© BELGAIMAGE

Standard: pourquoi l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Ils avaient une grosse cote chez nous, ils rament un peu / complètement à l’étranger. Comment ? Pourquoi ? Marin est l’exemple le plus frappant, il y a aussi Halilovic, Djenepo, Agbo,… Et un Standard gagnant sur tous les tableaux.

Tout va bien pour Memo Ochoa. Il est redevenu un dieu dans le club de ses débuts professionnels, l’América Mexico. Le Standard a encore su tirer un million d’euros en le laissant rentrer au pays et aligne maintenant un jeune de la maison, Arnaud Bodart, qui fait très bien le boulot. La bonne affaire.

Ça se passe bien aussi pour un autre joueur parti cet été : Milos Kosanovic joue tout avec son club à Abu Dhabi – il ne manquerait plus que ça -. Valerii Luchkevych a trouvé un gros temps de jeu (notamment en Europa League dans le groupe de Gand) dans son nouveau club ukrainien, Oleksandria. Et même Carlinhos, souvent raillé chez nous, est redevenu un vrai joueur de foot qui monte régulièrement sur le terrain dans le championnat portugais, avec le Vitoria Setubal.

Par contre, pour d’autres gars qui ont quitté le Standard cet été, notamment des piliers, c’est beaucoup plus compliqué. On s’intéresse aux raisons de leur échec momentané et au vide qu’ils ont laissé (ou pas) dans l’équipe de Michel Preud’homme.

Marin : c’est tiède

Le fameux 4-4 sur le terrain de Chelsea, la semaine dernière, Razvan Marin pourra toujours dire :  » J’y étais.  » Mais il a passé les 90 minutes sur le banc, comme lors des trois rendez-vous précédents de l’Ajax en Ligue des Champions. Il avait eu sa chance lors des tours préliminaires mais il n’avait pas impressionné. Et en championnat, il tourne à une moyenne de 30 % du temps de jeu maximum possible. Ça fait tache pour un joueur qui a coûté près de 13 millions.

Jusqu’ici, ses matches complets se comptent sur les doigts d’une main. Alors que les attentes étaient énormes. Quand il reçoit sa chance, il est rarement convaincant. D’abord, il doit se battre face à une ombre : Frenkie de Jong. Un des héros de la campagne 2018-2019 en Ligue des Champions. Marin est quelque part censé remplacer ce héros parti à Barcelone. Il a directement signalé qu’il n’était pas exactement le même type de joueur.

Et il y a du monde pour occuper sa place de prédilection dans le milieu du jeu : Lisandro Martinez, Edson Alvarez, Donny van de Beek, Quincy Promes. Tous des gars qui ont déjà leur petite réputation aux Pays-Bas, ce que Marin n’a pas encore. Et quand le coach, Erik ten Hag, a fait monter dans l’entrejeu deux joueurs normalement destinés à la ligne défensive (Alvarez et Martinez), ce fut un affront de plus pour le Roumain.

 » Je ne reconnais pas du tout le joueur que j’admirais dans le championnat de Belgique « , dit Aad de Mos.  » C’est en partie dû au fait que les deux équipes ne jouent pas de la même façon. Marin est le plus efficace quand il peut faire des navettes entre les deux rectangles, comme il le faisait en Belgique. Ce n’est pas ce qu’on lui demande à l’Ajax et il est un peu désorienté. Je vois un joueur en panne totale de confiance, c’est frappant.  »

Un changement de rôle qui se fait dans la douleur, c’est confirmé dans la presse hollandaise par Aron Winter, ancien de la maison et adjoint d’Erik ten Hag la saison dernière :  » L’Ajax est un club très particulier où on insiste énormément sur le bon positionnement. Ça demande une adaptation et c’est encore plus compliqué quand on arrive d’un autre championnat. Donc Marin a besoin de temps, mais si ça dure trop longtemps, il y a d’autres gars qui saisissent leur chance. La concurrence est terrible.  »

Razvan Marin rappelle qu’au Standard aussi, il avait eu besoin de quelques mois pour entrer définitivement dans l’équipe. Mais en étant le joueur roumain de l’année en titre, et un des 10 transferts les plus onéreux de l’histoire de l’Ajax, il sait que ça ne peut pas durer des lunes.

Pourquoi il manque au Standard / ou pas.

Le Standard a touché le jackpot en laissant filer Marin, et entre-temps, il n’y a pas d’incidence négative dans sa zone du terrain. Samuel Bastien, arrivé de Vérone pour cinq fois moins, réussit une saison de feu après un an d’apprentissage dans l’ombre du Roumain.

Djenepo : c’est tiède

Les Anglais sont vite tombés sous le charme de Moussa Djenepo et de ses grigris.
Les Anglais sont vite tombés sous le charme de Moussa Djenepo et de ses grigris.© BELGAIMAGE

Les premiers pas de Moussa Djenepo sur les terrains de Premier League ont justifié le prix de son transfert (15 millions) et même – à la limite – la commission de Mogi Bayat (1 million). Trois morceaux de matches entre mi-août et mi-septembre, deux buts dont le seul du match à Sheffield. Et une première consécration individuelle. Le communiqué officiel : Moussa Djenepo’s stunning solo effort against Sheffield United has been named as the Premier League Goal of the Month for September.

L’Angleterre est vite tombée sous le charme du Malien et de ses grigris. Jusqu’à une blessure à la jambe qui lui a fait rater cinq rendez-vous d’affilée en championnat. La presse a alors relevé que, sans lui, Southampton n’arrivait plus à gagner. Le point positif : cette absence lui a permis de ne pas être sur le terrain lors de l’affront historique à domicile contre Leicester (0-9).

 » On a commencé à se demander s’il n’y avait pas une Djenepo-dépendance à Southampton « , note Luke Osman, du site readsouthampton.com.  » Ce n’est pas habituel qu’un joueur aussi jeune passe pour le gars le plus important de son équipe, surtout lors de sa première année en Premier League. C’est pourtant ce que Djenepo était occupé à faire. Il y a par exemple eu un déplacement à Tottenham sans lui, au début de son indisponibilité. Southampton a perdu 2-1 mais on a entendu qu’avec Djenepo dans l’équipe, les choses auraient pu tourner autrement. C’est révélateur.  »

Moussa Djenepo parle d’un  » rêve devenu réalité  » quand il évoque sa vie anglaise. Son coach qu’on a bien connu chez nous, Ralph Hasenhüttl, en a plein la bouche quand il évoque à la fois son niveau technique et sa mentalité.  » Il nous avait impressionnés quand il était au Standard. La façon dont il a su s’adapter rapidement au football européen, l’impact qu’il avait dans beaucoup de matches, c’était épatant.  »

Pourquoi il manque au Standard / ou pas.

Les stats de Moussa Djenepo la saison dernière ont bien contribué à l’intérêt d’un club comme Southampton : 11 buts et 6 assists en totalisant les matches de championnat et de Coupe d’Europe. Mais aujourd’hui, on n’entend plus son nom à Liège. Parce qu’il y a aussi fort et aussi régulier à son poste. C’est surtout Maxime Lestienne qui s’y colle. Parfaitement. L’argent de Djenepo est dans les caisses et Lestienne n’est pas un joueur hors de prix (montant du transfert ou salaire). Et puis il y a du très bon matos pour prendre le relais si le Mouscronnois n’est pas là : Paul-José Mpoku, Mehdi Carcela, Aleksandar Boljevic, Anthony Limbombe. En un mot, le Standard a fait une affaire en or.

Agbo : c’est froid

Uche Agbo a un gros physique mais moins de technique que la moyenne des joueurs portugais, ça joue contre lui.
Uche Agbo a un gros physique mais moins de technique que la moyenne des joueurs portugais, ça joue contre lui.© BELGAIMAGE

Eté 2017. Ricardo Sa Pinto vient de poser ses valises à Liège. Il rencontre un journaliste belge qu’il côtoie depuis son passage comme joueur au Standard. Ils discutent de plein de choses et, subitement, en parlant d’Uche Agbo, il lâche :  » Celui-là, il a les pieds carrés, je ne crois pas du tout en lui.  » Le Nigérian va vite lui donner tort et accumuler beaucoup de temps de jeu.

Pas étonnant, finalement, que Sa Pinto l’ait attiré (en prêt) à Braga dans les dernières heures du mercato de cet été. Seulement voilà : jusqu’ici, Agbo vit en dehors de l’équipe.  » Il était un peu blessé quand il est arrivé, et après ça n’a jamais voulu tourner pour lui « , explique Pedro Costa, journaliste pour le quotidien O Jogo.

 » Déjà, il a été pénalisé par le fait que la plupart des médians de la saison passée sont restés, et Braga a fait un tout bon parcours avec eux en terminant juste derrière les trois grands traditionnels. Son arrivée s’est aussi faite dans une période où l’équipe tournait bien en Europa League, donc Sa Pinto n’avait pas trop de raisons de changer. Et puis Braga joue généralement avec un seul pur médian défensif, et celui qui occupe la place, João Palhinha, est un pilier de l’équipe et un de ses meilleurs joueurs.  »

Tout ça fait que l’Africain, que Sa Pinto voit aussi bien en 8 qu’en 6, a dû attendre fin octobre pour célébrer ses premières minutes en Europa League et début novembre pour apparaître enfin, trois mini-minutes, en championnat.  » Il a un gros physique mais moins de technique que la moyenne des joueurs portugais, ça joue aussi contre lui « , poursuit Pedro Costa.

 » C’est trop tôt pour dire que son prêt est un échec mais il a encore un gros boulot à faire pour que ça soit une réussite !  » Et si Emmanuel Amunike, le Nigérian qui a porté les maillots de Barcelone et du Sporting Lisbonne, avait finalement raison ? C’est lui qui a lancé récemment :  » Uche Agbo va devenir très important pour Braga. N’importe quel club a besoin d’un joueur avec son profil.  » Mais le temps commence à presser, après le bilan très mitigé de son prêt au Rayo Vallecano en deuxième partie de saison dernière.

Pourquoi il manque au Standard / ou pas.

Ricardo Sa Pinto et Michel Preud’homme tenaient le même discours : Agbo pouvait être utile quand il fallait muscler le milieu du jeu. Aujourd’hui, c’est Gojko Cimirot qui fait la bonne opération dans le dossier du prêt du Nigérian. Cimirot est presque indéboulonnable et il connaît sa meilleure période depuis son arrivée au Standard. On ne peut pas parler de perte sportive.

Halilovic : c’est froid

Alen Halilovic :
Alen Halilovic :  » Mon parcours ressemble à celui de Luka Modric, je peux devenir aussi bon que lui. « © BELGAIMAGE

Alen Halilovic s’est mis une fois en évidence depuis son arrivée à Heerenveen, où il est prêté par l’AC Milan : le jour où il a dézingué le Standard dans une interview – notamment en parlant de  » menteurs  » qui n’auraient  » pas tenu certaines promesses.  » – Pour le reste, il se contente de morceaux de matches et de cotes décevantes. Il est obligé de redescendre dans l’équipe B pour jouer de temps en temps des rencontres complètes.

Pour lui, ça commence déjà à sentir le flop de plus. De trop ? Heerenveen après Barcelone, Hambourg, Milan, Standard. Mais pas de quoi entamer sa confiance pour autant. A ses débuts, à l’époque où il est devenu le plus jeune de l’histoire à se produire en Ligue des Champions avec le Dinamo Zagreb, on le qualifiait de Lionel Messi croate.

Aujourd’hui, lui-même se compare toujours aux plus grands. Il vise plus son compatriote Luka Modric :  » Je n’ai que 23 ans. Au même âge, Modric quittait seulement Zagreb. Il est parti à Tottenham et il en a bavé là-bas. Puis au Real, il ne jouait pas beaucoup non plus au début. Je peux arriver à son niveau.  » Il enchaîne avec ceci :  » Je veux devenir dès cette saison un des meilleurs joueurs du championnat des Pays-Bas. Après ça, je m’installerai où j’ai ma place : au sommet du foot européen.  »

Pourquoi il manque au Standard / ou pas.

La saison dernière, on l’a vu, un court temps, comme le possible futur animateur du jeu du Standard. Dans quelques matches, il a eu des éclairs. Mais ces éclairs étaient assez espacés et il n’est jamais parvenu à s’installer vraiment dans l’équipe. Entre-temps, le Standard a transféré Selim Amallah. Moins grande gueule mais bien plus efficace. Il y a aussi Mehdi Carcela pour faire le taf. Aucune perte sportive, donc, suite au départ du Messi du pauvre.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire