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Voici l’homme que le Standard devra tenir à l’oeil ce soir à Francfort

Après trois années passées au Sporting du Portugal, Bas Dost est retourné en Allemagne cette saison. Lors de ses débuts avec l’Eintracht Francfort, il n’a eu besoin que de onze minutes pour trouver le chemin des filets. Le Néerlandais se montrera-t-il aussi efficace en Europa League contre le Standard ?

Un événement inhabituel s’est déroulé le 20 mai 2018 à l’Estádio Nacional de Lisbonne. Alors alors que le Sporting est mené 2-0 contre le modeste Aves, en toute fin de rencontre, Bruno Fernandes rentre dans le jeu et envoie un missile que le gardien Quim, âgé de 42 ans et qui dispute son dernier match comme professionnel, ne peut que dévier.

Bas Dost fait ce qu’il a l’habitude de faire : il parvient à se libérer dans une surface de réparation pourtant embouteillée, comme si les lois de la physique n’avaient aucune prise sur lui, et émerge au second poteau.

Le ballon lui tombe dans les pieds, il n’a plus qu’à le pousser dans le but vide. Mais, alors qu’il se trouve dans le petit rectangle, il l’expédie sur la barre transversale. Dost pourrait se prendre la tête dans les mains. Mais il ne le fait pas, car il a un bandeau vert autour du crâne. Un souvenir des tristes événements qui se sont déroulés quelques jours plus tôt. Nous y reviendrons.

Malgré un but tardif qui le ramène à 2-1, le Sporting s’incline contre Aves, un néo-promu issu d’un village de 8.500 habitants. Le fier club lisboète boit le calice jusqu’à la lie. Mais qu’y a-t-il de si inhabituel dans le raté de Dost ? Simplement que pareil gâchis, dans son chef, relève tout bonnement de l’événement.

Pour Dost, marquer s’assimile à sortir les poubelles pour vous et moi : ce n’est pas toujours élégant, mais il le fait chaque semaine. D’abord dans des équipes modestes, comme le FC Emmen, où le directeur technique Tom Saintfiet voulait l’amener en Laponie finlandaise, puis à l’Heracles Almelo.

À Heerenveen, l’entraîneur Ron Jans ne le titularise pas à chaque match. Mais cela n’empêche pas l’Ajax de s’intéresser à lui durant la trêve hivernale de 2010-2011. Les Amstellodamois voient dans le longiligne attaquant le successeur rêvé de Luis Suarez, parti à Liverpool.

Pendant des jours, on ne parle que de Dost dans les médias néerlandais. Il passe ses tests médicaux à l’Ajax et s’adresse lui-même au tribunal des référés pour forcer un transfert, mais celui-ci ne se concrétise pas. Ce n’est pourtant pas faute d’insister. Dost révèle même que, lorsqu’il était enfant, il dormait dans un pyjama de l’Ajax.

Cadeau de Saint-Nicolas

Ce transfert manqué renforce cependant le statut de Dost dans l’équipe de Heerenveen. Une fois devenu titulaire incontesté, il ne cesse d’empiler les buts la saison suivante : 32 en championnat, six en coupe. Dost est prêt pour le grand saut. Wolfsburg lui offre le transfert rêvé en 2012. Mais dans l’équipe allemande, Dost recule de nouveau dans la hiérarchie.

Surtout lorsque l’entraîneur qui l’a fait venir, Felix Magath, est remplacé par Dieter Hecking. Pendant deux saisons, Dost doit se contenter du rôle de doublure d’ Ivica Olic. Le Croate plonge dans les espaces, se rend disponible et ne ménage pas ses efforts. Il est toujours utile à l’équipe, même quand il ne marque pas.

On ne peut pas en dire autant du Néerlandais, qui dépend plus de ses partenaires chargés de lui donner de bons ballons dans le rectangle.  » Je n’avais pas un grand nom, comme mes concurrents Olic et Nicklas Bendtner. J’étais un joueur de Heerenveen, eux avaient été recrutés dans des clubs bien plus prestigieux « , a-t-il expliqué un jour au Volkskrant.

 » Le pire, c’était lorsque je devais prendre place dans la tribune. Il arrivait que je ne fasse pas partie de la sélection pendant quatre semaines. Lorsqu’on prend place sur le banc, on se sent quand même relativement impliqué. Mais là, les jours de match, je devais me contenter de faire des tours de terrain en solitaire au centre d’entraînement.  »

Mais Dost, que beaucoup considéraient comme perdu, mord sur sa chique. Il ne part pas à Feyenoord, mais attend patiemment une nouvelle chance. C’est Saint-Nicolas qui la lui offrira. Le 6 décembre 2014, il remplace Olic contre Hanovre 96. Trois minutes plus tard, l’égalisation apparaît au marquoir. Des oeuvres de Dost.

Un mois plus tard, ce n’est pas Dost, mais Olic qui est transféré pendant le mercato hivernal. Dost reste et devient subitement inarrêtable. Deux buts contre un Bayern Munich invaincu, les larmes aux yeux après l’accident de voiture qui coûtera la vie à Junior Malanda. Quatre buts, dont le but victorieux dans le temps additionnel lors d’un match incroyable sur la pelouse du Bayer Leverkusen qui se termine sur le score de 4-5.

Deux buts encore en Europa League contre le Sporting du Portugal et encore deux lors de la victoire 3-5 au Werder Brême. Les médias et les supporters jubilent. En fin de saison, il marque également dans la finale de coupe victorieuse contre Dortmund. Une seule fois, certes, mais ce sera suffisant. Cette avalanche de buts vaudra à Dost le surnom de Plattfuss Bomber, le bombardier aux pieds plats. À cause des semelles qu’il porte depuis une opération à la cheville.

Direction Lisbonne

Lorsqu’ Ivan Perisic et Kevin De Bruyne quittent Wolfsburg durant l’été 2015, toute l’attention se reporte sur Dost. En dépit d’une saison plus terne, le Sporting CP n’a pas oublié les confrontations précédentes avec le club allemand. En 2016, il est vendu pour dix millions au Portugal, où il connaîtra à la fois ses années les plus belles et les plus difficiles.

Durant sa première saison, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les buts tombent dans l’escarcelle comme les pommes mûres d’un arbre : 34 réalisations en 31 matches. Seul Lionel Messi fait mieux en Europe, cette saison-là. À chaque fois qu’il trouve le chemin des filets, les supporters entonnent Thunderstruck d’AC/DC dans l’Estádio José Alvalade : Na-na-na-na-na-na Bas Dost !

L’entraîneur Jorge Jesus compose l’équipe en fonction de lui. Bruno Fernandes s’efforce de jouer le plus près possible de Dost dans la surface de réparation, tandis que Gelsons Martins doit expédier des centres d’une précision chirurgicale depuis les flancs. Durant ses périodes fastes, Dost a en effet toujours été alimenté par les flancs. Que ce soit par Oussama Assaidi et Luciano Narsingh à Heerenveen, ou par De Bruyne à Wolfsburg.

Et oui, Bas Dost a été le coéquipier de Kevin De Bruyne et d'Ivan Perisic à Wolfsburg !
Et oui, Bas Dost a été le coéquipier de Kevin De Bruyne et d’Ivan Perisic à Wolfsburg !© BELGAIMAGE

À l’époque, le Diable Rouge arpentait encore régulièrement le couloir et jouait plus haut qu’il ne le fait actuellement à Manchester City et en équipe nationale. Tous ces joueurs donnaient l’impression d’avoir un aimant à leurs pieds. Dost n’avait qu’à camper dans le rectangle en attendant d’être approvisionné.

Selon la carte des statistiques, c’est dans les 16 mètres qu’il touche le plus souvent le ballon. Là, le Néerlandais témoigne d’un sang-froid à toute épreuve. Plus il se rapproche du but, plus il est dangereux. Il ne trouve pas toujours ses marques directement. À Wolfsburg, il lui a fallu deux ans pour devenir performant. Mais lorsque l’entraîneur se montre persévérant et l’utilise en fonction de ses qualités, il sait que tôt ou tard, Dost le remerciera en inscrivant des buts à la pelle.

Spécialiste des goals de merde

Peu d’attaquants sont aussi efficaces que Dost. Pendant sa meilleure saison au Sporting, il marque un but pour deux tentatives. Souvent en une touche de balle. Au Portugal, il lui est arrivé d’inscrire 45 buts consécutifs en un temps.  » J’inscris souvent des golos de merda « , a-t-il reconnu dans les médias portugais.

Mais c’est précisément sa principale qualité : il parvient, comme personne, à se créer des espaces dans les 16 mètres adverses. En écartant les défenseurs centraux et en plongeant dans l’espace entre les deux. Et il n’a pas besoin d’entrer souvent en possession du ballon pour être bien dans le match. Dost adresse rarement plus de 20 passes durant une rencontre. Un effort minimal pour un rendement maximal. Il fait plus avec moins.

Pourtant, lorsqu’il se remémore sa deuxième saison en terre lusitanienne, ce ne sont pas ses 23 buts qui lui viennent en tête. Le président mégalomane Bruno de Carvalho en veut à ses joueurs d’avoir laissé échapper un ticket pour le tour préliminaire de la Champions League lors de la dernière journée contre le Maritimo Funchal.

Il est fou de rage et traite ses joueurs d’  » enfants gâtés  » sur Facebook. Le Donald Trump du football, a écrit The Independent. Sa réaction ?  » Je ne suis pas blond et ma femme est plus jolie.  »

Deux jours après l’affront, 50 Ultras pénètrent dans le centre d’entraînement du Sporting. Armés de sangles, de bâtons, de flambeaux et de couteaux, ils s’en prennent aux joueurs. C’est à cause d’un coup de sangle que Dost porte un bandeau autour de la tête. Les photos de cette blessure font le tour du monde et il devient le symbole de la violence des supporters.

Renard des surfaces

D’autres joueurs reconnaissent qu’ils ont craint pour leur vie. Et un préparateur physique quitte le monde du football où il a exercé pendant 25 ans. Traumatisé, il a repris du service comme professeur d’éducation physique.

 » Chaque fois que je fais un cauchemar, la nuit, je pense à la guerre en Irak « , témoigne l’homme dans les médias portugais. Le président De Carvalho considère cette attaque comme  » ennuyeuse « , mais  » la criminalité fait partie de ce monde.  »

Au Portugal, ils sont nombreux à penser qu’il a lui-même commandité l’attaque. Une opinion confortée par le fait que la police l’arrête en novembre et qu’il doit se justifier pour des faits de terrorisme et près de 100 autres faits punissables.

Quelques jours après cette attaque, le Sporting s’incline en finale de la Coupe du Portugal et Dost manque ce fameux but tout fait évoqué dans le premier paragraphe. Il avait donc droit à des circonstances atténuantes. Un an plus tard, presque jour pour jour, Dost inscrit son tout dernier but pour le Sporting contre Porto, de nouveau en finale de la Coupe. Une finale cette fois gagnée.

À l’Eintracht Francfort, qui a perdu durant l’intersaison ses buteurs attitrés Jovic et Haller qui valaient 47 buts à eux deux, il ouvre son compteur-buts après 11 minutes.

Il a inscrit ses deux buts dans le petit rectangle, en une touche de balle. Un vrai renard des surfaces. En espérant que Vanheusden et Laifis sauront le museler.

Par Tom Peeters

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