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Bruges – Gand : le choc des tridents offensifs

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Des bouillants attaquants brugeois au sang-froid du trident gantois, décorticage détaillé de deux des attaques les plus spectaculaires du pays.

Les défenses font partie des plus solides du championnat. Elles sont protégées par des gants qui semblent parfois extensibles, tant ils sont capables d’arracher des ballons à leurs filets dans des zones insoupçonnées. Et pourtant, elles tremblent. Parce que sur la pelouse du Jan Breydel Stadion, l’heure est au derby des Flandres. Un match qui se joue sur des duels et des détails. Et à ce petit jeu-là, ceux qui protègent leur surface sortent rarement gagnants.

L’histoire du match sera surtout celle d’un face-à-face explosif, entre deux des tridents les plus prolifiques du début de saison. Si le classement des buteurs est dominé par un Dieumerci Mbokani injouable depuis le coup d’envoi de l’épisode 2019-2020 de la Jupiler Pro League, les actions offensives spectaculaires se répartissent principalement entre Bruges et Gand.

Les clés du premier choc de la saison mettant en scène les deux capitales des Flandres se trouvent probablement dans les chaussures de leurs héros offensifs. Et chacun a sa manière bien à lui pour tenter d’ouvrir la porte.

VOLUME BRUGEOIS

Bruges avait commencé en fanfare. Deux sorties en championnat et déjà neuf buts. Les Blauw en Zwart étaient alors emmenés par les stats folles de David Okereke, souvent déconnecté de ses partenaires dans le jeu mais toujours à la bonne place pour profiter des ballons qui traînent dans la surface.

Les hommes de Philippe Clement attaquent à tour de rôle, comme des guitaristes qui se lancent dans un riff en solo, en quête d’une minute de gloire. Pendant que Ruud Vormer et Hans Vanaken jouent les chefs d’orchestre, les dynamiteurs africains prennent la surface d’assaut pour y faire parler leur talent. Les échanges sont rares : à eux quatre, Okereke, Emmanuel Dennis, Krépin Diatta et Percy Tau ne comptent que deux passes décisives.

En moyenne, les Brugeois tirent 18,5 fois au but lors de chaque match, mais ne cadrent qu’une fois sur trois.

Le Club fait surtout dans le volume, à l’image du plus ancien membre de sa délégation offensive. Dennis, le Nigérian aux jambes explosives, facture 4,8 tirs par match depuis le coup d’envoi de la saison.

Personne, sur les pelouses belges, ne fait mieux. L’ailier conjugue l’audace à tous les temps, dribblant plus que n’importe qui (13,7 dribbles tentés par rencontre) et le faisant parfois n’importe quand (59% de réussite), mais fait peser sur l’adversaire la menace permanente du danger.

Avec 8,33 touches de balle dans la surface adverse par match, il est également le leader national au classement des hommes les plus présents dans la zone de vérité, juste devant son coéquipier Percy Tau.

OPÉRATION GASPI

Okereke, lui, déserte souvent la pointe du dispositif pour s’aventurer sur le côté droit, là où il aime rechercher la profondeur dans une zone qu’Ivan Leko avait souvent réservée aux appels de Ruud Vormer. Charge à ses associés de combler son absence dans la surface, de plus en plus marquée après un départ en trombe.

Si Tau et Dennis aiment plonger dans la zone libérée par les appels d’Okereke, leur réalisme face aux filets est loin d’être aussi affirmé que celui de leur buteur. Là où le 9 nigérian affiche des chiffres conformes aux attentes statistiques en termes de réalisme (4 buts marqués pour 3,13 expected goals, chiffre qui représente le nombre de buts attendus en prenant en compte la qualité des frappes tentées), ses ailiers ne sont pas encore passés au zéro déchet.

Dennis pointe seulement à deux buts malgré 3 expected goals, alors que Tau a atteint le même total avec 2,19 xG. Quand on sait qu’un attaquant efficace et en forme est généralement en surperformance, les chiffres sont éloquents.

Dans sa configuration actuelle, le système offensif brugeois crée énormément d’occasions, mais les offre principalement à ses joueurs les moins efficaces face au gardien adverse. En moyenne, les Brugeois tirent 18,5 fois au but lors de chaque rencontre, mais ne cadrent qu’une fois sur trois.

Ils ont eu besoin de 18,3 expected goals pour marquer seize buts. Le Topper contre Anderlecht était le meilleur exemple de cette productivité gargantuesque (30 tirs et 4,76 expected goals, record de la saison) couplée à un manque d’efficacité alarmant (seulement 2 buts marqués).

OCCASIONS SOUS PRESSION

Le plus impressionnant, dans les chiffres brugeois, réside donc actuellement dans le volume d’occasions créées. Les Blauw en Zwart parviennent à multiplier les situations dangereuses grâce à une possession de balle efficace, avec des automatismes simples mais parfaitement maîtrisés et déjà bien installés par Philippe Clement, mais aussi grâce à la qualité de leur pressing, le meilleur de Belgique selon les chiffres.

39% des ballons récupérés par les joueurs du Club depuis le début du championnat l’ont ainsi été dans le tiers de terrain défensif de leur adversaire. Emmenés par un Dennis très précieux dans ce registre (7,6 récupérations par match), les Brugeois sont difficiles à retrancher dans leur camp, et font parler leur domination territoriale jusqu’à la surface adverse où ils touchent le ballon 31 fois par match, un record national.

Dans la foulée de la domination brugeoise, le dauphin est buffalo. Grâce à un trio athlétique formé par Roman Yaremchuk, Laurent Depoitre et Jonathan David, les Gantois sont dans le sillage des Blauw en Zwart en matière de hauteur du pressing (David récupère 5,7 ballons par rencontre) et d’installation dans la surface adverse (25 ballons par match) grâce à leur système de jeu en losange mis en place par Jess Thorup pour associer ses trois éléments offensifs à un triangle de milieux de terrain où Sven Kums et Vadis Odjidja sont épaulés par un profil plus physique.

La Gantois Jonathan David (ici en compagnie d'Hans Vanaken) : un des puncheurs gantois.
La Gantois Jonathan David (ici en compagnie d’Hans Vanaken) : un des puncheurs gantois.© BELGAIMAGE

FAIRE BRILLER DAVID

Comme à Bruges, la créativité est disposée autour du rond central, et fait place au punch aux alentours de la surface adverse. Les déplacements de David, homme en vue du moment, sont mis en évidence par les déplacements de Depoitre et Yaremchuk, attaquants habitués à appeler les ballons sur les côtés (à droite pour l’ancien Diable Rouge, à gauche pour l’Ukrainien) malgré un profil physique qui les rendrait parfaits au casting du rôle de target-man.

Grâce à son excellent sens de l’infiltration, c’est donc généralement le Canadien qui termine les actions dans le rôle de l’attaquant axial, à la réception des nombreux centres amenés par les latéraux gantois, surtout sur le côté droit ( Mikael Lustig est le centreur le plus prolifique du championnat avec 7,8 centres par match).

Plus bas sur le terrain dans le schéma initial, David (3,1 tirs/match) prend plus souvent sa chance que Depoitre (2,8) et Yaremchuk (2,6). Surtout, les frappes du Canadien sont d’une qualité supérieure. Il cadre 61% de ses tentatives, un record depuis le début de saison qu’il partage avec Maxime Lestienne, et fait trembler les filets dans des situations parfois délicates.

Si ses statistiques avancées ne recensent que 2,77 expected goals, le teenager de Gand a marqué à cinq reprises en championnat, preuve d’une forme étincelante, d’un surrégime et/ou d’un talent hors-normes. Ses chiffres sont à l’image de ceux de toute l’équipe gantoise, qui tire beaucoup moins que les Brugeois (106 tirs contre 137 en sept journées), mais soigne la précision (40% de tirs cadrés) et surtout l’efficacité : s’ils ne pointent qu’à 14,55 expected goals, les Buffalos ont déjà marqué 18 fois, dépassant largement les attentes au vu de la qualité de leurs occasions.

Entre un Bruges qui tire beaucoup plus et un Gand qui tire beaucoup mieux, la bataille des Flandres risque de faire la part belle aux artilleurs. Une manière de perpétuer une bonne habitude. Il faut en effet remonter au mois de janvier de l’année 2013 pour retrouver la trace d’un nul blanc entre les deux équipes. Une époque à laquelle Vadis s’habillait encore en bleu et noir, et où les bancs de touche étaient occupés par deux coaches espagnols.

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