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Charleroi est-il vraiment prêt pour la D1 féminine?

Aurelie Herman
Aurelie Herman Journaliste pour Sport/Foot Magazine

Il reste un mois et demi aux dix clubs de première division féminine pour préparer la nouvelle saison. Mais à Charleroi, il règne toujours un certain flou artistique. Petit topo de la situation.

Flash-back. Le 20 avril dernier, alors que la Belgique est enfermée à double tour, le Sporting de Charleroi, par la voix de son administrateur délégué Mehdi Bayat, annonce que pour la première fois de son histoire, le club hennuyer sera représenté par une équipe féminine en Superleague, le plus haut échelon national. « Un projet sportif et sociétal qui nous tient à coeur », peut-on lire dans le communiqué de l’époque.

Un projet qui s’inscrit aussi dans l’air du temps, entre le succès des Red Flames et l’engouement populaire suscité par la Coupe du monde 2019. Pas question donc pour l’un des décideurs du foot belge de louper le train en marche. Mais trois mois après cette entrée en matière, on peine à y voir clair, tant au niveau de la gestion que du sportif. Une situation qui a le don d’inquiéter, alors que la Superleague, qui se disputera pour la première fois avec dix équipes au départ, est censée reprendre ses droits lors du dernier week-end d’août. Au niveau du budget, tout n’est pas encore bouclé.

La présidence d’honneur de la section féminine a été confiée à Gérard Linard, prédécesseur de Mehdi Bayat à la tête de la Fédération.

« Il subsiste des précisions à obtenir sur certains sponsors, le quote-part que l’on va recevoir de l’Union belge », explique Gérard Linard, prédécesseur de Mehdi Bayat à la tête de la fédération et nommé président d’honneur de la section féminine par ce dernier. « Une série de choses pourraient être remises en cause par la crise sanitaire. » Le patron l’avoue: le club navigue un peu à l’aveugle niveau comptabilité. « Ça va être une année-clé, une année-test, qui va nous permettre de déterminer ce que les équipes féminines nous coûtent. On s’adaptera ensuite. »

« C’est vrai qu’il y a un certain flou au niveau des revenus, des sorties, mais le foot féminin reste très abordable », affirme pour sa part Muriel Oostens, responsable du projet féminin des Zèbres. « Il ne faut pas oublier que cette période de Covid-19 n’est pas idéale pour ramener des sponsors. Je ne suis en tout cas pas du tout inquiète : Mehdi Bayat s’est engagé à mettre les moyens et nous a rassurés. »

Un petit mois et puis s’en va pour le coach

Si tout n’est pas encore totalement concret au niveau de la trésorerie, côté sportif non plus, l’ensemble n’est pas encore parfaitement huilé. Les choses tournent carrément au vinaigre le 10 juillet, lorsque Philippe Venturoso annonce la fin de sa (très) courte expérience avec l’équipe féminine du Sporting. Une fin de collaboration actée en réalité le 30 juin, soit la veille du début officiel du contrat de l’ancien coach de la REAL (Acren, en D2 Amateur).

« Le projet n’était pas celui qui m’avait été vendu. »

Philippe Venturoso dans L’Avenir.

Ce dernier, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, s’épanche dans les colonnes de L’Avenir. « Suite à un rapport de la part de la coordinatrice (Delphine Préaux, Ndlr), une réunion a été organisée en urgence pour me dire que je n’étais pas l’homme de la situation. » Il explique ensuite que « le projet n’était pas celui qui [lui] avait été vendu », fustigeant le manque de joueuses mises à sa disposition. Arrivé trois semaines plus tôt, le Flénusien est donc débarqué, alors que la reprise du championnat se rapproche.

« Ça fait un peu partie de l’aventure », philosophe Muriel Oostens. « Lui ne se sentait pas très à l’aise dans le projet. L’un des soucis, c’est qu’il n’avait jamais coaché de filles. Il y a eu des désaccords dans sa façon de parler à certaines joueuses et il a préféré quitter le club. »

C’est finalement Tiziano Rutilo, passé par le Femina White Star et T2 de Venturoso, qui prendra les rênes de l’équipe première, composée d’un noyau encore trop exigu. « Actuellement, on possède seize joueuses, mais le recrutement se poursuit. On a encore besoin d’une gardienne. On est un peu limite, c’est vrai. C’est une joueuse qui occupe le rôle de recruteuse, et tout le monde y va de son réseau. La crise sanitaire n’a rien arrangé pour trouver des filles prêtes à nous rejoindre. »

« On sait que sportivement, on va ramasser quelques casquettes. »

Muriel Oostens, responsable de la section féminine des Zèbres.

C’est donc avec un coach qui doit encore valider son diplôme UEFA A et une équipe toujours incomplète que le Sporting a repris l’entraînement ce mercredi, sur le site de l’École des Jeunes de Marcinelle. « Il y a quatre mois, personne ne croyait à ce projet, qui est pris au sérieux par la direction », relativise pourtant Muriel Oostens. « On n’est pas un TGV, on est un train qui est sur les rails et évoluera à la vitesse carolo. »

Mais alors pourquoi risquer la surchauffe en rejoignant directement l’arrêt « Superleague »? Tout simplement parce que l’élite nationale est le seul échelon à bénéficier de subsides émanant de l’UB et la Pro League, sans oublier les droits télé récemment acquis par Eleven Sports, mais dont il reste encore à déterminer la répartition.

Quand on sait que les clubs qui possèdent une équipe masculine au niveau professionnel peuvent lancer leurs dames directement en Superleague, difficile de « résister » à l’argent octroyé par le foot belge côté féminin. Surtout quand on démarre de rien. « La perspective d’un jour évoluer en Superleague est aussi une motivation pour nos filles inscrites dans les équipes de P1 et de P2 », ajoute toutefois la boss du projet féminin, qui rappelle que celui-ci se veut avant tout social, avec un ancrage local marqué. « On sait que sportivement, on va ramasser quelques casquettes. Mais il faut laisser du temps au temps. Maintenant, les jeunes Carolos qui veulent jouer au foot savent qu’il y a une possibilité d’atteindre le meilleur niveau dans la région. »

Et ainsi éviter de rejoindre le rival liégeois du Standard. Un argument qui peut compter en terre zébrée…

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