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Albert Sambi Lokonga: « Je suis prêt à me bagarrer pour me faire ma place chez les Diables »

En troquant Anderlecht contre Arsenal, Albert Sambi Lokonga a changé de dimension, mais conservé un lien étroit avec le football version Pep Guardiola. Rencontre londonienne avec un homme qui refusera toujours de parquer le bus.

On peut perdre avec le sourire et continuer d’apprendre. Si on emprunte rarement par choix le chemin de la défaite, on peut au moins tenter de lui trouver des circonstances atténuantes. Si pas de réels avantages. Convaincu d’avoir choisi le bon marche-pied pour gravir les échelons en optant cet été pour Arsenal, Albert Sambi Lokonga a pourtant retrouvé dans le nord de Londres un parfum aux effluves connues.

Dans le bouquet garni façon Mikel Arteta, on retrouverait ainsi beaucoup de Vincent Kompany. Plus encore de Pep Guardiola, les résultats en moins. Pour changer de dimension, Arsenal a encore une fois sorti le chéquier et misé sur des quasi anonymes. Parmi ceux-ci, l’ancien capitaine d’Anderlecht et son football fait de caresses. Si pour Guardiola « les bons joueurs ne perdent jamais la balle », alors les supporters des Gunners se persuadent que Sambi Lokonga doit être un bon joueur. De ceux dont on ne mesurera jamais l’impact avec des statistiques, mais qui accumulent les éloges.

Pas sûr que j’aurais envie d’être titulaire dans une équipe qui refuse le jeu.

Albert Sambi Lokonga

Quel bilan tires-tu de tes premières semaines en Angleterre?

ALBERT SAMBI LOKONGA: Il y a toujours des appréhensions quand tu signes dans un nouveau club. Mais je dois dire que dans ce cas-ci, et malgré le début de saison difficile que le club a connu, j’ai tout de suite eu droit à un accueil assez incroyable. Aussi bien de la part des joueurs que du staff ou des dirigeants. Ce qui m’a aidé à tout de suite me sentir à l’aise.

Tu avais de nombreuses possibilités cet été. Pourquoi avoir choisi Arsenal, un club qui traverse l’une des périodes les plus difficiles de son histoire et qui sera privé de Coupe d’Europe cette saison?

SAMBI LOKONGA: C’est en discutant avec le coach et le directeur sportif ( Edu, ndlr) que ça m’est petit à petit apparu comme une évidence. C’est eux qui m’ont réellement conforté dans l’idée de choisir ce club. Après, ils n’ont pas beaucoup de mérite, c’est facile de se montrer convaincant quand tu travailles pour Arsenal ( Il rit). Sans rire, c’est un club légendaire. Bien sûr, il y a la réalité du moment, mais il y a aussi tout le poids de l’histoire derrière. Eux m’ont dit qu’ils voulaient former une bonne équipe, retrouver l’Europe dès la saison prochaine et plus globalement repartir sur de nouvelles bases après une saison compliquée. J’ai tout de suite eu envie de participer à la reconstruction de ce club. Parce que pour moi, même en crise, Arsenal reste Arsenal.

« Je ne me voyais pas encore une fois assister à la reconstruction d’une équipe »

Partir d’Anderlecht, c’était devenu une nécessité absolue? Tu as dit dans une précédente interview que tu t’étais rendu compte de l’importance de franchir un palier sportif en étant appelé pour la première fois par Roberto Martínez à la mi-mars avec les Diables. C’est le seul déclic?

SAMBI LOKONGA: Je voulais avancer en tout cas, et découvrir quelque chose de nouveau. L’autre vérité, c’est que je savais aussi qu’en fin de saison dernière, tous les joueurs qui étaient prêtés par d’autres clubs à Anderlecht allaient repartir dans leur club d’origine. Ça, ça a énormément pesé au moment de faire mon choix. Je ne me voyais pas rester une saison de plus à Anderlecht pour encore une fois assister à la reconstruction d’une équipe. Je voulais un projet dans lequel je pourrais m’intégrer directement pour apprendre. Ce n’est pas un reproche envers Anderlecht, c’est juste la réalité. On sait que le club est à une période de son histoire où il a besoin de temps. Après, il y a du mieux. Cet été, ils ont acheté plusieurs joueurs qui ont vocation à devenir des cadres, c’est une étape importante dans le projet de retour au premier plan du club.

Albert Sambi Lokonga:
Albert Sambi Lokonga: « Jouer en Premier League change ton statut. Ça change tout en fait. Même pour moi, ça m’offre plus de certitudes. »© PHOTONEWS

Reste que ton départ a confirmé, à sa manière, une tendance. Celle qui veut que les produits 100% Neerpede tendent à disparaître peu à peu du onze de base. Est-ce que le Vincent Kompany de 2021 n’est pas plus réaliste que l’entraîneur-joueur arrivé en mai 2019?

SAMBI LOKONGA: Non, je crois pas que Vinnie ait changé d’approche. Je pense juste qu’il s’adapte aux différentes réalités du moment. Quand il est arrivé, il a certes fait confiance à beaucoup de jeunes, mais il n’avait pas beaucoup d’autres choix, en même temps. Ceux qui ont presté à l’époque sont restés dans l’équipe et ont pour certains obtenus de jolis transferts. Les autres ont peu à peu disparu de la circulation, mais ce n’est pas la faute de Vinnie. Je crois qu’il faut se poser les bonnes questions: est-ce que les joueurs qui ne sont plus là aujourd’hui prestaient dans le passé à un niveau suffisant? Si la réponse est non, c’est que le coach a bien fait son travail. Ce qui est vrai, c’est que Vinnie est un coach jeune et à l’écoute. Il est aussi attentif à tous les détails. Et là, il s’est rendu compte que de jeunes joueurs, aussi doués soient-ils, avaient aussi besoin d’être encadrés. En cela, le rôle d’un Hendrik Van Crombrugge, d’un Adrien Trebel ou d’un Lior Refaelov aujourd’hui est capital.

Tu t’es fait conseiller par Vincent Kompany au moment de partir?

SAMBI LOKONGA: Figurez-vous que nous n’avons pas parlé ensemble avant que le deal se fasse. Ce n’est pas si étonnant. Peu de joueurs parlent avec leur entraîneur de leur futur transfert. Et tout le monde savait que j’étais sur le départ à Anderlecht. Ce qui n’empêche qu’on avait une chouette relation Vinnie et moi. Il avait certains joueurs à qui il en demandait plus et j’en faisais partie. En match, je savais que je ne pouvais pas me permettre d’être au même niveau que les autres. Il voulait que j’en fasse toujours plus, que je porte l’équipe. Sur le terrain, mais aussi en dehors. C’est grâce à lui si j’ai obtenu ce transfert. Il ne m’a jamais laissé me reposer, sans lui, je n’aurais pas autant progressé.

« Arteta est plus proche de son groupe que Kompany »

Passer d’Anderlecht à Arsenal, c’est aussi passer de Vincent Kompany à Mikel Arteta, deux apôtres du football de possession de Pep Guardiola. Quels sont leurs autres points communs, concrètement?

SAMBI LOKONGA: En vrai, ce n’est pas exactement le même style de coach. Bien sûr, il y a énormément de similitudes sur le fond. Il y a la volonté de trouver l’homme libre, de fonctionner avec des combinaisons courtes et rapides. Il y a aussi cette volonté d’insister sur les moindres détails et puis, plus globalement, ce qui ressemble à une proximité philosophique. Mais dans la forme et la manière de le mettre en place, c’est très différent. Arteta est plus proche de son groupe. Il participe aux petits jeux à entraînements par exemple, là où Vinnie gardait plus de distances. Ce n’est en aucun cas un reproche, juste un constat.

Avec Kompany, je savais que je ne pouvais pas me permettre d’être au même niveau que les autres. »

Albert Sambi Lokonga

De loin, on a parfois l’impression que Vincent Kompany bénéficie d’une immunité à vie à Anderlecht. Qu’il est parfois difficile de le remettre en question. Est-ce que le protéger, c’est forcément lui rendre service?

SAMBI LOKONGA: De nouveau, c’est une question de contexte. Il ne faut pas comparer Vinnie à un autre coach passé par Anderlecht dans le passé, parce que le contexte n’était pas le même. Et puis, chaque entraîneur à ses qualités et ses défauts. Comme tout être humain. Et quand on voit le nombre de jeunes que Kompany a utilisés en un peu plus de deux ans, on se rend compte que lui a surtout fait de la formation. Tout en réussissant malgré tout à y joindre certains résultats. Je trouve son bilan impressionnant de ce point de vue-là.

Albert Sambi Lokonga:
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On fait les mêmes reproches à Mikel Arteta en Angleterre qu’à Vincent Kompany en Belgique. Des beaux discours, mais un projet de jeu difficilement identifiable, de longs mois après leur intronisation respective.

SAMBI LOKONGA: ( Il coupe) Vous savez, c’est un peu le monde du foot qui veut ça. Pour tout le monde, le plus important, c’est de gagner. Peu importe la manière. D’ailleurs, il y a des coaches qui n’essaient jamais de jouer au football et qui gagnent toute leur vie. Ils ont raison, je ne leur fais pas de reproche, mais je ne suis pas sûr que je serais titulaire dans leurs équipes. Je ne suis pas sûr que j’aurais envie d’être titulaire dans une équipe qui refuse le jeu parce que je ne comprendrais pas ce que je fais. Ce que je veux dire, c’est que c’est plus dur de gagner quand tu essaies de produire du jeu, mais que c’est aussi beaucoup plus grisant quand tu y arrives. Ici, à Arsenal, et c’était le cas à Anderlecht avant, j’ai reçu une mission. Quand je me suis entretenu pour la première fois avec Mikel Arteta, j’ai tout de suite vu qu’il avait cerné mon jeu, qu’il avait compris qui j’étais et qui je pouvais potentiellement devenir. C’est là que je me suis dit que ça allait coller entre Arsenal et moi. Arteta me voit comme un pion important à la relance du ballon. Rien que ces mots-là, en tant que milieu défensif, ils sont importants à entendre. Rassurez-vous, il m’a aussi parlé de mes défauts. Comme de mon jeu de tête évidemment. Le reste, je le garde pour moi, c’est de la cuisine interne ( Il rit).

Depuis quelques années, le mercato d’Arsenal est fort critiqué en Angleterre. Notamment pour la propension du club à sortir des sommes folles pour des joueurs peu connus en Grande-Bretagne. Comment estimes-tu avoir été accueilli par les fans?

SAMBI LOKONGA: J’ai tout de suite compris l’amour inconditionnel des supporters. Pour moi, c’était avant tout chaleureux. Vous savez qu’on m’accoste plus souvent dans la rue à Londres que lorsque j’étais à Bruxelles? Ici, on me demande des autographes, des selfies. Londres est beaucoup plus une ville de foot que Bruxelles.

Le zéro sur neuf du début de saison a fait naître énormément de doutes sur le niveau réel de cette équipe. Et les derniers matches n’ont pas non plus rassuré sur le fond de jeu. Quel est le vrai objectif du club cette saison?

SAMBI LOKONGA: Vous allez me dire que c’est une réponse bateau, mais je crois que c’est quand on est dans le dur qu’on renforce les liens dans une équipe, dans un staff. Ici, maintenant, on regarde tous dans la même direction. On veut tous faire avancer le navire. On sait qu’on doit progresser encore. On doit notamment apprendre à devenir plus méchant.

« Contre Manchester City, je me suis senti humilié »

Tu étais titulaire lors des deux premières journées, mais sur le banc lors de la claque reçue à Manchester City (5-0, le 28 août). Ce jour-là, l’équipe a totalement perdu pied et c’était prévisible vu le début de saison. Est-ce vrai de dire que Mikel Arteta a voulu te préserver en ne te faisant pas jouer ce match?

SAMBI LOKONGA: Je ne sais pas, je n’en n’ai pas parlé avec le coach. Il faudrait lui demander. En tout cas, sur le banc, je me sentais humilié. Exactement comme si j’étais sur le terrain. Beaucoup ont parlé de cette statistique de 81% de possession de balle en deuxième mi-temps pour City. On oublie souvent de dire qu’on était aussi réduits à dix depuis la 35e minute et l’exclusion de Granit Xhaka à ce moment-là.

Malgré ce début de saison en dents de scie, est-ce que tu estimes que le fait d’évoluer aujourd’hui en Premier League te permet d’être mieux considéré dans le noyau des Diables?

SAMBI LOKONGA: C’est la prime à l’expérience, surtout. Mais bien sûr que jouer en Premier League change ton statut. Ça change tout en fait. Même pour moi, ça m’offre plus de certitudes. Aujourd’hui, je suis prêt à entrer dans la bataille du milieu, à me bagarrer pour me faire ma place. J’ai l’impression qu’il fallait que je joue dans un grand club pour ça.

Elles sont un peu passées inaperçues, mais Roberto Martínez t’a offert tes seize premières minutes de jeu en Diable contre l’Estonie (2-5, le 2 septembre). Qu’est-ce que ça représente pour toi?

SAMBI LOKONGA: Ce jour-là, j’ai remplacé Eden Hazard, quand même. Rien que ça, c’est formidable. Et puis, quand tu vois les joueurs avec lesquels tu te retrouves sur le terrain, c’est fantastique. Ça te donne une énergie. Ça permet aussi de comprendre que ça puisse prendre du temps d’en arriver là. Que tu doives d’abord t’asseoir en tribune, puis sur le banc avant de pouvoir prétendre à gratter des minutes. La hiérarchie du coach est très claire à cet égard. Je n’étais donc pas surpris d’être à nouveau en tribune contre la République tchèque ( 3-0, le 5 septembre, ndlr), mais je suis déçu qu’une gêne aux ischios m’ait empêché de jouer contre la Biélorussie ( 0-1, le 8 septembre, ndlr).

Le jeune qui a marqué le plus de points lors de ce rassemblement, c’est sans conteste ton grand ami Alexis Saelemaekers. C’est la preuve qu’on a beau dire le sélectionneur assez conservateur, il y a toujours de la place pour les joueurs en forme?

SAMBI LOKONGA: D’abord, je dois dire que j’étais vraiment content pour lui. Honnêtement, lors de son but contre les Tchèques, j’ai ressenti quelque chose de pareil à si j’avais moi-même marqué. Pour le reste, comme je le disais, on connaît la hiérarchie. C’est frustrant de ne pas beaucoup jouer, mais c’est un passage. Moi, à court terme, mon objectif, c’est d’être du voyage au Qatar, mais je me doute que c’est surtout via mes performances en club que je devrai me montrer, parce que les occasions seront rares en équipe nationale.

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Albert Sambi Lokonga: « Je me sens prêt à entrer dans la bataille du milieu, à me bagarrer pour me faire ma place chez les Diables. »© BELGAIMAGE

« Je ne fais pas partie de ceux qui sont contents de voir la France perdre »

Le 7 octobre prochain, la Belgique retrouvera la France en demi-finale de la Ligue des Nations. Est-ce que pour ta génération aussi, celle qui n’était pas en Russie, ce match sonnera comme une revanche?

ALBERT SAMBI LOKONGA: Ce match, on voudra le gagner comme tous les autres, mais pour moi, cette histoire de « seum » contre les Français, ça ne me dit rien. Ce sont les médias qui ont monté ça en épingle. Je ne crois pas que nous, en tant que joueurs, on a quelque chose à gagner là-dedans. Pour moi, en tout cas, c’est un match comme un autre. Ce sont nos voisins, on parle la même langue, mais il n’y a pas de haine. Je ne fais pas partie de ceux qui sont contents de voir la France perdre. Je suis même un peu triste pour Kylian ( Mbappé, ndlr). Je trouve qu’on lui manque de respect. Partout, tout le temps. Dans les médias, sur les réseaux sociaux. Le mec a fait gagner la Coupe du monde à la France et on dirait que ça ne compte pas, que les gens ont oublié…

Tu penses que la génération dont tu es amené à devenir un des leaders, celle des joueurs né entre 1999 et 2004, peut rivaliser avec les demi-finalistes du Mondial russe?

SAMBI LOKONGA: C’est une bonne question. Malheureusement, c’est encore trop tôt pour y répondre. À ce stade-ci, ce qu’on constate, et c’est déjà pas mal, c’est qu’il y a en tout cas de bons joueurs. Je ne crois pas qu’on va vivre un creux générationnel, mais savoir s’il les planètes vont s’aligner, si chacun va connaître une courbe de progression en rapport avec son talent intrinsèque, je suis bien incapable de vous le dire. Je l’espère, oui.

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