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Sven Kums : opération Russie

Après quelques mois difficiles, Sven Kums a trouvé ses marques à Anderlecht. Avec un brin de chance, il peut même entrer en ligne de compte pour le Mondial russe. Récit du début pénible et du brillant come-back du Pirlo belge.

Septante mètres séparent Sven Kums du tunnel des joueurs de l’Allianz Arena à Munich. Le martyre du médian, exclu quelques secondes plus tôt pour une faute professionnelle sur Robert Lewandowski, semble durer une éternité. En chemin, Kums jette encore un oeil sur l’immense écran pour revoir la fameuse phase. Un peu plus loin, René Weiler ne lui accorde pas un regard. Le Suisse est en concertation avec son adjoint Thomas Binggeli. Au coup de sifflet final, René Weiler s’attire les foudres générales.  » Avec son expérience, il n’aurait pas dû commettre cette faute. Surtout pas aussi tôt dans le match. Kums n’est en effet pas un défenseur mais un médian central doit être capable de jouer en défense. Bah, c’est du pain béni pour la presse. Comme ça, elle peut continuer à critiquer des choses qu’elle ne comprend pas.  »

Ce 12 septembre, c’est tout juste si Kums n’est pas KO. Son père doit lui remonter le moral. Ludo Kums y parvient par un message simple :  » Sven, ça va changer et en mieux, de toute façon.  » On serre les rangs et le premier tournant est un fait. Cinq jours plus tard, Kums poste une photo de lui sur Instagram. Il apparaît dans la très chic Up-site Tower à Tour & Taxis, avec le quartier Nord en arrière-plan. Le texte est une ode à la capitale : Bruxelles, ma belle ! Bruxelles, ma ville ! La mise en scène destinée à ses 22.000 abonnés est parfaite. Quelques heures après ce message, Weiler jette l’éponge.

Septembre noir

Son exclusion face au Bayern.
Son exclusion face au Bayern.© BELGAIMAGE

Le véritable tournant se produit un mois plus tard sur le terrain de Malines, à l’occasion du premier match de son mentor Hein Vanhaezebrouck. Là, le médian met un terme à son Black September. Kums n’a été sur le terrain que dix minutes, contre le Bayern, et 90 en Coupe de Belgique face à Westerlo sur les six matches disputés ce mois-là. Il n’a pas été repris dans la sélection contre Lokeren, il a poireauté 90 minutes sur le banc à Courtrai et à Waasland-Beveren et était suspendu contre le Celtic. Cette période noire le ronge manifestement.

Kums s’était imaginé autrement son retour au Parc Astrid. Il est lâché sans parachute dans une équipe qui vient de fêter le titre et il a besoin de temps pour se faire accepter par le groupe. En plus, Weiler a le sentiment que la direction lui impose des joueurs qui conviennent moins bien à son système, ce qui n’arrange rien. Kums lui-même n’est pas à l’aise dans le football du Suisse et est irrégulier.

 » Pourtant Sven n’a jamais tenté d’en attribuer la responsabilité à Weiler. À sa façon, il était certainement un bon entraîneur « , raconte Ludo Kums.  » Weiler appréhende le football d’un autre oeil que Sven mais je ne pense pas qu’il avait quelque chose contre lui personnellement. Du moins, je l’espère. La situation n’était pas facile pour l’entraîneur non plus. Il ne peut pas placer un joueur qui a coûté autant au club sur le banc comme ça. Mais qui dit qu’ils ne se seraient pas trouvés ? Le déclic se serait peut-être fait un jour.  »

Kums espérait que le Sporting développe un football plus flamboyant cette saison mais Weiler s’accrochait tant à sa conception du jeu qu’il n’a pas pris la peine de placer d’autres accents. Pourquoi changer un système qui a permis de remporter le titre quelques mois plus tôt ? Weiler a opté pour le statu quo. Alors qu’il est synonyme de recul. René Weiler ne pouvait donc pas gagner sa bataille contre Kums et le football qu’il personnifie. L’ancien Buffalo a été engagé en guise de directeur artistique, d’homme qui doit avoir des idées, des concepts et qui détermine le déroulement du match.

Mouscron, le déclic

Face à Mouscron, le déclic.
Face à Mouscron, le déclic.© BELGA

Kums se décrit lui-même comme un joueur qui aime avoir le ballon, déterminer le rythme du jeu et permettre à ses coéquipiers de mieux joueur. Ces missions priment sur ses statistiques personnelles.  » Sven ne doit pas être plus décisif « , remarque Matz Sels.  » Il n’est pas un numéro dix et ne joue pas tout près des avants. Il lui est donc difficile de délivrer des assists ou de marquer.  »

La grandeur a un prix, celui des responsabilités. Kums les assume. La semaine passée, contre le Bayern, il a servi les Mauves, il les a calmés. Il a dû réconcilier deux tendances au sein de l’équipe. Une partie voulait défendre le 1-1 et est restée dans les parages du rectangle. Les autres pensaient pouvoir faire mieux qu’un nul et misaient sur les trois points.

 » En première mi-temps, on a dépensé beaucoup d’énergie en effectuant un pressing très élevé. On ne peut pas tenir ce rythme pendant 90 minutes. Il faut aussi essayer de casser le rythme d’un tel match. C’est un peu ma tâche. C’est à moi de voir quand on doit accélérer ou pas.  »

Revenir à Anderlecht n’a pas été facile mais Sven Kums se défait progressivement de son irrégularité. Vanhaezebrouck affirme avoir vu le meilleur Kums de la saison contre l’Excel Mouscron.  » Je connais bien Sven. Je savais donc qu’il aurait besoin de temps pour retrouver sa meilleure forme. Il l’approche. Une fois à son niveau, il la conservera longtemps.  »

Le Sven de Gand

Avec Laurent Depoitre et les Diables.
Avec Laurent Depoitre et les Diables.© Isosport

Ce n’est pas un hasard si le médian se fait plus constant depuis quelques semaines. Vanhaezebrouck a une grande part dans son come-back. Kums a retrouvé un allié loyal en HVH.  » Un entraîneur doit avoir une vision claire. C’est le cas de Vanhaezebrouck. Il veut être dominateur, posséder le ballon et presser haut.  » Kums a surtout retrouvé sa joie de jouer. Si son langage corporel est l’étalon de sa forme, on peut dire qu’on retrouve petit à petit le vieux Kums.

 » Tout le monde se rend compte que Sven se sent mieux « , commente Sels.  » Sven n’était pas moins bon footballeur que maintenant en début de saison mais il manquait d’assurance. Son assist contre Mouscron montre qu’il retrouve son meilleur niveau. Il va encore être très précieux pour Anderlecht.  »

Ludo Kums n’a jamais douté que son fils émergerait.  » Quatre paramètres sont importants : la technique, le physique, l’intelligence et la confiance. L’intelligence et la technique ne se perdent pas. Sven manquait de rythme car il n’avait pas beaucoup joué à Udinese depuis janvier. Et il jouait sans confiance. Or, tous les footballeurs en ont besoin. Depuis quelques semaines, je revois le Sven de Gand. Dommage que la presse ait douté de lui aussi vite.  »

Pourquoi Kums ne pourrait-il pas rêver d’une sélection pour le Mondial russe ? À l’exception de Youri Tielemans, la concurrence dans l’entrejeu est la même qu’en 2015. Marc Wilmots avait repris Kums et un autre Gantois, Laurent Depoitre, pour les matches contre l’Italie, Andorre et Israël, mais il n’avait pas décollé du banc. Il devait être titularisé lors du match amical contre l’Espagne, reporté à cause des attentats terroristes. Il refuse de se considérer comme international tant qu’il n’a pas joué. Il vient de reconnaître que ne jamais se produire pour l’équipe nationale constituerait une tache dans sa carrière.

Un vrai gars

Le joueur a confié à son entourage qu’il ne faisait pas encore une croix sur les Diables. C’est pour ça qu’il a rejoint Anderlecht. Udinese ne se fait pas beaucoup remarquer et il lui aurait été quasi impossible de rejoindre le groupe en restant dans la Botte.  » Dennis Praet a un mal fou à être sélectionné alors qu’il se produit pour la Sampdoria, qui a une meilleure équipe qu’Udinese » , relève Ludo Kums.

 » Si Sven continue à jouer comme contre le Bayern ou qu’il égale le niveau atteint à Gand, il peut encore avoir une chance d’être sélectionné, même si le temps presse. RobertoMartinez connaît Sven mais ne l’a pas encore vu jouer en équipe nationale. Il doit donc baser son jugement sur les matches d’Anderlecht cette saison. Sven fait de son mieux. S’il échoue, ce ne sera pas un drame. « 

Le clan Kums est déjà heureux que Sven, éclos sur le tard, soit allé aussi loin. Ludo Kums :  » J’envoie un SMS à Sven avant chaque match. Parfois, je lui souhaite bonne chance, parfois je le titille. Avant le match contre Courtrai, je lui ai écrit : – Tu as été formé par Anderlecht pendant des années mais tu viens à peine de devenir un vrai gars. Tout ça pour dire à quel point il a progressé sur le plan physique.  »

Kums : MVP d’Anderlecht – Bayern

Sven Kums (en duel face au médian du Bayern, Arturo Vidal) a retrouvé tout son allant depuis qu'Hein Vanhaezebrouck a relayé René Weiler à Anderlecht.
Sven Kums (en duel face au médian du Bayern, Arturo Vidal) a retrouvé tout son allant depuis qu’Hein Vanhaezebrouck a relayé René Weiler à Anderlecht.© belgaimage

Mercredi dernier, sur base des statistiques, Sven Kums a été le meilleur joueur du stade Constant Vanden Stock. Le médian de 29 ans a délivré 74 passes au total. Seuls Corentin Tolisso (81) et Joshua Kimmich (75) ont fait mieux. Sur les 74 passes, il en a délivré trente dans le dernier tiers du terrain. Même côté bavarois, nul n’a fait mieux. Après nonante minutes, Kums était premier au classement des longues passes réussies : dix.

Avec un taux de réussite de 93 %, Kums n’est surpassé que par SebastianRudy (95%) et Niklas Süle (94%). À Anderlecht, Kara Mbodji (85%) et le capitaine Sofiane Hanni (84%) se sont approchés de ses chiffres mais ils n’ont atteint qu’un tiers du nombre de passes de Kums.

C’est Kums qui a reçu le plus de ballons côté anderlechtois (57). C’est comme si Hein Vanhaezebrouck n’avait donné qu’une consigne aux dix autres joueurs : passer le ballon à Kums. Massimo Bruno illustre parfaitement la situation. Pendant ses 22 minutes de jeu, il a servi un coéquipier à sept reprises. Kums a reçu le ballon cinq fois. Adrien Trebel (45) et Dennis Appiah (41) sont sur la photo-finish car ils occupent un rôle proéminent dans le système de Vanhaezebrouck.

Par Alain Eliasy

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