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Amadou Onana espère briller en Ligue des Champions: « Je n’ai pas trouvé un projet qui me convenait mieux que celui du LOSC »

Capitaine des Diablotins, valeur montante du LOSC champion de France, Amadou Onana est la révélation de cette de saison et la nouvelle grosse cote belge outre-Quiévrain. Rencontre avec les longs compas qui rêvent de dessiner le futur du football belge. A commencer peut-être par ce soir contre Chelsea en 1/8e de finale de Champions League.

Son quasi double mètre (195 centimètres exactement) est tout de suite moins imposant quand l’homme prend le temps de le plier en deux sur une chaise. Posé, Amadou Onana perd en amplitude ce qu’il gagne en tchatche. Fils d’un père camerounais et d’une mère sénégalaise, il a passé une partie de son adolescence dans les couloirs de la réputée école Saint-Michel à Bruxelles. Onana a le cerveau bien construit. Et le bagou qui va avec. Éloquent à l’interview, mais discret et efficace sur les prés, la nouvelle sentinelle lilloise de Jocelyn Gourvennec prend bien trop de place pour être rangée dans un seul et unique tiroir.

Nommé capitaine des Diablotins de Jacky Mathijssen il y a quelques mois, l’homme est aussi entre-temps devenu un habitué des grands rendez-vous de la saison lilloise. L’histoire d’une arrivée soudaine en pleine lumière et d’un joueur que pas grand-monde n’avait vu venir. Certainement pas Anderlecht ni Zulte Waregem. À deux jours de la réception de la Turquie par les Espoirs belges, rencontre avec un ancien pestiféré devenu tendance.

Amadou, le 3 octobre dernier, tu connaissais ta deuxième titularisation en Ligue 1, contre Marseille. Un match conclu par une victoire collective (2-0), mais des éloges individuelles après une prestation trois étoiles. Ce match plein, c’est le premier tournant de ta jeune carrière?

AMADOU ONANA : Non, il y en a eu d’autres. Mon départ pour l’Allemagne, c’est le vrai tournant. Mais Marseille, par contre, c’était un peu mon premier match référence ici. Ce genre de matches, ça donne juste envie d’enchaîner. De connaître plein d’autres grands moments comme ceux-là. Ma chance, c’est que je suis arrivé ici sans pression. Le groupe réagit avec moi de la même manière depuis le début. On me laisse le temps de grandir, d’évoluer petit à petit. Après, et en toute modestie, je pense que personne ne m’attendait à ce niveau si vite. Mais moi, je savais de quoi j’étais capable. Je me doutais que j’étais prêt pour digérer rapidement le passage de Hambourg en D2 allemande à Lille en Ligue 1 française et en Ligue des Champions.

En toute modestie, je pense que personne ne m’attendait à ce niveau si vite. Mais moi, je savais de quoi j’étais capable. »

Amadou Onana

Qu’est-ce qui t’a convaincu de tenter ta chance à Lille cet été, un club où régnait plus que jamais l’incertitude ces derniers mois?

ONANA: C’est un mix de tout. Si tu prends un peu de recul, recevoir la possibilité de grandir dans un club qui vient d’être champion de France et s’apprête à disputer la Ligue des Champions, ce n’est pas quelque chose auquel tu dois beaucoup réfléchir. Bien sûr, je savais que cette saison serait plus compliquée pour le club que la précédente. Techniquement, c’était impossible de faire mieux ( il rit). L’autre raison, je ne le cache pas, c’est que ma mère n’a pas une santé très stable et qu’après quatre années passées loin du domicile, il était temps pour moi de retourner près de la maison. Je n’ai pas trouvé un projet qui me convenait mieux que celui du LOSC.

Les propositions ont pourtant été nombreuses cet été. Tu aurais pu notamment rentrer en Belgique. C’est une possibilité que tu as étudiée sérieusement?

ONANA: Ce n’était pas un choix facile. Ce transfert, je savais que c’était le next step dans ma carrière. Je n’avais pas le droit à l’erreur. La Belgique a été une option à un moment, mais je trouvais le projet de Lille plus intéressant.

Avant de signer cet été, tu as pris le temps de t’entretenir avec le coach, Jocelyn Gourvennec, intronisé dix jours avant ton arrivée?

ONANA: On a eu une discussion honnête où j’ai pu constater qu’il me connaissait déjà très bien. En gros, ce qu’il me dit ce jour-là, c’est qu’à court terme, il m’envisage comme un joueur de rotation. J’ai apprécié sa franchise parce qu’il ne m’a pas servi de grands discours. Mais il m’a aussi dit que ça se jouerait au mérite et ça, j’estimais que c’était une bonne chose pour moi. Je savais que je finirais par recevoir ma chance. C’est juste arrivé un peu plus tôt que prévu.

En effet, trois mois plus tard, les dernières feuilles de matches donnent l’impression que tu es entre-temps passé devant certains de tes concurrents dans la hiérarchie…

ONANA: Il ne faut pas forcément voir les choses comme ça. Passer devant eux, certainement pas. Déjà, à chaque entraînement, j’apprends énormément à leur contact. Pas sûr que l’inverse soit vrai à ce stade ( il rit). Ce qui est vrai, c’est que je pense que je suis sur la bonne voie et qu’on forme un duo assez complémentaire avec Benjamin ( André, le capitaine, ndlr). Après, on joue beaucoup de matches, il y a une rotation malgré tout, mais oui, si j’ai joué ces dernières semaines, c’est que le coach a estimé que je le méritais. Il me prouve en tout cas qu’il disait vrai cet été et que rien n’est figé. Ce qui veut aussi dire que je peux me retrouver sur le banc la semaine prochaine. Ça va dans les deux sens.

« Sans ma soeur, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui »

Début juin, Jacky Mathijssen a fait de toi son capitaine en vue de la campagne de qualification des Diablotins pour l’EURO. Tu t’y attendais?

ONANA: Oui et non. Non parce que je n’avais jamais porté de brassard précédemment en équipe d’âge. Et je ne sais pas pourquoi d’ailleurs. Il faudrait le demander aux coaches que j’ai eus dans le passé. Peut-être n’avaient-ils pas détecté ce caractère de leader dans ma personnalité? Peut-être n’avaient-ils pas besoin de faire de moi leur capitaine pour me voir assumer mes responsabilités? En tout cas, cette fois-ci, quand le coach m’a appelé dans son bureau pour discuter avec moi, je me doutais bien qu’il pourrait me proposer de devenir capitaine. Et ce qu’il m’a dit ce jour-là a confirmé mon impression sur l’image que j’avais dans ce groupe, sur ce que je dégageais. Il m’a expliqué qu’il voyait en moi un meneur d’hommes et je pense en effet que c’est ce que je suis devenu. Ce que j’ai peut-être toujours été, en fait. Je suis quelqu’un qui a une assez grande confiance en lui et ça, je le dois à mon éducation, à ma mère qui m’a toujours fait me sentir bien dans ma peau. Ce qu’on m’a donné plus jeune, j’essaie maintenant de le rendre aux autres. En les motivant, en les aidant, en les accompagnant.

Amadou Onana avec les Espoirs:
Amadou Onana avec les Espoirs: « Mathijssen m’a expliqué qu’il voyait en moi un meneur d’hommes et c’est ce que je suis devenu. Ce que j’ai peut-être toujours été, en fait. »© belgaimage – LAURIE DIEFFEMBACQ

La suite, c’est ton arrivée en Belgique et un parcours sinueux entre tes douze et seize ans, passant successivement d’Anderlecht à Zulte Waregem avec une escale au White Star. Comment expliquer que personne n’ait détecté ton potentiel à l’époque?

ONANA: Je suis resté deux saisons à Anderlecht, mais je n’étais pas à Neerpede avec les gros talents, comme j’ai pu le lire dans certains journaux. Non, moi, j’étais au Heysel ( qui regroupe la formation des jeunes de la section provinciale du Sporting, ndlr) avec les joueurs à « faible potentiel ». Ça a été deux saisons très dures. J’ai pourtant eu une discussion à un moment donné avec Jean Kindermans ( directeur du centre de formation de Neerpede, ndlr), qui me disait que j’avais toutes les qualités requises pour intégrer la formation des élites, mais finalement, ça n’a jamais abouti à rien de concret. À l’époque, je jouais ailier, attaquant de pointe, parfois milieu défensif déjà, mais c’était plus rare. Peut-être parce que je n’étais pas encore l’athlète que je suis devenu. J’étais déjà un des plus grands, mais c’est quand j’ai quitté Anderlecht que j’ai eu une soudaine poussée de croissance. Je crois qu’entre mes quatorze et mes quinze ans, j’ai dû prendre dix ou douze centimètres. Ce qui a tout changé, mais pas forcément en bien. D’un coup, j’ai dû m’habituer à un nouveau corps, j’ai dû acquérir de nouveaux réflexes.

À l’époque, pour évoluer à un niveau national, tu te retrouves à signer au White Star. Avec ta soeur dans le rôle de l’agent de fortune, c’est ça?

ONANA: Ma soeur s’est toujours beaucoup occupée de moi. À la base, ça vient du fait qu’elle a quatorze ans de plus. Du coup, quand je suis arrivé à Bruxelles à douze ans, c’était déjà elle qui me déposait à droite et à gauche pour aller au foot. Et puis, comme personne ne croyait vraiment en moi, elle s’est dit que j’avais besoin d’un agent pour me faire ma publicité. C’est de là que pendant mon année au White Star, elle s’est mise à filmer mes matches et à faire des petits montages. C’était son idée, je ne lui avais rien demandé. Un peu le système D de la communication de crise ( Il rit). Elle s’est achetée une caméra, un pied et elle venait chaque semaine me voir. Neige, pluie, grêlons, ça ne changeait rien pour elle. Elle faisait parfois plusieurs heures de route pour me voir jouer aux Pays-Bas. Je lui suis tellement reconnaissant pour ça. Franchement, si elle n’avait pas eu cette idée-là, je ne sais pas où je serais aujourd’hui. Elle compilait des heures de montages et ensuite, elle inondait les boîtes mails de tous les clubs du monde ( Il rit). Leur Facebook, leur Instagram, tout était bon!

« À Zulte, ils sont tombés de leur chaise »

De là naîtra l’intérêt de Zulte Waregem, même si tu ne recevras jamais ta chance avec le Essevee. Comment un joueur qui ne parvient pas à se faire une place en Belgique peut convaincre un club de Bundesliga, en l’occurrence Hoffenheim, de miser sur lui?

ONANA : C’est exactement ce que se demandait Zulte à l’époque. Quand je leur ai dit en fin de saison que je partais faire un test à Hoffenheim, on m’a ri au nez. Il faut dire que je sortais d’une saison sans jouer et que ça avait été épuisant à vivre pour moi. Je faisais les aller-retour de Bruxelles en train tous les soirs pour m’entraîner parce que j’avais fait le choix de rester scolarisé à Saint-Michel. C’est-à-dire que je rentrais chez moi à 23 heures après avoir fait mes devoirs dans le train. Quand tu fais ces sacrifices-là et que tu ne joues pas une minute le week-end, c’est un peu dur à avaler. Heureusement pour moi, un jour, mon concurrent se blesse et je reçois l’occasion de disputer six matches de suite. Et là, un scout de Hoffenheim présent en bord de terrain flashe sur moi. Dans la foulée, il a pris contact avec ma soeur. Et là, évidemment, il s’est retrouvé avec 17 heures de bandes à devoir analyser ( Il rit).

Comment a réagi Zulte Waregem quand le club a appris que tu venais de signer un contrat pro en Bundesliga?

ONANA : Avant de partir faire mon test, j’avais dû demander à Zulte une attestation m’autorisant à partir quelques jours à Hoffenheim. Il l’avait signée le coeur léger vu qu’il n’y croyait pas une seconde. C’est limite si on ne se moquait pas de moi. On me prenait pour un joueur arrogant qui pensait pouvoir réussir en Allemagne sans avoir eu de temps de jeu à Zulte Waregem. Inutile de vous dire que leur attitude a décuplé ma motivation. C’était censé être un test de cinq jours, mais au soir de la première journée, le directeur sportif d’Hoffenheim appelle Zulte et explique que c’est bon, ils me prennent. Je crois qu’à l’autre bout du fil, ils sont tombés de leur chaise. Mais bon, je ne leur en veux pas. On a tous le droit à l’erreur.

« Martínez sait que j’ai le Qatar dans un coin de la tête »

Tu as déjà dit que Roberto Martínez t’avait conforté dans ton choix d’opter pour le LOSC cet été. Dans quel contexte?

AMADOU ONANA: Au début, la première fois, c’est lui qui est venu vers moi. Il m’a téléphoné pour me dire qu’il était disponible si j’avais besoin de conseils. Il m’a aussi dit que j’avais le devoir d’être ambitieux. Ça tombe bien parce que moi, je lui ai bien dit que j’avais le Qatar dans un coin de la tête. Je travaille pour ça en tout cas. Je veux devenir la meilleure version de moi-même et ce le plus rapidement possible parce que le Qatar, c’est déjà demain. Certains vont me traiter de prétentieux en lisant ça. Je pense que dans le milieu du foot, ce n’est pas grave de l’être un petit peu.

Disputer une Coupe du monde avec la génération qui porte les Diables depuis près de dix ans, c’est réaliste?

ONANA: Tout joueur rêve d’évoluer avec des gars comme Eden, De Bruyne, Romelu, c’est le top du top. Évidemment que je rêve de ça. Ma mentalité, c’est la mentalité de toute une génération. Moi, je n’ai pas connu les années noires du football belge. Quand je suis arrivé en Belgique à douze ans de Dakar, la génération actuelle était déjà en place. Quand nous, on joue un match en équipe d’âge contre la France ou l’Angleterre, on ne se sent pas inférieurs. C’est normal, moi, j’ai grandi avec la Belgique qui est au top, je ne nous imagine même pas redevenir une équipe moyenne.

Tu as été, au même titre qu’Eliot Matazo, cité par le sélectionneur comme faisant partie des joueurs susceptibles d’intégrer le groupe des Diables d’ici au Mondial 2022. Sais-tu ce qui plaît à Roberto Martínez dans ton jeu?

ONANA: Le but ultime, c’est de rejoindre les A. À partir de là, tout est bon à prendre. C’est rassurant de voir son nom cité par le sélectionneur national, ça veut dire qu’on se rapproche de son objectif. Regardez Charles De Ketelaere, c’est un bon exemple. Ce n’est pas le seul à ne pas être loin de toucher au but. Il y a Nico ( Raskin, ndlr) et Hugo ( Siquet, ndlr) qui se sont entraînés avec les A en octobre. Ce sont des signaux positifs. Ça nous motive, nous stimule.

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