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Anderlecht : it’s Rutten time !

Avec une victoire sur le fil sur la pelouse de l’Antwerp, Anderlecht est relancé dans la course aux play-offs 1. Fred Rutten a-t-il trouvé la bonne formule pour remettre Anderlecht sur les rails ? Et de quelle manière a-t-il imprimé sa griffe sur le vestiaire bruxellois depuis sa nomination ?

Dans les milieux judiciaires et policiers, le phénomène est connu depuis longtemps. Lorsqu’on fait subir une  » confrontation d’Oslo  » à un témoin visuel d’une agression – une technique par laquelle on demande au témoin de reconnaître le coupable à travers une série de personnes qui lui sont présentées – il y a 10 à 40% de chances qu’il désigne la mauvaise personne.

À Neerpede, en ce moment, on assiste au même phénomène. Marc Coucke, Luc Devroe, Michael Verschueren et Hein Vanhaezebrouck ont été, tour à tour, à tort ou à raison, désignés comme principaux responsables de la crise que traverse le Sporting.

Jusqu’au match à l’Antwerp, Fred Rutten n’a pas été épargné non plus. Circonstance aggravante : le Néerlandais de 56 ans a les apparences contre lui. Selon son entourage, Rutten ferait peur.

Les gens de la cellule sportive et médicale le craignent tellement qu’ils l’évitent. En outre, il croiserait tous les jours des jeunes joueurs ou des employés du club sans leur dire bonjour. D’autres personnes décrivent Rutten comme un homme introverti. Tout le contraire du jovial Vanhaezebrouck.

L’image du Rutten timide et un peu réservé tranche avec celle qu’il a donnée lors de sa présentation à la presse, le 7 janvier. Ce jour-là, il était apparu comme un homme qui devait chercher ses mots et qui semblait effrayé lorsqu’on lui posait une question embarrassante.

Quoi qu’il en soit, une chose est déjà sûre : Rutten aura marqué le stade Vanden Stock de son empreinte. Et ce, qu’il s’en aille déjà ou pas l’été prochain.

Le renvoi de Caen

La première décision forte qu’a prise Rutten est d’écarter Gino Caen. Un départ de  » commun accord  » comme on dit dans ces cas-là, et annoncé conjointement par le tandem Frank Arnesen-Fred Rutten.

Peu de temps après, le nouveau préparateur physique, le Néerandais d’origine brésilienne Alessandro Schoenmaker, a pris ses fonctions. L’argument d’Anderlecht – Caen est assez bon pour être entraîneur adjoint, mais nous préférons de vrais spécialistes – tient la route. Lors d’une réunion avec le groupe de joueurs, Rutten et Arnesen ont insisté sur le fait que Caen n’avait pas l’expertise d’un préparateur physique.

Çà et là, le départ de Caen est interprété comme un règlement de comptes. Caen faisait partie de l’accord que Vanhaezebrouck avait autrefois négocié avec Herman Van Holsbeeck. Malgré ses nombreux diplômes, le Flandrien était surtout perçu comme une petite aide apportée à HVH.

En réalité, de nombreux joueurs doutaient de ses compétences pour le job. Les courses effectuées à l’entraînement loupaient leur objectif, et il laissait le soin aux kinés d’organiser les entraînements en salle.

Depuis peu, les joueurs ont l’impression qu’ils travaillent de nouveau en fonction d’un objectif déterminé. Au sein du staff, tout le monde n’était pas d’accord non plus avec les méthodes de Caen, mais il était apprécié pour son approche humaine.

 » Gino est un homme fantastique et un assistant fantastique « , affirme quelqu’un qui a travaillé avec lui à Neerpede.  » Il était toujours motivé, toujours correct et la communication était facile avec lui. Il avait un gros problème : il exécutait ce que Vanhaezebrouck lui demandait.

Certes, l’entraîneur a toujours le dernier mot, mais cela ne peut pas faire de tort de le contredire de temps en temps. Il n’avait pas le niveau requis dans un club de pointe. Je comprends donc que Rutten ait voulu recomposer le staff.  »

Mainmise totale

Sans parler de ses compétences, les partisans de Caen – et il y en avait quelques-uns à Neerpede -, ont l’impression qu’il n’a pas reçu une chance honnête de la part de Rutten. Les deux hommes se parlaient peu et, progressivement, les missions imparties à Caen ont été de moins en moins nombreuses.

Apparemment, Rutten avait tellement peu confiance en son préparateur physique qu’il a pris toute la régie à son compte. Rutten n’a pas voulu admettre qu’il avait supprimé quelques entraînements sans concertation préalable durant le stage hivernal.

 » J’ai moi-même élaboré un programme « , a expliqué Rutten au journal Het Laatste Nieuws.  » Comment, dans ce cas-là, aurais-je pu supprimer des choses ?  » Rutten oublie de préciser qu’il n’a pas du tout tenu compte du programme de préparation physique étalé sur quatre semaines, que Karim Belhocine avait commandé à Caen.

Cela ne fait que confirmer que le quinquagénaire veut complètement prendre les choses en mains. En fait, pendant le stage hivernal, une discussion collective a été organisée pour le staff technique, où tout le monde a pu s’exprimer librement.

À un moment donné, quelqu’un s’est levé et a souligné le fait qu’il y avait un manque de travail physique : Coach, si nous continuons à travailler de cette manière, il y aura un gros déclin chez les joueurs au cours des prochaines semaines. Nous ne serons pas prêts pour entamer la deuxième partie de saison.

La réponse de Rutten ? Ça va venir. Rutten n’était obsédé que par une chose : que tout le monde soit fit. Par fit, il entendait qu’aucun joueur ne devait être empêché de participer à un entraînement à cause d’une blessure. Par manque de temps, et à cause de son souci de pouvoir disposer de tout le groupe, Adrien Trebel et Landry Dimata inclus, il a légèrement négligé le facteur physique. Les joueurs s’en sont eux-mêmes étonnés.

Fred Rutten donne ses instructions à Yari Verschaeren.
Fred Rutten donne ses instructions à Yari Verschaeren.© BELGAIMAGE

Car chez Vanhaezebrouck, tout tournait autour de la tactique et de la capacité à courir. Rutten s’est profilé comme un entraîneur instinctif. Il a essayé dès le départ de recréer une alchimie entre les joueurs et a insisté sur le fait qu’il fallait retrouver le plaisir de jouer. Le reste viendra plus tard.

Propres accents

Comme chaque entraîneur, Rutten imprime ses propres accents en matière de journées libres, d’alimentation, de mises au vert, etc. Mais tout le monde a constaté que la charge de travail a diminué de manière draconienne.

Récemment, on a de nouveau mis le doigt sur les carences physiques des joueurs. Rutten a répondu aux critiques, qui lui reprochaient de ne pas assez pousser les joueurs dans le rouge, en affirmant qu’il ne pouvait pas surcharger ses troupes, de crainte qu’elles ne s’effondrent.

Il est donc curieux qu’après le match au Standard, Rutten ait mis en question la condition physique de ses joueurs. Avant la trêve hivernale, la condition générale d’ensemble du groupe était pourtant bonne.

Lors d’une batterie de tests auxquels les joueurs ont été soumis le 6 décembre, il est apparu que les résultats étaient meilleurs que pendant la préparation.

Comme Vanhaezebrouck, Rutten veut contrôler tous les éléments qui touchent au département sportif. Il a notamment un avis bien tranché sur le fonctionnement du département médical au sein d’un club de football, et prend le temps de s’entretenir avec les médecins avant et après un entraînement.

Même s’il n’en donne pas toujours l’impression, il peut se montrer tout aussi persuasif que son prédécesseur. Il n’y a que sur l’aspect vocal qu’il ne peut pas soutenir la comparaison avec Vanhaezebrouck.

 » J’ai entendu, dans la bouche des joueurs et de certains collègues, que Rutten ne serait pas toujours facile à vivre, mais en pratique, cela ne se remarque pas « , affirme un proche collaborateur du Néerlandais.  » Il travaille de manière logique. Il faut lui prouver que vous avez raison. Si vous avancez des arguments clairs, il vous suivra.  »

Petits caprices

Les petits caprices de Rutten sont, pour l’instant, compris par Marc Coucke et Cie. Rutten souhaite, par exemple, que Neerpede soit complètement vide pendant le week-end. Tout le monde est d’accord.

À partir du samedi, l’ancien entraîneur du FC Twente ne tolère aucun observateur dans et aux alentours du centre d’entraînement. Si Rutten organise un entraînement le samedi après-midi, les Espoirs son obligés de s’entraîner le matin, et inversement.

Et les jours de match, les Espoirs doivent avoir quitté les lieux avant que l’équipe A ne débarque. Cela va même si loin que les joueurs qui reviennent de blessure, ou sont suspendus, doivent eux aussi se tenir à l’écart et s’entraîner avec les Espoirs pendant le week-end.

Pour Rutten, cela évite de perturber la concentration des joueurs qui font partie de la sélection pour le match. Rutten a expliqué, il y a quelques jours, qu’il avait 99% de son équipe de base en tête dès le mardi. Cela pourrait expliquer pourquoi il prête aussi peu d’attention aux joueurs du banc et à ceux qui prennent place en tribune.

Ces dernières semaines, Milic, Gerkens, Cobbaut, Sanneh, Saief et Appiah – des joueurs relativement expérimentés qui entraient régulièrement en action sous Vanhaezebrouck – ont été les victimes de la politque restrictive de Rutten, et des jeunes comme Doku, Saelemaekers et Amuzu ont vu leurs temps de jeu baisser de façon spectaculaire.

Adrien Trebel est toujours en délicatesse avec son genou.
Adrien Trebel est toujours en délicatesse avec son genou.© BELGAIMAGE

Dans l’esprit de Rutten, ces joueurs doivent d’abord accumuler des minutes avec les Espoirs avant d’entrer à nouveau en considération pour une sélection en équipe Première. C’est pour cette raison qu’au début février, pas moins de 15 joueurs du noyau A figuraient sur la feuille du match contre les Espoirs du Club Bruges.

Cela a produit un effet pervers : le staff des Espoirs a dû organiser des matches amicaux pour donner du temps de jeu à ses propres joueurs.

Processus de survie

Alors que les joueurs précités ont encore une chance d’être réhabilités, c’est complètement terminé pour Ognjen Vranjes et Luka Adzic. Rutten n’est pas convaincu par le duo – sinon, il aurait repêché les deux joueurs dans le noyau A, comme il l’a fait pour Ivan Obradovic – et leur situation devient tout doucement intenable.

Vranjes a encore trop de mal à digérer la déception. Lui et son compère Adzic ne respecteraient pas tous les accords et seraient loin d’être des bêtes de travail. Avant la trêve hivernale, Obradovic souffrait des mêmes symptômes.

Le Serbe s’était un peu laissé aller lorsqu’il a été relégué chez les Espoirs et n’a relevé la tête que lorsqu’il a perçu un signal lui indiquant qu’une nouvelle chance pourrait se présenter à lui dans le noyau A.

Dans quelle mesure Rutten entend-il solutionner le problème Vranjes ? On l’ignore. Il a surtout été engagé pour atteindre les play-offs 1, le reste est accessoire. Avec son football réaliste, Rutten ne va sans doute pas convaincre les puristes à Anderlecht, mais il a en tout cas trouvé la formule pour prendre des points en déplacement contre une équipe du Top 6.

Ce qu’Anderlecht n’avait pas réussi antérieurement : il s’était incliné au Club Bruges (2-1), à Genk (1-0), à Saint-Trond (4-2) et au Standard (2-1).  » Le premier pas est fait « , a déclaré Rutten après le match à l’Antwerp.  » Nous avons travaillé dur à l’organisation de l’équipe. Nous avons désormais réussi à faire en sorte que l’adversaire ait du mal à marquer contre nous.

Cela peut paraître bizarre d’entendre cela dans la bouche d’un entraîneur d’Anderlecht, mais c’est la réalité. Nous sommes engagés dans un processus de survie. Et, à mon avis, nous avons encore un long chemin à accomplir.  »

Pourquoi Anderlecht a accepté que Dimata et Trebel aillent faire examiner leur genou à Barcelone

La totale transparence est désormais la norme à Anderlecht en ce qui concerne l’aspect médical. La semaine dernière, Adrien Trebel et Landry Dimata ont pris eux-mêmes l’initiative d’aller faire examiner leur genou à Barcelone par le spécialiste espagnol Ramon Cugat, mais contrairement à ce qui avait été le cas ces dernières années, cela s’est fait en complet accord avec le staff médical.

Dans le passé, les joueurs allaient consulter des experts (étrangers) parce qu’ils n’avaient pas confiance dans les médecins ou les kinés mauves. Les joueurs se demandaient ce qu’il se passait au club. La situation est en train de changer et tout le monde a l’impression que les joueurs apprécient désormais ce que l’on fait pour eux sur le plan médical.

Trebel et Dimata, qui souffrent du genou depuis de longues semaines, n’étaient donc pas mécontents des conseils et des traitements qu’on leur prodiguait à Neerpede lorsqu’ils ont pris la décision de se rendre en Espagne, mais ils voulaient surtout un deuxième avis. Dans un premier temps, on leur avait conseillé de s’adresser à Geert Declercq, qui offre ses services à Anderlecht sur une base indépendante et qui collabore étroitement avec d’autres spécialistes comme Nick Jansen, Peter Verdonk et Koen Lagae.

En Belgique, les joueurs du Sporting peuvent faire appel à la crème de la crème en matière de médecine sportive. Mais les joueurs recherchent des avis neutres – des gens qui ne sont pas liés au club – et, sur ce plan-là, Anderlecht leur offre beaucoup de liberté. À la condition qu’ils disent à l’avance où ils vont, et que le club ait un contact direct avec la personne qui reprend le dossier. Les Bruxellois espèrent, de cette façon, éviter que les joueurs aillent consulter des charlatans. Le club veut être sûr que l’avis du spécialiste est fiable.

Yannick Bolasie inscrit le 0-1 sur le terrain de l'Antwerp en bondissant plus haut que tout le monde.
Yannick Bolasie inscrit le 0-1 sur le terrain de l’Antwerp en bondissant plus haut que tout le monde.© BELGAIMAGE

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