation de l’OL. Il n’a pas encore fêté son septième anniversaire quand il est repéré par Bernard Lacombe, membre influent de l’organigramme d’un club ramené vers les sommets par Jean-Michel Aulas. À Fontaines, dans  » sa  » ville, Lacombe est séduit par les parades du jeune Riou, et lui ouvre les portes du géant des bords du Rhône.

Là, le gardien croise la route de Sandy Paillot. Fils de Patrick, ancien défenseur de l’Olympique Lyonnais devenu coach au sein du centre de formation, Sandy gravit les échelons rhodaniens en compagnie de Riou, mais aussi de Loïc Rémy, Anthony Mounier, Hatem Ben Arfa ou Karim Benzema.

Ils font partie de la fameuse génération 87 de l’OL, qui atteint deux années de suite la finale de la prestigieuse Coupe Gambardella, compétition par excellence pour les jeunes footballeurs français. Insuffisant, pourtant, pour pousser les portes de l’équipe fanion.

 » À notre époque, ce n’était pas l’OL qu’on connaît maintenant, qui donne très souvent sa chance aux jeunes du centre de formation « , explique Sandy Paillot, aujourd’hui passé pro à Cholet, en troisième division française.  » C’était la toute grande équipe de Lyon, avec les Essien, Diarra, Juninho… Même des gars comme Loïc Rémy ou Hatem Ben Arfa n’ont pas vraiment percé à Lyon. Le seul qui est parvenu à se faire une place, c’est Benzema.  »

Rémy, c’est un vrai leader pour une défense. Il a une solide expérience.  » – Fabrice N’Sakala

 » Rémy, c’était le meilleur gardien de la région, et même un des meilleurs du pays dans sa génération, puisqu’il faisait partie de l’équipe de France chez les jeunes « , poursuit Paillot.  » Mais à Lyon, il y avait Grégory Coupet…  »

 » À l’époque, c’était un des meilleurs gardiens du monde. Ce n’était pas le Lyon d’aujourd’hui, c’était celui qui visait chaque année une victoire en Ligue des Champions « , explique Riou à l’heure de justifier son départ précoce.

LE TOUR DE FRANCE

Au milieu des années 2000, Riou espère obtenir un poste de doublure de Coupet, dans la foulée d’un prêt réussi à Lorient. Chez les Bretons, Rémy n’avait pourtant débarqué que dans le costume de troisième gardien, mais avait fini par se retrouver titulaire au stade Vélodrome suite à un improbable concours de circonstances.

Blessé en début de match face à Valenciennes, Fabien Audard avait cédé sa place à Lionel Cappone, exclu plus tard dans la rencontre. Le joueur de champ Ulrich Le Pen avait donc terminé la rencontre avec les gants, et Riou recevait sa chance quelques jours plus tard.

Le gardien partageait sa chambre marseillaise avec Christophe Jallet, terriblement stressé à l’idée d’affronter le Vélodrome. Riou, lui, débordait de sérénité.  » Ça a toujours été quelqu’un d’assez calme, et de très sûr de lui « , explique Sandy Paillot. Au point de tomber dans l’excès de confiance, quand la victoire à Marseille lui offre une place de titulaire en Ligue 1 à seulement 19 ans.

 » Je n’ai pas toujours assez travaillé, j’ai peut-être parfois eu trop confiance en moi « , confie Riou quelques années plus tard. De retour à Lyon, il comprend que la concurrence dans le Rhône est trop forte, et s’exile à Auxerre, où son duel avec Olivier Sorin tourne trop rarement en sa faveur.

La suite s’écrira à Toulouse, où Riou débarque blessé pour étoffer un secteur en manque d’expérience. Le début de saison canon du jeune Ali Ahamada lui offre de trop rares apparitions, et Rémy décide alors de descendre d’un échelon. Direction un club de Ligue 2 ambitieux, en l’occurrence Nantes, où Riou devient progressivement l’un des piliers de l’équipe de Michel Der Zakarian.

UN CANARI DANS LES CAGES

Héros du retour en Ligue 1, avec notamment un penalty arrêté face à Caen à quelques journées de la fin du championnat, Riou devient l’un des favoris du public de La Beaujoire. Nommé capitaine du club après quelques années de bons et loyaux services, il est également celui qui monte au créneau au coeur de l’hiver 2016, devant la presse puis les supporters, quand le mythique club de l’Ouest menace de connaître une troisième relégation en moins de dix ans.

Très touché par le licenciement de René Girard, au lendemain d’une lourde défaite face à Lyon (0-6), il se fait le porte-parole du groupe face aux médias :  » Ce qui me dérange un peu, c’est que nous sommes tous responsables, mais que c’est René Girard qui doit trinquer.  » Quelques jours plus tard, après une nouvelle défaite à Guingamp, il passe de longues minutes à dialoguer avec les supporters nantais, réclamant leur soutien pour sortir la tête de l’eau. Pourtant, une fois le successeur de René Girard déniché par Waldemar Kita, le président nantais, l’histoire tourne mal.

Entre Sergio Conçeição et Rémy Riou, le courant passe visiblement assez mal.  » C’est quelqu’un qui aime bien marquer son territoire, et il ne peut pas y avoir deux lions dans le même vestiaire « , raconte aujourd’hui Riou, écarté par le Portugais au profit du jeune Maxime Dupé, dans un sprint final qui permet à Nantes de prolonger son séjour en L1, et même de flirter avec l’Europe au prix d’une incroyable remontée.

Malgré le départ de Conçeição, l’arrivée de Claudio Ranieri s’assortit de celle de Ciprian Tatarusanu, géant roumain qui compte bien s’installer entre les perches nantaises. Conscient que son avenir chez les Canaris s’obscurcit, Riou cherche une porte de sortie. Un peu à contrecoeur :  » Je suis quelqu’un d’assez fidèle. Si on ne me met pas à la porte, je suis là.  »

L’ÉPISODE TURC

La suite s’écrit en turc. Un long voyage jusqu’à Alanyaspor, où le coach s’appelle Safet Susic et où Rémy fait la connaissance d’un autre Français exilé dans la ville balnéaire du sud du pays : Fabrice N’Sakala. L’ancien Anderlechtois devient rapidement proche de son compatriote, qui s’étonne de le voir quitter la Turquie au moindre jour de congé pour s’envoler vers la Belgique.

 » À chaque fois qu’on avait du temps libre, et qu’il me voyait partir, il me demandait ce que j’allais faire là-bas. Maintenant, je suppose qu’il va comprendre « , rigole l’arrière gauche au bout d’une conversation téléphonique.

L’aventure turque tourne court. Les coaches se succèdent au sein d’une saison difficile, et la concurrence est jugée déloyale par Riou, qui se voit préférer un concurrent turc, icône locale.  » Ça a été une année difficile pour lui « , rembobine N’Sakala.  » Il a été blessé à la main, on a changé plusieurs fois d’entraîneur, et le dernier avait une préférence pour un autre gardien. Finalement, il a demandé à partir.  »

Quand Charleroi est venu aux nouvelles, Riou s’est naturellement tourné vers Fabrice pour se renseigner sur la Belgique :  » Il m’a demandé comment c’était, quel était le niveau… Je lui ai dit que Charleroi, c’était un beau club, avec une grosse ambiance, et des ambitions. Que ce serait un beau challenge. Il a décidé de le relever. Et ça laisse un vide, ici. Je me sens un peu seul, maintenant (rires).  »

 » Rémy, c’est un vrai leader pour une défense. Il a une solide expérience, et il s’en sert pour donner beaucoup de conseils à ses défenseurs « , poursuit N’Sakala, témoin privilégié.  » On ne sait jamais ce qui peut arriver dans le football, mais je pense que ça va bien se passer pour lui.  »

Sandy Paillot prend le mot de la fin, et il est forcément du même avis :  » Ce transfert, c’est vraiment une bonne chose pour Charleroi.  »

Par Guillaume Gautier

Génération Dorée

Dans la foulée des titres de l’équipe de France, montée sur le toit de l’Europe en 2000, seulement deux ans après avoir conquis le monde, la  » formation à la française  » a été vantée à travers la planète du ballon rond. Une qualité estampillée tricolore confirmée, quelques années plus tard, par la victoire aux championnats d’Europe U17 de la fameuse Génération 87, déjà présentée à l’époque comme le renouveau du football bleu.

Emmenée par un quatuor offensif infernal, composé de Karim Benzema, Jérémy Menez, Hatem Ben Arfa et Samir Nasri, la France surclasse la compétition, écartant en finale l’Espagne de Gerard Piqué et Cesc Fabregas.

Sur le banc, devancé dans la hiérarchie par Benoît Costil, Rémy Riou fait partie de l’épopée, en compagnie d’un Benzema dont il est assez proche lors de leur période lyonnaise. À l’époque, le jeune Riou est présenté comme une future valeur sûre des perches françaises. Des prédictions confirmées par sa folle saison lorientaise, sous les ordres de Christian Gourcuff. Mais contrairement à Costil, son concurrent de l’époque, Riou n’a jamais porté le maillot de l’équipe de France chez les pros.

Celui qui est aujourd’hui gardien de Bordeaux est d’ailleurs le dernier joueur de cette fameuse génération dorée à avoir porté les couleurs bleues, à l’occasion d’un match amical face à la Côte d’Ivoire au mois de novembre 2016. Les quatre fantastiques offensifs ont, eux, disparu depuis longtemps des radars nationaux, souvent pour des raisons extra-sportives.

Rémy Riou devant son nouveau terrain de jeu carolo.
Rémy Riou devant son nouveau terrain de jeu carolo.© BELGAIMAGE

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