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Son Heung-min: le lapin Duracell de Tottenham

Suspendu au match aller, Son Heung-min (26) veut aider Tottenham Hotspur à renverser la situation ce mercredi soir à la Johan Cruijff ArenA et à qualifier le club anglais pour la première finale de Ligue des Champions de son histoire.

« Il est infatigable. On dirait le lapin Duracell : il n’abandonne jamais, il essaye, il essaye, il essaye encore et encore.  » Mauricio Pochettino ne tarit pas d’éloges. Depuis le mois de juin, Son Heung-min (26) a disputé trois tournois et plusieurs matches amicaux avec son équipe nationale. Il a aussi joué plus de quarante matches avec Tottenham Hotspur mais, à la fin mars, on aurait dit que le médian/ailier entamait à peine la saison. Il déboulait, dribblait, marquait et faisait marquer. Toujours avec le sourire. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi.

Fiche Son Heung-Min Date et lieu de naissance : 8 juillet 1992, Chuncheon (Kor)
Fiche Son Heung-Min Date et lieu de naissance : 8 juillet 1992, Chuncheon (Kor)

A l’été 2016, juste après la malheureuse élimination de son équipe face au Honduras aux Jeux Olympiques, le Sud-Coréen était en larmes. Il entrait dans le bureau de Pochettino et, après une saison à peine en Premier League, il demandait à pouvoir rentrer en Allemagne. Il estimait ne pas être fait pour le championnat d’Angleterre. En treize titularisations, il n’avait inscrit que quatre buts.

 » J’étais malheureux et je n’avais pas l’impression que le manager comptait sur moi. L’Angleterre, ce n’était pas pour moi.  » En Allemagne, son échec étonnait.  » Il est rapide et toujours un mouvement, c’est le prototype de l’attaquant moderne « , avait dit Franz Beckenbauer alors que, pour la troisième saison d’affilée (une à Hambourg et deux au Bayer Leverkusen), Son venait d’inscrire plus de dix buts. Seuls Robert Lewandowski, Thomas Muller et Max Kruse avait fait aussi bien.

C’est Thies Bliemeister, CEO de Sports United qui l’avait découvert à l’académie du FC Seoul et l’avait emmené à Hambourg à l’âge de 16 ans. Son père, Son Woong-jung, avait marqué son accord. Il avait joué en équipe nationale B de la Corée du Sud et était terriblement exigeant avec ses deux fils en matière de discipline.

Un vecteur de pénétration commerciale

Son Heung-min était plus doué que son frère aîné mais vivre en Europe, c’était encore autre chose. Il ne parlait ni anglais ni allemand et n’avait pratiquement pas d’ami.  » Quand j’allais lui rendre visite à l’académie, il n’était jamais dans sa chambre mais toujours dehors, en train de s’entraîner « , raconte son agent dans The Evening Standard.

La réputation du Sud-Coréen dépassait rapidement les limites de Hambourg. Après sa troisième saison sur les bords de l’Elbe, avec 12 buts à la clef, Tottenham Hotspur tentait de l’amener au nord de Londres mais son manager l’en empêchait – il estimait qu’à 21 ans, il était beaucoup trop jeune – et le dirigeait vers Leverkusen qui dépensait le montant-record de 10 millions d’euros pour acquérir ses services.

Il y avait une forte communauté sud-coréenne en Nord-Rhénanie-Westphalie et des centaines d’Asiatiques prenaient le chemin de la BayArena. Après les matches, ils faisaient patiemment des files de 70 ou 80 mètres pour un autographe ou un selfie. Quelques semaines après son arrivée, LG Electronics devenait sponsor du club pour trois ans et Son était nommé ambassadeur du géant sud-coréen de l’électronique, qui soutenait, en plus, une tournée royalement payée dans toute la presqu’île asiatique.

Après son départ de Leverkusen, LG n’allait pas prolonger le contrat mais ce n’était pas nouveau. Avant cela, l’équipe commerciale du HSV avait conclu un accord de deux ans avec Kumho Tyre – sponsor de Manchester United à l’époque où Park Ji-sung jouait à Old Trafford – mais le fabricant sud-coréen de pneus avait rompu unilatéralement le contrat après le départ de Son.

Depuis l’été 2016, on ne sera pas surpris d’apprendre que Kumho Tyre sponsorise… Tottenham Hotspur, qui a également des accords avec AIA – un groupe d’assurance-vie panasiatique – et FUN88 – agence de paris en Asie et en Amérique latine.

Le joueur asiatique le plus cher de tous les temps

 » Il a fortement contribué au succès de Tottenham mais son attitude dans la vie constitue également un atout commercial « , dit Simon Chadwick, professeur d’économie du sport à l’université de Salford. Il insiste sur l’importance du respect, écoute l’avis de ses parents et fait passer sa carrière avant tout. Ce sont des choses qui comptent en Asie. »

Après deux saisons à Leverkusen (29 buts et 11 assists), sa popularité explosait. En 2016, Tottenham dépensait plus de 30 millions d’euros pour faire de lui le joueur asiatique le plus cher de tous les temps mais il ne changeait pas. A l’antipode des joueurs européens ou sud-américains moyens – pas de coiffure extravagante, de tatouage, de bimbo à ses côtés ou de vie agitée – Son partage toujours un appartement trois chambres avec… ses parents.

Il est, de très loin, le sportif le plus populaire d’Asie. Depuis la médaille d’or aux Jeux Asiatiques, l’an dernier, il compte plus de suiveurs sur les réseaux sociaux que Shinji Kagawa (Besiktas), le joueur de basket Jeremy Lin (Toronto Raptors) ou les joueurs de tennis Naomi Osaka et Kei Nishikori.

De plus, grâce à cette victoire face au Japon, il a été exempté d’un service militaire de 21 mois qui, depuis des années, mettait sa carrière en danger. « Ce n’est pas pour cela que je voulais gagner », dit-il. « Je veux toujours être le meilleur et je veux qu’il en soit ainsi pour mon pays aussi », a dit Son, voici peu, lorsqu’il a été été Joueur de l’année lors des London Football Awards.

Un choix logique, pour le jury. Lorsque Harry Kane et Dele Alli ont eu des problèmes, le Sud-Coréen a multiplié les buts et les assists, hissant son équipe en demi-finale de la Ligue des Champions.

La patience récompensée

Ce soir-là, dans les salons de Battersea Evolution, Mauricio Pochettino a repensé à cette journée chaude d’août 2016, lorsque le Sud-Coréen le suppliait pratiquement de le laisser rentrer en Allemagne. « C’était plus qu’un entretien entre un manager et son joueur. C’était une discussion très humaine. Il avait des difficultés, certes, mais je lui ai dit que la vérité était celle du terrain. Celui qui mérite de jouer joue. Ce n’est pas une question de noms mais de prestations. Le temps était son allié. Quand vous voyez comment il joue aujourd’hui et le bonheur qu’il dégage… Ça valait la peine d’attendre. »

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