Jacques Sys

A-t-on tiré les leçons de Marin et Rolando ?

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Les transferts hivernaux sont toujours risqués. Sur les 54 joueurs embauchés il y a un an, 28 ont déjà disparu.

Les entraîneurs demandent souvent aux footballeurs de procéder à leur autocritique. Ce qui n’est pas toujours très simple. L’anecdote est entrée dans la légende: quand il entraînait Anderlecht, Jan Boskamp avait expliqué à son noyau qu’il y avait des footballeursporteurs et des serviteurs. Sur ce, un des joueurs s’était levé en demandant à quelle catégorie il émargeait.

Mais les entraîneurs sont-ils aptes à se juger eux-mêmes, comme ils le demandent à leurs joueurs ? Existe-il un entraîneur ayant travaillé et échoué parmi l’élite à avoir reconnu publiquement que le niveau était trop élevé pour lui ? Comme les footballeurs, ils sont une belle image d’eux-mêmes. Alors que reconnaître ses limites n’a rien de déshonorant.

Besnik Hasi aurait-il réalisé ce processus d’évaluation? Le Kosovar était un footballeur intelligent, le relais de l’entraîneur. Si Glen De Boeck a effectué des débuts aussi brillants au Cercle Bruges, c’était partiellement grâce à Hasi, qui ne cessait de contrôler et de corriger le jeu, sur le terrain. Il semblait avoir le profil d’un grand entraîneur.

Comme, durant notre longue carrière, nous l’avons pensé de nombreux autres footballeurs, comme Franky Van der Elst, Lorenzo Staelens, Walter Meeuws ou Arie Haan, des personnalités intelligentes au discours éclairant, dotées d’une vision, d’une conviction. Comme Besnik Hasi. Mais ce n’est pas parce qu’on est déterminant sur le terrain qu’on l’est de la ligne de touche.

Un entraîneur peut très vite tomber de son piédestal, surtout dans un club comme Anderlecht. Il faut énormément de professionnalisme et de feeling pour tenir bon et maintenir les joueurs sur le bon cap. En mars 2014, quand Besnik Hasi a pris la relève de John van den Brom, il a fait impression pendant sa première semaine de travail par sa façon de s’adresser aux joueurs. Ses mots-clefs ? Clarté et discipline. De fait, ça peut mener loin: affûter le groupe, manier le bâton et la carotte, fournir des directives claires.

Il n’y a pas si longtemps encore, Besnik Hasi personnifiait la clarté et la discipline.

Hasi a redressé l’esquif et on a vanté son intelligence émotionnelle. Comme nous l’avons écrit, il a accéléré le développement de Dennis Praet, il a fait progresser d’autres jeunes et a fait rebondir… Anthony Vanden Borre. Après quelques corrections tactiques et un sprint final impressionnant, il a mené Anderlecht au titre. Tout le monde était d’accord : la promotion de Besnik Hasi était un coup de maître.

Qu’en reste-il un an et demi plus tard ? Besnik Hasi, malgré tout son fanatisme, manque-t-il de la force mentale nécessaire pour stimuler sans arrêt les égos d’Anderlecht ? Que reste-il de la discipline et de la clarté ? Anderlecht n’arrête pas de trébucher. Même après le speech pourtant rare de Roger Vanden Stock, auquel on ne peut certes pas reprocher un quelconque manque de patience. Il a jugé venu le moment de se faire entendre. Qu’en a pensé Besnik Hasi ? Vendredi soir, il a vu son équipe mal jouer à Saint-Trond, tout en gagnant. Une partie des supporters continue à manifester son mécontentement. L’entraîneur travaille sous une épée de Damoclès.

Grands sont les entraîneurs qui parviennent à faire opérer leur équipe collectivement en toutes circonstances. C’est pour cela qu’on ne peut les juger qu’à long terme. Besnik Hasi est confronté à la nervosité, à la grogne des supporters, à l’agitation suscitée par Anthony Vanden Borre, à une lettre qu’il a lue ou dû lire, aux options des autres. Il y a quelques semaines, Herman Van Holsbeeck déclarait encore que les Mauves avaient besoin de renforts mais il a recruté des joueurs dont on peut se demander quelle plus-value ils vont bien apporter alors qu’il y a un an, il avait déjà engagé Marko Marin et Rolando. Les transferts hivernaux sont toujours risqués. Sur les 54 joueurs embauchés il y a un an, 28 ont déjà disparu.

Ces dernières semaines, Anderlecht ne se présente plus en bloc soudé. Tout le monde ne tire plus à la même corde. Le club a besoin d’un entretien interne. A tous les niveaux. Cela requiert du leadership. Sans ça, il risque de s’enfoncer dans un cercle vicieux et passer son temps à étouffer des feux.

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