© GETTY IMAGES

Serie A: comment Max Allegri a bonifié la Juventus

Deux ans après son départ, Max Allegri est de retour sur le banc d’une Vieille Dame tombée de son trône italien. Le signe éloquent d’une révolution manquée.

Le 19 mai 2019, une ambiance étrange règne sur la pelouse du Juventus Stadium. La joie d un huitième sacre consécutif en championnat laisse vite place à la mélancolie. Alors que Storia di un grande amore résonne aux oreilles des supporters pour accompagner le dernier match de la saison, l’instant marque aussi la fin d un chapitre important. Un chapitre commencé cinq ans plus tôt, lorsqu’ Antonio Conte, l homme du renouveau de la Juventus, quitte ses fonctions et est remplacé par un certain Massimiliano Allegri. Ce soir du 19 mai 2019, des yeux humides trahissent la tristesse d un homme qui durant cinq ans, aura su garder la Juventus au plus haut niveau. Il quitte Turin couronné de succès. Après 268 matches et 192 victoires, il comptabilise le meilleur pourcentage de matches remportés pour un entraîneur dans l histoire de la Vieille Dame. Il aura remporté cinq Scudetti, quatre fois la Coupe d Italie ainsi que deux fois la Supercoupe. Il aura également atteint deux fois la finale de la Ligue des Champions, ce qui n’était plus arrivé depuis 2003. Alors que tout laisse penser à un adieu, Allegri le sait, ce n est qu un au revoir…

Au cours de sa carrière d’entraîneur, Massimiliano Allegri a plusieurs fois fait face à une équipe en reconstruction.

La tâche s’annonçait rude pour le remplaçant de Max. Le président Andrea Agnelli veut du changement. De nombreuses rumeurs envoient l’Espagnol Pep Guardiola du côté de Turin, mais c’est finalement Maurizio Sarri qui est choisi par la direction pour succéder au technicien livornese. En Italie, il est connu pour avoir mené d’une main de maître le Napoli pendant trois saisons marquées par un jeu attractif et comme étant le concurrent direct de la Juventus, alors seul maître du championnat italien. Après une saison à Chelsea où il remporte notamment l’Europa League, le mal du pays lui fait prendre la direction du Piémont. Dans le nord de la Botte, il doit combiner jeu d’équipe et individualités. Depuis toujours, Sarri privilégie le beau jeu aux résultats. Pour lui, « si on joue bien, on s’amuse et si on s’amuse, les résultats viennent par la suite ». Si cela avait fonctionné du côté de Naples, les joueurs turinois n’ont jamais réussi à s’adapter aux idées de Sarri. Ou peut être est-ce lui qui ne s’est pas adapté à ses joueurs. Bien que la saison se finisse par un neuvième Scudetto de rang, de nombreuses fébrilités sont les prémices de la fin d’une hégémonie. Sarri tire sa révérence seulement une saison après être arrivé. La cause principale serait une mauvaise atmosphère dans les vestiaires, mais aussi une élimination précoce face à Lyon en huitièmes de finale de Ligue des Champions qui ne passera pas auprès des tifosi bianconeri.

Au revoir Sarri, bonjour Pirlo.

C’est la sensation de l’été 2020 du côté du Piémont. Andrea Pirlo, frais détenteur du diplôme d’entraîneur, signe à la tête de l’équipe première. Beaucoup sont sceptiques quant à cette arrivée. Il faut dire que le pari est osé. Donner les rênes d’un club comme la Juventus à un entraîneur inexpérimenté, c’est audacieux. Mais l’idée d’Agnelli reste d’insuffler une nouvelle vision du football à une équipe en perte de vitesse. En conférence de presse, Il Maestro annonce la couleur. Sa vision repose sur un jeu rapide et vertical. Il déclare lors de sa première conférence de presse: « Je veux toujours avoir le ballon et lorsque je le perds, je veux le récupérer au plus vite. » Et cela se confirme lors du premier match contre la Sampdoria. Les hommes de Pirlo proposent un jeu attrayant et gagnent 3-0. Mais une année sur fond de crise sanitaire et une pré-saison quasiment inexistante auront raison de lui. La suite sera bien moins chatoyante. Plusieurs matches nuls se succèdent et la Juve n’arrive pas à trouver ses marques. Le milieu à deux mis en place par Pirlo ne convient pas aux joueurs turinois. Un milieu désorganisé fait sombrer l’équipe à plusieurs reprises. Malgré des résultats peu convaincants, le Lombard n’a cessé de croire en ses idées, peut-être en vain. À la fin de la saison, les Bianconeri finiront quatrièmes et arracheront à la dernière journée leur qualification pour la prochaine édition de la Champions League. Si le slogan  » Fino alla fine » (« Jusqu’au bout », en français) n’aura jamais eu autant de sens que lors de cette saison, Andrea Agnelli ne voit pas en Pirlo l’homme de la situation. Il remercie alors le champion du monde 2006 qui, tout comme son prédécesseur, conclut son histoire sur le banc noir et blanc après seulement une saison. Pour la troisième année consécutive, la Juventus va donc connaître un nouvel entraîneur… Du moins, c’est ce que l’on pensait.

Et si l’homme de la révolution avait toujours été là? Et si ce soir du 19 mai 2019, cette tristesse partagée par le technicien et ses supporters révélait un goût de travail inachevé? Contre toute attente, le club du Piémont rappelle Allegri deux ans après son départ. En rappelant l’ancien entraîneur milanais, Agnelli change sa vision d’une révolution sur le long terme. Il a besoin de certitudes et de résultats. Et qui de mieux que l’entraîneur le plus victorieux de l’histoire de la Vieille Dame ? Longtemps critiqués, Sarri et Pirlo ont tout de même réalisé un bon travail construisant une nouvelle colonne vertébrale à cette équipe. Allegri aura donc pour tâche de continuer cette transition. Un travail qu’il connaît bien et qu’il affectionne particulièrement. Agnelli en est sûr: « C est l homme qu il faut pour écrire un nouveau chapitre. »

L’homme des transformations

Au cours de sa carrière d’entraîneur, Massimiliano Allegri a plusieurs fois fait face à une équipe en reconstruction. À Milan, il a dû gérer une équipe dépouillée de ses meilleurs joueurs. Des légendes comme Gennaro Gattuso ou encore Alessandro Nesta prenaient leur retraite. Certains joueurs comme Zlatan Ibrahimovic ou Thiago Silva partaient vers d’autres aventures. La perte de ces cadres rendait le travail du Toscan bien plus compliqué, mais il finit néanmoins sur la troisième place du podium lors de sa dernière année rossonera.

Allegri sait qu'il devra faire des résultats mais également y ajouter la manière pour satisfaire les supporters italiens.
Allegri sait qu’il devra faire des résultats mais également y ajouter la manière pour satisfaire les supporters italiens.© GETTY IMAGES

Quand Allegri est arrivé à la Juventus en 2014, le club turinois se relevait d’une période noire tâchée de scandales extra-sportifs. Après son retour sur le toit de l’Italie, il fallait confirmer la velléité de s’inscrire dans la durée sur la plus haute marche du podium. Le président Agnelli, le vice-président Pavel Nedved et le directeur sportif de l’époque Fabio Paratici vont construire un groupe jeune et ambitieux autour d’Allegri. La Juve enchaîne les succès en Italie, mais coince en Europe. Comme depuis très longtemps, trop longtemps. La dernière victoire de la Vieille Dame en Champions League remonte à 1996. Depuis ce jour, les Turinois restent sur quatre finales perdues de suite. Allegri en perdra deux, et cela a peut-être été son seul échec. Ne pas avoir su ramener au club un titre majeur européen. L’élimination en quarts de finale contre l’Ajax l’année où un certain Cristiano Ronaldo est recruté a sans doute été un déclencheur de son départ. Mais cette année-là, le tacticien italien avait déjà sonné la sonnette d’alarme et estimait que son équipe avait besoin de changements.

Les difficultés que traverse l’Inter en ce moment laissent à penser que la Juve est favorite pour la victoire finale en Serie A.

Aujourd’hui, Allegri retrouve une équipe avec les mêmes problèmes structurels qu’il avait dénoncés deux ans auparavant mais cette fois-ci, ce sera à lui de recommencer un chantier bien plus conséquent. De plus, il revient dans une société où l’organigramme a totalement été bouleversé durant l’été. Le directeur sportif Fabio Paratici a quitté son poste après onze années de services plus que remarqués. Son bras droit Federico Cherubini le remplace, venant apporter une nouvelle vision. Le club a aussi vu l’arrivée d’un nouveau directeur général, Maurizio Arrivabene, débarqué pour stabiliser les comptes du club durement touchés par la crise du Covid. Par rapport à son premier passage, Allegri aura un rôle bien plus important au sein du club. Il pourra prendre part aux décisions du mercato. Un rôle à la Ferguson l’attend donc, bien plus proche des questions liées à la gestion des achats et ventes du club et de ce fait, on peut être sûr qu’Allegri voudra construire autour de lui une équipe alliant compétitivité et équilibre.

Allegri, c’est la Juve

Allegri connaît parfaitement l’ADN Juventus. On ne connaît pas le club piémontais pour son jeu attrayant, mais bien pour sa capacité à gagner un match quelle que soit la manière. Au contraire d’entraîneurs comme Sarri ou Pirlo qui cherchaient des joueurs adéquats à leur système de jeu, Allegri sait s’adapter à son noyau. Fin tacticien, il a prouvé à maintes reprises sa polyvalence tactique et sa capacité à s’adapter aux situations. Durant les deux dernières années, de nombreux supporters ont reproché à l’équipe d’avoir perdu son identité de jeu. Le Toscan le sait. Pour lui, le résultat passe bien avant le beau jeu et il l’a fait savoir lors de sa première conférence de presse: « Je vais devoir trouver un équilibre. Une équipe qui joue bien, mais apporte des résultats. » On le voit, Allegri ne cherche pas une révolution au niveau du jeu, mais veut renouer avec la victoire.

Si la Champions League n’est qu’un rêve difficilement accessible, les hommes du tacticien italien espéreront reconquérir leur trône de roi d’Italie. Allegri connaît parfaitement le Calcio, et les difficultés que traverse l’Inter en ce moment laissent à penser qu’ils peuvent figurer comme le favori numéro 1 pour la victoire finale. Le Mister pourra compter sur un effectif composé de joueurs expérimentés comme les néo-champions d’Europe Leonardo Bonucci et Giorgio Chiellini, qui a récemment rempilé pour deux années supplémentaires. Il devra aussi composer avec de jeunes joueurs comme Federico Chiesa, l’homme fort de Pirlo. La jeune pépite italienne sort d’une belle saison où il a rapidement gagné une place de titulaire. Weston McKennie pourrait être une révélation en jouant un rôle similaire à celui d’ Arturo Vidal en 2015, alors pion précieux du dispositif d’Allegri. Cristiano Ronaldo connaît pour la troisième fois un nouvel entraîneur depuis son arrivée en Italie. Dernier meilleur buteur du championnat, le Portugais devra répondre une nouvelle fois présent dans une équipe en manque de création offensive, même si le retour d’un Paulo Dybala en forme pourrait résoudre le problème. Allegri a décidé de placer le jeune Argentin au coeur de son projet. Il l’a d’ailleurs nommé vice-capitaine.

Allegri épisode numéro 2, c’était le 22 août à 18h30. Un premier match contre l’Udinese pour fêter le retour du technicien italien en Série A, et pour peut-être apporter aux supporters et aux dirigeants bianconeri les premiers signes d’une révolution qui se révélait depuis trop longtemps n’être qu’une utopie.

1. La rimonta (2015-2016)
1. La rimonta (2015-2016)© GETTY IMAGES

Les 3 exploits d’Allegri à la Juventus

1. La rimonta (2015-2016)

Lors de sa deuxième saison, l’effectif est considérablement affaibli suite à la défaite en finale de Champions League. Des joueurs comme Andrea Pirlo, Carlos Tévez ou encore Arturo Vidal plient bagage. Après dix journées de championnat, la Juventus pointe à la douzième place. Tout le monde pense alors que la domination turinoise prend fin, mais Max Allegri redressera ses joueurs et enchaînera 25 victoires de la onzième à la 35e journée. Elle remportera finalement son quatrième Scudetto de suite.

2. La demi-finale contre le Real Madrid (2015)
2. La demi-finale contre le Real Madrid (2015)© GETTY IMAGES

2. La demi-finale contre le Real Madrid (2015)

Allegri alors nouvel entraîneur de la Vieille Dame dispute sa première campagne de Ligue des Champions. En demi-finale, l’ogre madrilène se dresse devant lui. Après un match aller où les Turinois s’imposent 2-1 avec la manière. Le match retour au Bernabéu est bien plus compliqué. Le Real mène 1-0 à la mi-temps suite au penalty transformé par Cristiano Ronaldo. Álvaro Morata, alors prêté par le club madrilène, viendra libérer les siens en inscrivant le but égalisateur synonyme de qualification. Allegri ramène la Juventus à l’orée des sommets européens dès sa première saison.

3. Huitième de finale retour contre l'Atlético de Madrid (2018)
3. Huitième de finale retour contre l’Atlético de Madrid (2018)© GETTY IMAGES

3. Huitième de finale retour contre l’Atlético de Madrid (2018)

Les Turinois reçoivent à l’Allianz Stadium les hommes de Diego Simeone dans le cadre du huitième de finale retour de Ligue des Champions. Les Colchoneros s’étaient imposés 2-0 à l’aller. Tous les pronostics sont en leur faveur. Mais c’était sans compter sur le génie tactique du technicien italien et sur un grand Cristiano Ronaldo. Après un match passionnant et un triplé de CR7, les hommes d’Allegri renversent la situation et se qualifient pour les quarts de finale.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire