À la découverte de ce club composé d’anciens de Pro League aujourd’hui au chômage
Depuis le 1er juillet, et pour la première fois en Belgique, les joueurs sans emploi peuvent s’entraîner au sein d’une vraie structure. Au début, ils étaient quatre. Maintenant, ils sont parfois vingt. Bienvenue au Free Pro Players FC de Lokeren.
Qu’est-ce qui pourrait encore être meilleur dans cette initiative ? » Les salaires sont un peu bas « , grimace François Kompany, tandis que ses équipiers rigolent. Ils ont fait la route ensemble de Bruxelles à Lokeren pour partager les frais. Ici, ceux dont le contrat a pris fin le 30 juin (ou avant) ne doivent rien payer.
Au centre de formation du Sporting Lokeren-Temse, deux vestiaires sont réservés aux joueurs du Free Pro Players FC. Chaque jour, à 10 heures, ils se mettent au boulot. Aujourd’hui, ils sont douze. Cinq se sont décommandés. Le lendemain, ils sont dix-neuf et on annonce les arrivées de deux nouveaux : JornVanCamp et JackMmaee. BryanVerboom est de retour après un test dans un club néerlandais. DerrickTshimanga a quant à lui signé à Waasland-Beveren.
La semaine dernière, trente-cinq joueurs étaient venus à Lokeren. En raison des blessures et des tests, ils sont rarement plus de vingt à l’entraînement, plus deux gardiens. C’est le maximum pour un entraîneur, car EddyVandenBerge n’a pas d’adjoint. Il a envoyé un e-mail à tous les joueurs avec quelques directives. Ils sont attendus trente minutes avant l’entraînement. » Au fil du temps, on constate une amélioration. Quand on travaille avec des pros, il doit y avoir de la qualité. On veut donc des joueurs de haut niveau. Ça pose parfois un problème avec les joueurs qu’on ne connaît pas. Au début, tout le monde a le bénéfice du doute, mais on devra se montrer plus sélectifs. »
Le foot en trois langues
Un voisin assiste à l’entraînement. Sur le parking, les voitures sont plus modestes que dans la plupart des clubs pros. Quand ils envoient un ballon derrière le filet, ils doivent aller le rechercher. Si le ballon arrive sur le toit, l’entraîneur va chercher une échelle.
Van den Berge, qui arrive chaque jour à 8h30, a été adjoint à Zulte Waregem pendant 17 ans. Il gonfle les ballons et prépare les équipements lavés par les gens de Lokeren. Chaque joueur a son numéro. Il occupe le petit vestiaire réservé aux arbitres. Les joueurs portent eux-mêmes les bouteilles d’eau et le matériel.
Van den Berge ne sait jamais combien de joueurs seront présents. Il dirige l’entraînement en trois langues : anglais, néerlandais et français. C’était déjà le cas à Zulte Waregem. » Je dois toujours avoir un plan B. Ils sont parfois douze, parfois vingt. Un jour, BoGeens m’a appelé au matin : il avait trouvé un job d’intérimaire. Il faut respecter cela, car beaucoup de joueurs ne roulent pas sur l’or. »
Ce jour-là, il n’a pas de gardien. » J’en ai parfois un, parfois deux. Je les intègre aux exercices. » Il n’a ni entraîneur des gardiens ni staff médical. Le syndicat des joueurs Sporta met à disposition un kiné pour les jours de match. Les joueurs font le chemin ensemble pour diminuer les frais. Pour les matches, Van den Berge veut au moins quinze joueurs. » Sinon, on ne joue pas. »
La majorité des pros flirte avec les trente ans. À 21 ans, ConstantinosPatoulidis fait figure d’exception. Il a joué en équipes d’âge à Anderlecht, au Standard et à Malines. Le gardien, ValentinBaume (24 ans) est relativement jeune, lui aussi. Il a joué au RWDM puis a été prêté par Charleroi aux Francs Borains. » Il ne peut pas venir chaque jour, car il va à l’école. Une sage décision. »
Pas d’attaquant
À l’entraînement, l’ambiance est bonne. On rigole et on crie pendant deux heures, cinq fois par semaine. On dirait un entraînement de club. Lorsque le petit match se termine sur un score de 15-15, les joueurs ont le choix : but en or, tirs au but ou deux fois cinq minutes de prolongations. Quand un joueur de niveau inférieur fait une mauvaise passe, ça râle. C’est quelque chose qu’il faudra améliorer la saison prochaine. Actuellement, tout ex-pro a sa chance, même si, officiellement, l’initiative s’adresse aux anciens joueurs pros de D1A, D1B, Nationale 1 ou ayant évolué à l’étranger.
» On ne demande pas de preuve « , dit l’entraîneur. » Ils doivent juste remplir une fiche avec leurs coordonnées et dire où ils ont joué au cours des trois dernières saisons. Je connais la plupart d’entre eux. Parfois, on vérifie si les données qu’ils nous fournissent sont exactes. Cette saison, on veut donner une chance à tout le monde. Je connais beaucoup de joueurs, mais pas tout le monde. Voici peu, un agent m’a sonné : il me demandait si des joueurs en test en Belgique pouvaient s’entraîner avec nous. Ce n’est pas le but. »
» Certains joueurs sont en pleine forme « , poursuit le coach. » D’autres n’ont plus rien fait depuis leur dernier entraînement en club la saison dernière et ça se voit. Surtout quand on les fait jouer des matches de 4×4 minutes avec une minute d’arrêt entre chaque rencontre. »
L’idéal serait de répartir les joueurs en deux ou trois groupes selon leur condition, mais il est tout seul. » On s’entraîne avec le ballon et on travaille la condition via des exercices de passes et de tirs. Parfois, je donne entraînement sur le synthétique. Celui qui veut en faire plus au niveau de la condition physique doit s’entraîner seul. Il n’est pas non plus possible de donner des séances de tactique, car le groupe change chaque jour. On n’a pas d’attaquant de pointe, par exemple. Ça signifie qu’en match, je dois m’adapter, car je n’ai personne pour garder le ballon devant. »
Champion d’Afrique
François Kompany, le frère de Vincent, est satisfait du fonctionnement de la start-up. » Je préfère m’entraîner avec un bon groupe et un chouette entraîneur sur de bons terrains qu’aller courir seul, mais je connais aussi des joueurs dans ma situation qui préfèrent s’entraîner seuls. » Son dernier club, c’était le Patro Eisden. » Mais en raison de la situation sanitaire, on n’a presque pas joué. Entre-temps, j’ai créé ma propre entreprise, car je songe à mon avenir. » Il estime que pour une première saison, le projet est très bien organisé. » Je pars du principe que celui qui a été professionnel a son propre cercle en matière d’encadrement médical, etc. »
C’est par un post de JelleVanDamme sur Instagram qu’il a pris connaissance du projet. Il a amené un autre Bruxellois, GeoffreyMujangiBia (ex-Standard, Lokeren et, jusqu’en 2020, Maccabi Petah Tikva). À l’entraînement, on n’entend pratiquement pas KarimEssikal(25 ans), le Bruxellois qui a joué à Zulte Waregem au Beerschot et à Mouscron avant de partir à Agadir, au Maroc.
Pour Eddy Van den Berge, celui qui s’est fait le plus remarquer, c’est ArnaudSutchuinDjoum (32 ans). Le Camerounais a grandi à Bruxelles, il a joué au RSD Jette ainsi qu’au RWDM et a débuté chez les pros au FC Brussels. » Il a tout de même été champion d’Afrique avec le Cameroun lorsque celui-ci était entraîné par HugoBroos. C’est JérémyTaravel qui l’a amené après la fin de son contrat en Arabie Saoudite. » Djoum n’est pas resté longtemps au Free Pro Players FC. Le 2 août, il a signé avec le club chypriote d’Apollon Limassol.
Parfois, des clubs appellent l’entraîneur pour avoir un avis sur les joueurs qui s’entraînent à Lokeren. Ou ce sont les joueurs qui lui demandent conseil lorsqu’un club est intéressé. » Je donne honnêtement mon avis « , dit Eddy Van den Berge, qui n’est pas du genre à se plaindre. » Je sais d’où je viens. On continuera au moins jusqu’en janvier. Et si le projet se poursuit, je veux bien rester. »
Ligue des Champions
Il y a cinq ans, RenatoNeto (trente ans) disputait encore la Ligue des Champions avec La Gantoise. Aujourd’hui, il fait chaque jour cent kilomètres aller-retour pour s’entraîner. » Car je veux être en grande forme le jour où je retrouverai un club « , dit-il. C’est SiebeBlondelle, avec qui il a joué à Deinze, qui lui a parlé de l’initiative. » C’est bien mieux que de rester chez soi, de courir un peu et d’aller à la salle de fitness. On joue même des matches et le niveau des entraînements est bon. »
Neto a déjà reçu des offres de clubs amateurs. » Mais j’attends une meilleure proposition. Je dois faire le bon choix. Je n’ai plus 25 ans et je ne veux pas m’engager pour six mois ou un an. Mais si je le voulais vraiment, je pourrais signer demain. » Son agent ne cherche-t-il pas ? Il rigole : » Ça devrait être comme ça, hein. » Entre-temps, il suit une formation pour devenir coach personnel. » Quand on n’a plus de contrat, il n’y a plus personne. Pour les joueurs au chômage, c’est mentalement que c’est dur. Il faut rester motivé. Tous ceux qui sont ici passent par des moments difficiles. »
Environ soixante chômeurs
Le projet, né d’une initiative privée, a démarré début juillet. Jusqu’à une semaine avant son lancement, on ne savait pas s’il pourrait débuter. Il a été conçu par LodeLeirens, qui n’a rien à voir avec le monde du sport professionnel, mais travaille dans une banque. Il a eu cette idée l’an dernier en apprenant que 35 joueurs étaient au chômage et que rien n’était prévu pour eux. » Tout le monde me disait que ça n’avait aucune chance d’aboutir, d’autant que je n’avais aucune expérience dans le monde du football. Il n’en fallait pas plus pour me motiver. »
En mai et juin, il s’est entretenu avec les parties concernées. La Pro League a mis un petit budget à sa disposition. Le syndicat des joueurs Sporta en a fait de même en septembre. Le projet s’appelle United Athletes. Jako, le sponsor technique, fournit les ballons et les équipements. L’ONEM estimait que les joueurs de football devaient se présenter pour un recyclage dans d’autres secteurs.
Finalement, le projet a été lancé pour six mois : de juillet à janvier, soit deux mercatos couverts. Le petit budget permet de payer un entraîneur, de louer les terrains et de payer la lessive. Leirens ne gagne rien : » Ça ne me coûte rien non plus, mais si le succès se confirme, on devra envisager de rassembler plus de moyens pour élargir la structure. »
Les 35 ex-pros qui s’entraînent régulièrement ne sont pas les seuls chômeurs. » L’an dernier, il y avait 35 joueurs sans emploi en Belgique. Maintenant, il y en a soixante « , dit Leirens.
À midi, Eddy Van den Berge siffle la fin de l’entraînement. Tout le monde prend une bonne douche et à 12h45, tout le monde est parti car il n’y a pas de salle des joueurs. « . » Chaque jour, en quittant le vestiaire, on espère ne pas se dire À demain « , dit Renato Neto. » Car si on ne vient plus, c’est peut-être parce qu’on a trouvé un club. «
Stop ou encore en janvier ?
Au cours de la deuxième semaine d’octobre, les partenaires du projet feront le point et décideront de poursuivre ou non en janvier. Lode Leirens pense que, vu l’intérêt de plus en plus grand, on continuera. » J’ai un accord verbal avec Lokeren pour trois ans. Je sais que pour certains, c’est loin. François Marquet ( qui a signé à Craiova à la mi-août, ndlr) m’a dit qu’il aurait aimé venir, mais de Verviers, ça lui faisait quatre heures de route par jour. Il n’empêche que Loris Brogno venait chaque jour de La Louvière et Hannes Smolders, de Herentals. «
Leirens tend à nouveau la main à l’ONEM. » Pendant le mercato, les joueurs ne viennent pratiquement pas. Ils se disent que leur agent va leur trouver un club. Après la période des transferts, ils se posent des questions. Les clubs n’ont plus les moyens de s’offrir trois joueurs par poste. Ceux qui restent longtemps ici se disent que c’est peut-être la fin du rêve. Mentalement, c’est dur. C’est pourquoi on aimerait engager un coach mental et organiser des formation l’après-midi avec l’ONEM. »
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