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Buffel :  » Je n’ai pas besoin du vestiaire pour blaguer « 

Thomas Buffel ne peut plus gagner de trophée cette saison mais ça n’entame pas sa grinta quand Genk a encore besoin de lui. Mais que va-t-il faire bientôt ?

Thomas Buffel (37 ans) a signé un contrat à Genk il y a neuf ans, lors de l’introduction des play-offs. Il a gagné un titre et une coupe avec les Limbourgeois. Il aurait aimé y ajouter une coupe cette saison et jusqu’à la semaine passée, il rêvait d’un titre, en son for intérieur, mais ce ne sera pas possible.

Imagine que tu interviewes Thomas Buffel. Quelle question aimerais-tu lui poser ?

THOMAS BUFFEL : Je suppose que tout le monde se demande si je vais jouer un an de plus, à mon âge, alors que j’arrive en fin de contrat. La réponse est encore ouverte. Les prochaines semaines, je me concentre sur les PO1. Ensuite, l’équipe dressera un bilan, de même que chaque joueur. Comment vais-je digérer ces PO1, comment me sentirai-je, quelles offres ou possibilités aurai-je ? Sont-elles suffisamment intéressantes, y compris sportivement, pour continuer un an ? Je connais ma condition. J’ai couru quinze kilomètres en finale de la coupe. Je sais que la distance ne dit pas tout, qu’il faut courir au bon moment et au bon endroit mais ça veut dire que je suis encore en forme. Cependant, le sentiment que j’aurai en fin de compétition et les offres reçues seront aussi cruciales.

Si je reçois une bonne offre pour un beau projet, je jouerai encore un an.  » Thomas Buffel

À t’entendre, tu ne sais pas encore ce que tu vas faire ?

BUFFEL : Si je n’étais plus en état, j’arrêterais mais je n’ai pas ce sentiment. Encore faut-il que j’obtienne une bonne offre pour un beau projet.

Ce serait quoi ?

BUFFEL : Genk reste un beau projet. Il y souffle un vent nouveau et j’aimerais y rester. Je n’ai pas encore d’offre concrète. Et puis, je suis dans le milieu depuis vingt ans, époque de mon transfert du Cercle Bruges à Feyenoord. Le football est mon job mais aussi mon hobby et ma passion. J’ai renoncé à d’autres choses pour le football mais les difficultés de ma vie privée m’ont fait comprendre que d’autres choses comptent. Je réalise que j’ai raté beaucoup de réunions familiales. Bien sûr, il sera encore temps de me rattraper dans un an mais j’ai compris que la vie était imprévisible.

 » Les clubs ont besoin de joueurs chevronnés  »

Tu t’es produit pour des clubs qui luttaient pour des prix. Tu veux rester déterminant ou tu te contenteras de pouvoir jouer ?

BUFFEL : J’ai prouvé mon utilité. Mes buts contre Ostende et Zulte Waregem nous ont ouvert les portes des PO1. La finale de la coupe a été plus difficile. Comme j’ai beaucoup couru, j’ai manqué de fraîcheur à la finition. J’ai râlé, d’autant plus que dans le passé, j’ai plié beaucoup de matches importants. Dans des moments pareils, je me dis qu’il est peut-être temps d’arrêter ou de reculer dans le jeu. Mais je pense que les clubs ont besoin de joueurs chevronnés. Le Club en constitue l’exemple. Ses prestations sont stables car son noyau a suffisament d’expérience. Il faut un bon mix de jeunes talents, de joueurs costauds et d’expérimentés, comme Vormer, qui est parvenu à forcer un penalty contre nous lors de la première journée des PO1.

Timmy Simons, important dans le groupe, était sur le banc. Il joue fort peu. Ça te conviendrait ?

BUFFEL : On l’accepte au fil du temps, quand on sent que les autres sont meilleurs. C’est différent tant qu’on peut faire la différence ou apporter un plus.

Genk et toi n’aviez-vous pas convenu que tu occuperais un rôle à la Simons ?

BUFFEL : J’en ai parlé la saison passée avec Dimitri De Condé et Albert Stuivenberg. Ils voulaient savoir quelle serait ma réaction si je jouais moins. J’ai demandé à l’entraîneur s’il comptait encore m’aligner. Si sa réponse avait été négative, je n’aurais peut-être pas rempilé.

Le Club Bruges s’est-il encore manifesté ?

BUFFEL : Il pensait que si Refaelov partait, je pourrais reprendre son rôle mais je n’ai pas voulu attendre car la préparation approchait. Je me disais qu’il ne serait pas mal pour les enfants de nous rapprocher de la famille. J’aurais aussi montré aux supporters que j’étais disposé à jouer pour le Club. En fait, je n’ai jamais reçu de contrat.

 » Il faut être enthousiaste dans la vie  »

Sinon, tu l’aurais signé ?

BUFFEL : Tout dépend du timing. Nous avons discuté une autre fois, alors que j’étais libre. Vincent Mannaert et Bart Verhaeghe ont eu un entretien avec moi. Ils allaient me faire une proposition parce qu’Ivan Perisic s’en allait mais je n’ai rien vu venir alors que Genk, qui jouait la LC, m’a soumis une offre.

Que réponds-tu si Franky Vercauteren te demande de participer au projet du Cercle ?

BUFFEL : J’ai aimé travailler avec lui. Un professionnel qui nous a permis d’obtenir des résultats fantastiques. Mais j’ai lu que son flanc droit était quasi occupé.

Si tu arrêtes, qu’est-ce qui te manquera le plus ?

BUFFEL : La préparation des matches, l’euphorie de la victoire, avec mes coéquipiers et les supporters, le fait de me livrer à fond. La fierté d’avoir accompli quelque chose ensemble. On ne s’y habitue pas. Au contraire, on vit tout ça avec de plus en plus d’intensité parce qu’on doit faire plus d’efforts pour obtenir la même chose et qu’on ne s’attend pas toujours à en être encore capable.

Les blagues du vestiaire te manqueront-elles ?

BUFFEL : Je n’ai pas besoin du vestiaire pour blaguer. Je trouverai d’autres victimes ailleurs. Sans parler de mes copains. Le 1er avril, l’un d’eux a écrit sur les réseaux sociaux qu’il avait demandé son amie en mariage et qu’elle avait dit oui. J’ai ajouté qu’il n’avait plus qu’à s’exécuter, comme tout le monde avait lu son post.

Pozuelo a raconté que tu avais la mentalité d’un adolescent dans le vestiaire, toujours enthousiaste et blagueur, alors que tu as vécu des années si difficiles sur le plan personnel.

BUFFEL : J’ai toujours été ainsi. Il faut être enthousiaste dans la vie. Sans ça, j’aurais déjà tiré un trait sur ma carrière. Si je ne m’intéresse pas à ce qui plaît aux jeunes de maintenant, je vais m’ennuyer.

 » On ne peut pas tout poster sur les réseaux sociaux  »

Tu oses blaguer avec des jeunes comme Clinton Mata et Manuel Benson ?

BUFFEL : Oui mais je ne sais pas s’ils comprennent toujours mes plaisanteries.

Les autres te rendent les coups ?

BUFFEL : De temps en temps. Pas de problème. Ce n’est plus comme à Feyenoord car les réseaux sociaux grossissent tout et les entraîneurs redoutent leur impact sur la réputation du club. On ne peut pas tout poster. On ne fait plus des farces comme à Feyenoord, quand on faisait caca dans la chaussure de quelqu’un. Quand de telles farces éclatent au grand jour, ça peut faire croire que nous ne sommes pas assez professionnels alors qu’il est important de s’amuser de temps en temps.

Y a-t-il place pour le plaisir dans la saison difficile que vous vivez ?

BUFFEL : Il faut un bon mélange. La lourdeur du programme des dernières années empêche les joueurs de faire plus ample connaissance. Nous sommes déjà assez ensemble avec les séances, les matches et les voyages. On consacre donc le reste du temps à notre vie privée. Avant, quand on disputait 34 matches par saison, il était normal de sortir tous ensemble le dernier soir d’un stage. Plus maintenant car quatre jours plus tard, il y a déjà un match important. C’est dommage car ça permettait de tisser des liens.

Quel est l’impact de Philippe Clement sur Genk ?

BUFFEL : Il attache de l’importance à tous les paramètres : la tactique, l’individuel, le mental.

Quelle est sa principale qualité ?

BUFFEL : Son caractère, sa rage de vaincre. Sa modestie et le respect qu’il manifeste à chacun. Un footballeur apprécie plus un entraîneur respectueux qu’un homme qui donne l’impression d’être au-dessus du lot et qui s’exprime avec arrogance.

Clement estimait que Genk n’aurait pas dû émettre d’ambition pour le titre en début de saison. Tu vises toujours très haut. Tu partages son avis ?

BUFFEL : Je peux le comprendre. Il essaie de protéger son jeune noyau de la pression, mais j’ai appris qu’ici, on preste souvent mieux sous pression.

Cette ambition était-elle partagée en interne ou a-t-elle plutôt paralysé le vestiaire ?

BUFFEL(il réfléchit longuement) : Je n’arrive pas à le déterminer. C’est bon signe, non ? Parfois, on a oublié des détails sur le terrain et on a commis des erreurs, ce qui a accru la pression.

On a parfois eu l’impression que Genk avait trop peu de joueurs possédant ta mentalité.

BUFFEL : Il faut essayer d’éduquer les joueurs, il est important d’avoir son ADN mais encore faut-il que les joueurs soient prêts à évoluer au sein de l’élite. Il faut réduire la taille de ce dernier pas. Ça varie d’une levée à l’autre. Certains sont prêts à 18 ans, d’autres pas.

C’est à cause de tout ça que vous avez vécu pareille saison ou vous pouviez prétendre à mieux quand même ?

BUFFEL : Si on avait gagné le premier match des PO1 au Club, on aurait peut-être pu jouer le titre. Si on n’avait pas non plus perdu tous ces points au premier tour…

Qu’a le Club que n’ont pas les autres équipes des PO1 ?

BUFFEL : Un bon équilibre. Il n’a peut-être pas les défenseurs qui jouent le mieux mais ils sont les plus professionnels. Ils peuvent toujours adresser une passe à un homme démarqué et il est difficile de les mettre sous pression. Mechele a énormément progressé au sein de ce trio défensif. C’est bien vu de leur entraîneur. Il a composé de beaux duos sur le terrain, avec ses extérieurs, Vanaken et Vormer. Et devant, ses joueurs conservent le ballon tout en étant rapides.

 » Quand je peux entrer, je me livre à fond  »

On complimente Genk mais c’est l’adversaire qui gagne. Qu’est-ce qui vous manque ?

BUFFEL : On a eu ce qu’il fallait l’année du titre : une base solide et des avants qui marquent. On a de bons avants mais ils ont longtemps été indisponibles et trouvent plus difficilement le chemin des filets. Ceci dit, d’autres joueurs ont manqué de précision devant le but adverse.

Vous disposez maintenant de trente joueurs. Tu es content d’entrer au jeu neuf minutes contre le Club, dans un stade comble, malgré ton âge, ou est-ce que ça te démange ?

BUFFEL : J’attends et je me demande quand va arriver mon heure. Quand je peux entrer, je me livre à fond. Pour aider l’équipe, pour être décisif. À un moment, j’aurais peut-être pu passer le ballon à Dieumerci Ndongala mais j’ai vu Nakamba couper la trajectoire et j’ai donc décidé de ne pas faire la passe, puisqu’elle risquait d’être interceptée et de provoquer un contre. Quelqu’un qui aurait moins réfléchi aurait peut-être donné cette passe… Elle pouvait provoquer un contre mais aussi aboutir à un but.

Tu as participé à tous les play-offs. Tu aimes ce système ?

BUFFEL : Quand tu dois jouer un dernier match pour décrocher l’ultime billet européen, tu achèves la saison très tard alors que tu dois entamer très tôt les qualifications. Tu n’as pas le temps de récupérer. Les joueurs disputent douze matches au sommet, en comptant les barrages éventuels. Ils sont durs, éprouvants. Barcelone ne doit plus jouer douze matches durs en fin de championnat.

Tu as toujours voulu jouer pour des trophées. En principe, tu ne le pourras plus. Tu es satisfait de ce que tu as obtenu ?

BUFFEL : Je dois faire avec. Je trouve important d’avoir gagné quelque chose dans chaque club. Ainsi, quand on y retourne, on est toujours apprécié. On reste impliqué dans le club. J’ai connu ça avec les Glasgow Rangers et avec Genk. Je l’apprécie énormément. J’ai remporté des trophées individuels à Feyenoord mais rien avec l’équipe. J’aurais aimé gagner quelque chose avec Feyenoord mais pour le reste, je n’ai pas raté grand-chose.

Tu étais proche de l’élite absolue quand tu t’es gravement blessé.

BUFFEL : Sans cette blessure à Glasgow, j’aurais intégré un grand championnat. Mais j’avais 27 ans quand j’ai dû être opéré des deux genoux et subir une revalidation d’un an. C’était trop tard. C’eût été différent si j’avais eu un manager susceptible d’écumer le marché pour moi. Mais soit, à cette époque, tout coulait de source à Genk : le titre, la LC. Je préférais jouer ici que dans un club moyen de Premier League.

 » Répéter l’histoire devient pénible  »

Thomas Buffel vient de revenir sur ses saisons à Feyenoord pour le quotidien rotterdamois Het Algemeen Dagblad. Il a vécu là-bas avec Stéphanie, sa femme décédée le 25 janvier 2017. N’est-il pas pénible de reparler de cette tragédie ? Thomas Buffel :  » Franchement, répéter constamment cette histoire le devient car elle est longue et il convient de la cadrer. Je dois continuer ma vie en essayant de conserver les beaux souvenirs de notre longue vie commune ainsi que la sagesse et les leçons de vie que Stéphanie m’a communiquées. « 

Thomas Buffel :
Thomas Buffel :  » A Genk, on joue souvent mieux sous pression. « © BELGAIMAGE

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