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A Genk et dans le foot belge, l’éternel spectre communautaire

« Dehors! », « Les Wallons sont du caca »: plus encore que contre le racisme ou l’homophobie, plusieurs clubs belges dont Genk, engagé mercredi en Ligue des Champions, doivent lutter contre les discriminations communautaires dans les tribunes.

« A l’heure actuelle, c’est peut-être plus répandu que le racisme basé sur la couleur de la peau ou l’origine », estime Pierre Cornez de l’URBSFA, la fédération nationale de football.

Le phénomène n’est pas nouveau, les supporters de Genk avaient défrayé la chronique, notamment en 2008 contre Tubize et en 2011 contre le Standard de Liège, en entonnant ce type de chants.

Plus régulier dans le nord néerlandophone (parmi les 16 clubs de première division, 11 sont flamands), ce type de discrimination se produit parfois en Wallonie: il y a dix ans, les supporters de Charleroi avaient également usé des mêmes termes scatologiques contre les Flamands.

Mais la fréquence de ces incidents s’est accrue ces dernières semaines en Belgique.

En un peu plus d’un mois, les supporters de Waasland-Beveren, de l’Antwerp et de Westerlo (2e division) ont été pris la main dans le sac.

« Etant donné que nous travaillons à une prise de conscience et que les cas sont (mieux) répertoriés, leur nombre augmente naturellement », décrypte Stijn Van Bever de la Pro League, l’instance chargée du football professionnel.

De fait, un plan d’action a été lancé en février 2018 par la ligue pour lutter contre les chants racistes et discriminatoires, frappés jusque-là d’une « forme d’impunité ».

En 2008, la fédération avait estimé que si des chants des supporters de Genk étaient « blessants », la « limite de la tolérance n’a(vait) pas été dépassée ».

Trois ans plus tard, une sanction de… 600 euros avait été proposée à l’encontre de ce club, pour des chants similaires.

« Certains chants peuvent parfois être considérés comme folkloriques, ludiques », alors que d’autres observateurs « peuvent les considérer comme totalement inacceptables », indique Pierre Cornez pour justifier cette apparente clémence.

Deux piliers

Dix ans après les incidents de Genk-Tubize, le ton se veut toutefois plus ferme du côté de la Pro League comme de la cellule football du ministère de l’Intérieur, qui prône la « tolérance zéro face à tout acte de discrimination ».

La ligue met désormais deux piliers en avant dans sa lutte contre les discriminations: outre le plan mis sur pied en 2018, les mesures disciplinaires ont été renforcées.

Des « délégués de match » sont notamment présents pour signaler les chants discriminatoires. Leur rôle: rédiger des rapports, qui peuvent déboucher sur une procédure à l’encontre des clubs (la ligue évoque 13 cas de poursuites par le parquet fédéral entre novembre 2018 et mai 2019).

En ce qui concerne les supporters, l’outil de lutte principal des autorités est la « loi football ».

Quelque 659 dossiers ont été instruits en 2018-2019 pour « incitation à porter des coups et blessures, à la haine ou à l’emportement à l’égard d’une ou plusieurs personnes », des motifs de poursuite bien plus larges que les seuls chants communautaires, rappelle le ministère de l’Intérieur.

Dans les faits, la sévérité des sanctions reste relative: Westerlo a été condamné le 20 septembre à 1.000 euros d’amende pour des chants discriminatoires lors d’un match contre Virton, dans le sud-est francophone de la Belgique.

« Les amendes sont trop peu élevées, vu l’argent que brasse le football », déplore un responsable d’Unia, institution publique spécialisée dans la lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances.

Mais « est-ce que le fait d’infliger des amendes ou des sanctions au club va résoudre le problème du racisme et de la discrimination? » interroge en retour Pierre Cornez. « Le problème est sociétal, pas uniquement propre au milieu du football. »

Reste une alternative: l’arrêt des matches, autorisé par la réglementation et encouragé aussi bien par la fédération que par Unia.

« Ça met tout de suite la polémique à plat », souligne l’expert d’Unia, sous couvert de l’anonymat. « Ça ne s’est pas encore produit (pour des chants communautaires, ndlr), mais ça serait un signal fort. »

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