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Belgique-Arabie Saoudite: les plans de Martinez

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Analyse de la large victoire des Diables rouges contre les Saoudiens (4-0).

Personne ne semble vraiment prendre cette Arabie Saoudite au sérieux. Ni les tribunes clairsemées, ni les joueurs encore anesthésiés par l’ambiance feutrée au coup d’envoi. Les visiteurs profitent d’un premier ballon aérien mal négocié par Vincent Kompany pour s’offrir deux corners en moins d’une minute. Personne n’est encore dans le match. Personne, sauf Roberto Martinez.

Le sélectionneur a sorti son onze de gala. Mis à part Simon Mignolet, appelé à la rescousse pour pallier la traditionnelle absence amicale de Thibaut Courtois, l’équipe qui monte sur la pelouse du stade roi Baudouin ressemble furieusement à celle qui pourrait mener les premières batailles de la conquête de Russie. Pourquoi tester la valeur de joueurs dans un match qui, selon l’avis quasi unanime des suiveurs, n’a aucune valeur ailleurs que dans le portefeuille de la Fédération ? Pas de tests, pas de cadeaux. Roberto Martinez n’est pas là pour offrir des sélections ou jouer aux apprentis sorciers. Son plan pour le Mondial est prêt, et il en peaufine les rouages en réveillant les automatismes.

Le plan A des Diables est désormais connu, et met une dizaine de minutes à passer des esprits au terrain. Le temps de s’adapter à l’audace de Saoudiens très à l’aise techniquement, et venus pour répéter les gammes mises en place par Juan Antonio Pizzi, sélectionneur qui aime que ses équipes riment avec ballon et ambition. Encore lente, mais déjà studieuse, la Belgique ferme consciencieusement les angles en 5-4-1, avec un Yannick Carrasco très appliqué sur son flanc gauche, et cherche la punition immédiate à la récupération du ballon. À deux reprises, Toby Alderweireld alerte Romelu Lukaku qui, en pivot, illumine Dries Mertens puis Carrasco. Le troisième ballon du Red Devil à l’entrée des seize mètres saoudiens vient de Kevin De Bruyne, rapidement vertical après une récupération dans le camp adverse. En quelques secondes, le ballon passe des pieds des Saoudiens au fond de leurs filets, grâce à la vista de KDB et à une frappe propre et claquée du Rom’.

EDEN AL-OWAIRAN

La Belgique applique ses idées en trottinant, et laisse son sparring-partner du jour dans la rencontre. La phase la plus travaillée de la première période est sans doute le repli à cinq, qui pose plus de problèmes du côté de Thomas Meunier que sur le flanc gauche, peut-être parce que les jambes ankylosées d’un Toby Alderweireld à court de rythme contrastent avec la hargne d’un Jan Vertonghen qui joue son 99e match diabolique comme si c’était une finale mondiale.

Pour faire trembler des Saoudiens qui, comme la plupart des adversaires des Belges, ferment le jeu en 6-3-1 dès qu’ils perdent le ballon, les Diables s’en remettent au génie d’Eden Hazard ou à leur instinct de prédateur sur les grands espaces. Les mauvais choix récurrents de Dries Mertens au bout des reconversions offensives privent le marquoir d’un envol précoce, tout comme les excès collectifs du capitaine Eden, qui oublie de conclure des contres lancés par des récupérations ambitieuses de Kompany et Carrasco.

Nouvel ennemi public numéro un, depuis que Lukaku marque trop pour se faire huer et qu’il a signé un plantureux contrat en Chine, Carrasco fait son match habituel, teinté d’audace et d’omniprésence près du ballon. Libéré par un dédoublement de Vertonghen, Yannick repique vers l’axe et trouve Hazard, plein centre, à 30 mètres du but. Le talent hors-normes du roi des Blues fait le reste : au bout d’un slalom supersonique à la Saeed al-Owairan, Eden trouve Lukaku qui entretient son histoire d’amour avec le petit filet saoudien. Le Rom’ plante son seizième but sous le règne de Roberto Martinez, et maintient un rythme de croisière d’une rose plantée toutes les 61 minutes. On ne s’y connaît pas assez en jardinage pour savoir si c’est un chiffre impressionnant sur le plan horticole. Par contre, en football, ça en jette quand même pas mal.

RADJA ET MICHY EN PLAN B

La mi-temps arrive au bout d’une dernière tentative de Carrasco, et prend fin avec les irruptions de Thomas Vermaelen et Anthony Limbombé sur le terrain. C’est le début d’une Belgique plus entreprenante, qui réinstalle ses combinaisons à trois ou à quatre sur les flancs, pour créer le surnombre et le danger. Un centre de Meunier, puis un triangle entre Hazard, De Bruyne et Mertens assoient la domination nationale, avant que le capitaine des Diables ne trouve la barre au bout d’un cafouillage entre Mertens et Lukaku, mis sur orbite par un caviar de la plaque tournante des Citizens, très en verve pour sa première diabolique de 2018 (cinq tirs et sept occasions créées pour KDB).

L’heure de jeu s’annonce après une intervention défensive pleine de classe de Vermaelen, et s’entame avec Michy Batshuayi et Radja Nainggolan. Mertens et Hazard quittent le pré, pour un passage en 3-5-2 qui donne des espaces à dévorer au Ninja. Roberto Martinez lui offre une vraie chance de dessiner un plan B taillé pour ses qualités, et celles de Kevin De Bruyne, qui occupe l’autre poste de milieu relayeur devant un Axel Witsel toujours posé devant la défense. Protéger les arrières de Radja est indispensable, n’en déplaise à ceux qui le rêvent toujours en milieu défensif grâce à quelques tacles télégéniques. D’emblée, Nainggolan presse très haut, verticalise dès le ballon récupéré. Il tente beaucoup, ne réussit pas toujours, mais met la rencontre à son rythme.

La première occasion de la dernière demi-heure est pourtant saoudienne, suite à une perte de balle de Witsel et à un replacement défensif à retardement de Meunier. Mignolet sauve les meubles, et la Belgique ne lâche plus rien. De Bruyne régale le stade d’un extérieur du pied déposé dans la course de Lukaku, qui passe tout près du triplé. Alors, KDB réserve son offrande suivante à Batshuayi : reconversion offensive, long centre, la technique et l’instinct de Batsman font le reste pour grimper à 3-0, avec la complicité d’une défense saoudienne déjà retournée aux vestiaires.

Une minute plus tard, c’est encore une reconversion rapide, lancée par Mignolet, menée et conclue par De Bruyne, qui ajoute une ultime ligne à l’addition. La leçon diabolique est facturée 11.000 euros la minute et 4-0 aux Saoudiens. La suite de l’histoire de la Belgique de Roberto Martinez s’écrira dans deux mois, avec un casting réduit à 23 personnages. Le scénario, lui, est prêt. Il est soigneusement rédigé, avec trois défenseurs derrière et beaucoup de talents devant. Reste à poser le générique de fin le plus tard possible.

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