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Thorgan Hazard vu par ses potes: « Il a préparé sa vie de footballeur avec un grand sens du devoir »

Thorgan Hazard entame sa huitième saison en Bundesliga ce samedi avec le Borussia Dortmund. Retour sur la vie d’un footballeur qui a trimé pour sortir de l’ombre de son frère, à travers le regard de ses deux amis Quentin Vanderbercq et Michaël Marcou.

Au cours du premier semestre de cette année, le football est devenu accessoire au RCS Brainois, pensionnaire de division trois, dont le stade porte toujours le nom de l’ancien coureur de fond Gaston Reiff. Depuis la mi-mars, le hall omnisports situé à côté s’est transformé en un centre de vaccination qui peut recevoir 500 personnes par jour. Fin juin, cependant, le roi football a effectué son grand come-back sur le site, grâce au RWDM, qui évolue en D1B. Et bientôt, les supporters brainois pourront assister à des matches entres des clubs fusionnés aux noms à rallonge: Union Royale Namur – Fosses-La-Ville, Renaissance Mons 44 et CS Pays Vert Ostiches Ath. C’est dans ce décor agréable que Quentin Vanderbercq et Michaël Marcou s’ouvrent rapidement et racontent des anecdotes sur Thorgan Hazard. L’un joue à l’Olympic de Charleroi, l’autre est lié aux Hazard par son père, qui n’est autre que le frère de la maman Hazard. Il est également le team manager du RWDM et on l’appelle souvent Pascal le grand frère. Il a surtout été le témoin privilégié de la montée en puissance du deuxième footeux du clan Hazard. « Eden fréquentait plutôt ma grande soeur, tandis que j’étais souvent avec Thorgan », raconte Vanderbercq. « Nous nous sommes un peu perdus de vue quand il a rejoint Lens, à quatorze ans, mais nous avons renoué depuis. Je suis d’ailleurs le parrain d’une de ses filles. »

J’ai l’impression qu’il a préparé sa vie de footballeur et de père de quatre enfants avec un grand sens du devoir. »

Marcou

Thorgan a quatre filles et Eden quatre fils. Quel est le secret de ces grandes familles?

QUENTIN VANDERBERCQ: Eden voulait peut-être une fille et Thorgan un fils ( Il rit). On a tous grandi dans des familles nombreuses, en fait, et on reproduit inconsciemment le schéma parental. Thierry Hazard a trois frères et une soeur, et sa femme Carine a grandi dans une famille de cinq enfants. Et puis, Thorgan et Eden peuvent se permettre d’entretenir une famille nombreuse. Thorgan aime être entouré. En vacances, il adore voir ses filles jouer avec les enfants d’Eden et de Kylian.

MICHAEL MARCOU: Les vacances sont dédiées aux enfants. Ils cherchent des hôtels pourvus de plaines de jeux et de piscines pour enfants. Ça résume parfaitement leur style de vie. C’était déjà pareil quand ils étaient petits: une poignée d’adultes s’occupait d’une volée d’enfants.

« Il s’est transformé en véritable machine de guerre allemande »

Vous avez vu Thorgan passer de l’enfance à l’âge adulte. Comment cela s’est-il passé?

MARCOU: Il est toujours aussi exigeant envers lui-même qu’avant. Mais contrairement à ses frères, et ce n’est pas une critique envers eux, Thorgan garde les pieds sur terre. Eden et Kylian sont un peu fantasques, parfois foufous. Thorgan est un métronome. Sa maturité m’a frappé dès son plus jeune âge. À six ans, il réfléchissait comme un enfant de neuf ans. À quinze ans, il ressemblait à un jeune de 18 ans, voire plus. Il a toujours eu de l’avance sur ses camarades sur le plan mental. Tout ce qui s’est produit dans sa vie est la suite logique de ce qu’il a réalisé par lui-même. Ça sonne comme un cliché, mais c’est la vérité. J’ai l’impression qu’il a préparé sa vie de footballeur et de père de quatre enfants très soigneusement. Il a peut-être sauté quelques paragraphes en cours de chemin, mais il a assimilé les leçons de son père. En fait, Thorgan est une copie de Thierry. « Je n’écarte pas ma femme, mais je dois contrôler la situation. Je dois être le pilier de la famille. » C’est le raisonnement de Thorgan.

Comment est l’homme derrière le footballeur?

VANDERBERCQ: Thorgan adore plaisanter, mais il n’étale pas sa vie, pas plus qu’il ne se confie au premier venu. Il préfère les actes aux paroles. Il ne dira rien, mais il fera en sorte qu’il se passe quelque chose.

MARCOU: Ce n’est pas quelqu’un d’extravagant. Même quand il était petit, je ne l’ai jamais vu fêter un but de manière théâtrale. Je me rappelle son premier but en première division, contre Charleroi. Il a placé le ballon entre les jambes de Parfait Mandanda sur une passe de Franck Berrier. À l’issue du match, il a dit: « Ce n’est pas seulement mon but, car Berrier m’a délivré la passe décisive. » Thorgan, c’est le flegme incarné.

VANDERBERCQ: Il était content d’avoir marqué contre le Portugal, mais encore plus de voir les Belges surfer sur le succès de l’équipe. Son premier geste après le match a été de téléphoner à ses filles. Il aime voir les autres heureux.

MARCOU: Sa vie a tellement changé qu’il lui est devenu difficile de faire plaisir à tout le monde et de répondre à toutes les sollicitations. Quand 552 supporters font la file, en équipe nationale, pour un autographe, il doit dire stop après le 550e. Ce n’est pas son truc. Il ne raffole pas non plus des conférences de presse, même s’il tire mieux son plan qu’avant.

Que retenez-vous de son EURO?

MARCOU: Tous ceux qui ont suivi Belgique-Portugal pour voir un but de Cristiano Ronaldo connaissent maintenant Thorgan, car en plus de son but, il a disputé un super match. Il a été nettement meilleur que certaines vedettes du Portugal.

VANDERBERCQ: Les vrais connaisseurs savaient déjà qui il était. Tout footballeur normal ferait des folies après avoir inscrit un but en huitièmes de finale d’un EURO contre le Portugal, mais Thorgan trouvait qu’Eden avait été l’homme du match. Il n’est pas non plus de ceux qui racontent à toute leur liste de contacts qu’ils viennent de signer à Dortmund. Son père a coutume de dire: « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Tous les frères appliquent cette leçon. Peu de gens savent à quoi ressemble la femme de Thorgan ou comment elle s’appelle. Il protège sa vie privée.

La carrière de Thorgan n’a pas été aussi linéaire qu’on pourrait le croire. N’a-t-il pas douté de lui-même, à un moment donné?

VANDERBERCQ: On ne lui a pas fait de cadeau. On était présents quand Eden a marqué son premier goal pour Lille. On était fous de joie et Thorgan voulait suivre ses traces, mais au début, ça n’allait pas. Le fossé était trop grand entre le centre de formation et le noyau A de Lens. Son talent n’était pas en cause. Lens luttait contre la relégation et dans ces conditions, l’entraîneur ne pouvait se permettre de lancer quelques jeunes. Il a quitté Lens pour tenter sa chance à Zulte Waregem. Combien de jeunes n’ont pas disparu au terme de leur formation? Thorgan a refait surface. Il lui a fallu deux saisons pour trouver ses marques au Borussia Mönchengladbach, mais ensuite, il s’est transformé en véritable machine de guerre allemande. Il a dû se battre contre les préjugés à chaque étape de sa carrière. À chaque transfert, les gens pensaient qu’il avait atteint son plafond, mais chaque fois, il s’est surpassé. Il a prouvé à l’EURO qu’il avait la classe mondiale.

Après le match contre le Portugal, son premier geste a été d’appeler ses filles. Il aime rendre les autres heureux. »

Quentin Vandenbercq

« Si Thorgan part, ce sera plutôt pour l’Espagne »

Un moment de sa carrière ressort-il vraiment?

VANDERBERCQ : La première fois que je l’ai vu monter sur le terrain pour un match de Ligue des Champions, Séville Borussia Mönchengladbach, le 15 septembre 2015. Je me rappelle tous ces soirs passés devant la télévision, à écouter l’hymne. Il y a aussi ce but contre le Portugal, dont on parlera encore longtemps. Je lui ai envoyé un message: « Tu te rends compte qu’avant, on suivait l’EURO ensemble, et que tu viens de marquer dans ce tournoi? Jamais j’aurais pu imaginer ça. » C’est ce qui rend tout si beau.

MARCOU: Si je dois choisir un événement, c’est le Soulier d’Or. J’avais assisté à ses débuts au Stade Brainois et d’un coup, il était là, avec le Soulier d’Or. Il n’avait même pas imaginé remporter ce trophée. Ce soir-là était aussi sous le signe de son transfert à Anderlecht. Le Sporting avait envoyé un communiqué à 17 heures pour annoncer que Thorgan allait signer son contrat le lendemain. Thorgan est zen et réaliste, il en faut beaucoup pour le décontenancer, mais la situation l’ennuyait. Pendant le gala, on n’a cessé de lui poser des questions sur Anderlecht alors que Franky Dury et le président de Zulte Waregem l’observaient, quelques pas plus loin.

Les agents ont été durs…

MARCOU: Il ne les aime pas trop. Ceux qui travaillaient avec Eden voulaient également s’occuper de Thorgan, mais il a toujours refusé, répétant qu’il n’avait pas besoin d’agent, puisqu’il avait son père. Certains transferts sont conclus derrière le dos d’un joueur, mais Thorgan a toujours décidé de sa destination.

VANDERBERCQ: On ne sait pas ce qu’il se serait passé s’il avait rejoint Anderlecht. Ou plutôt si: il aurait gagné le titre avec les Mauves. Son parcours lui donne raison. Il n’a pas quitté Zulte Waregem par la porte de derrière pour rejoindre le Borussia Mönchengladbach.

On dirait que Thorgan sent exactement de quel club il a besoin à chaque stade de sa carrière.

VANDERBERCQ: Il faut tenir compte du facteur chance en football. Mais choisir systématiquement le bon club au bon moment n’est plus qu’une question de chance. Quand il a opté pour Zulte Waregem, personne n’imaginait qu’avec Junior Malanda, Franck Berrier et Mbaye Leye, ils allaient jouer le titre. Ensuite, il a reçu des offres de Schalke 04 et de Valence, mais il a préféré le Borussia Mönchengladbach. Ce club avait un nom et terminait toujours dans la première colonne. Quand Thorgan y a joué, il n’a quitté le top 5 qu’à deux reprises. Après, il a voulu rester en Allemagne pour atteindre un palier. Ça s’est joué entre le Bayern et Dortmund.

Il aime l’Allemagne et pourrait très bien y achever sa carrière. »

Michaël Marcou

MARCOU: Dortmund émarge au subtop européen. Le Bayern appartient à une autre galaxie. Il faut vraiment être très fort pour y jouer, même si on est convaincu de ses qualités. On n’y a pas droit à l’erreur. À Dortmund, il a parfois été en méforme, mais il est resté dans l’équipe. Si ça lui était arrivé au Bayern, il aurait été écarté et oublié.

VANDERBERCQ: Il vit au jour le jour et soupèse le pour et le contre à chaque opportunité. Mais il aime l’Allemagne et il pourrait très bien y achever sa carrière. Je ne pense pas qu’on le verra un jour en Premier League. S’il part, ce sera plutôt pour l’Espagne. À moins qu’on ne le voie jouer en Chine dans quelques mois avec Marouane Fellaini.

« En foot, tout se passe entre les deux oreilles »

Son rêve ultime est d’achever sa carrière avec ses frères au Stade Brainois, l’équipe dont son père est l’âme depuis des années. Est-il réalisable?

VANDERBERCQ: Si c’est le cas, ce sera surtout pour la troisième mi-temps à la buvette! Oui, Thorgan gagne beaucoup d’argent, mais il a consenti énormément de sacrifices pour cela, et ce depuis l’âge de six ans. Comptez le nombre de séances effectuées depuis. En pleine puberté, il voyait ses amis sortir à gauche et à droite alors qu’il devait gentiment rester à la maison en attendant le prochain entraînement. Tout se passe entre les deux oreilles, en fait.

Ne pas sortir, déménager au centre de formation de Lens, être père à vingt ans. Thorgan n’a-t-il jamais donné l’impression d’avoir sacrifié une partie de sa jeunesse?

VANDERBERCQ: Il a suivi le modèle parental. C’est à dire épouser la femme dont il a fait la connaissance à l’âge de quinze ans et avoir des enfants très tôt. Il estime avoir suivi la bonne voie. Il a une belle carrière et une vie de famille saine. Que demander de plus?

MARCOU: Thorgan mène une vie familiale et professionnelle que beaucoup de gens lui envient. Il est le numéro 10 de Dortmund, il joue en équipe nationale et a quatre enfants en pleine santé. J’aurais été prêt à « sacrifier » ma jeunesse pour obtenir tout ça. Si c’est la recette magique, beaucoup de jeunes vont cesser de sortir entre 18 et 24 ans. ( Il rit) Savez-vous ce qui fait son bonheur? Le jour où il ne se rendra plus compte de sa chance, ses parents le secoueront.

« Peu de gens savent que je suis le cousin de Thorgan »

QUENTIN VANDERBERCQ: On ne m’associe jamais à mes neveux, puisque je n’ai pas le même nom de famille. Suis-je heureux de ne pas m’appeler Hazard? Disons que seules les personnes qui me connaissent bien savent que je fais partie de la famille. Je ne m’en suis jamais vanté, même si on est étroitement liés. On est souvent partis en vacances ensemble et le dimanche, on participait ensemble aux courses à pied locales dans le Brabant Wallon et le Hainaut. Nos parents couraient dix kilomètres et on participait à la course pour enfants. Thorgan et moi sommes devenus rivaux dans cet exercice ( Il rit). C’était une concurrence saine. On se motivait mutuellement et on se partageait les deux premières places. On était fâchés quand on était deuxièmes. J’ai de bons souvenirs d’une course à La Louvière, sur quelques kilomètres. Thorgan et moi y avons participé de la première à la sixième année et j’ai gagné toutes les éditions, sauf la dernière où Thorgan m’a battu. D’après lui, seule la dernière course compte et ce résultat efface toutes mes victoires…

« De premier coach à baby-sitter »

MICHAËL MARCOU: J’ai été témoin des premières passes de Thorgan sur un terrain de football. Il a commencé à jouer alors que j’étais devenu entraîneur des jeunes du Stade Brainois. J’avais seize ans et pas encore de permis de conduire. Comme j’habitais à cinq cents mètres de chez les Hazard, je pouvais souvent faire les trajets avec eux. Je connaissais Thierry Hazard de nom, car il était connu dans la commune et il avait joué au Stade Brainois. Je savais également qu’il était professeur d’éducation physique. J’étais passionné par tout ce qui concernait la formation des jeunes et je n’aurais pas pu avoir meilleur professeur que Thierry. J’ai profité de son bagage pour progresser. Un jour, Thierry m’a demandé si je voulais gagner un peu d’argent de poche en surveillant les petits. Ils étaient souvent en route et avaient besoin d’une personne de confiance. Je voyais Thorgan à l’entraînement en semaine et je passais le samedi chez lui. Parfois, je devais m’occuper de deux garçons, mais ils étaient six quand leurs cousins venaient jouer. J’ai commencé à dormir là, on m’a confié une clé de la maison et en un rien de temps, je suis devenu le cinquième fils de la famille. J’ai donc assisté de près à leur montée en puissance et j’ai été témoin de leurs plus grands moments sportifs. »

Michaël Marcou (à gauche) et Quentin Vanderbercq (à droite), ici devant la pelouse du stade Gaston Reiff de Braine-l'Alleud, ont été des témoins privilégiés de la montée en puissance de Thorgan Hazard.
Michaël Marcou (à gauche) et Quentin Vanderbercq (à droite), ici devant la pelouse du stade Gaston Reiff de Braine-l’Alleud, ont été des témoins privilégiés de la montée en puissance de Thorgan Hazard.© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS
Thorgan Hazard vu par ses potes:
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