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Retour sur la folle trajectoire d’Adil Rami: « On s’est souvent foutu de ma gueule »

À l’occasion de la parution de son autobiographie, Autopsie*, en octobre dernier, le champion du monde de bientôt 35 ans, aujourd’hui à Boavista, revient sur quelques épisodes savoureux de son incroyable parcours. Article d’Olivier Bossard issu de France Football.

Retour sur la folle trajectoire d'Adil Rami:
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De Fréjus au titre de champion du monde avec l’équipe de France en passant par Lille, Valence, l’AC Milan, Séville et l’OM, Adil Rami a vu du pays au cours de sa carrière. Après des piges ratées au Fenerbahçe et à Sotchi, le défenseur a désormais posé ses valises au Portugal et jette un oeil dans le rétro. Sans tabou.

Vous dites n’avoir jamais lu un livre. Et le vôtre?

ADIL RAMI:(Sourire) Direct, et j’ai adoré. Au bout de trois pages, je pleurais déjà. Et c’est en lisant ce bouquin que je me suis rendu compte de tout ce que j’avais fait. Je n’arrête pas d’enchaîner les histoires et de surprendre mon monde. Je suis tellement positif que j’arrive à tout ce que je veux. Et toujours avec le sourire.

Ce sourire permanent sur votre visage, c’est pour cacher quelque chose?

RAMI: C’est naturel. Je prends plaisir à sourire, rigoler tout le temps. Je dis souvent à ma soeur Feda: « Les meilleurs médocs du monde, ce sont le sport, le bien-être et le rire. » Mais parfois, j’utilise aussi le rire pour apaiser les situations. C’est mon arme. Je suis comme ça. J’évite les conflits, j’évite de faire du mal, je suis un sensible dans les deux sens.

Qu’est-ce qui rend triste Adil Rami?

RAMI: Je suis un ultrasensible. Je n’ai pas envie de faire de la peine aux gens. J’aime les voir kiffer, je veux toujours les mettre à l’aise. Quand je suis triste, je préfère garder le sourire. Dans le livre, mes proches dévoilent des choses que je ne savais même pas. Ma mère qui dit que mon père n’avait pas énormément de respect envers moi quand j’étais petit, que j’étais un peu à part dans la famille et qu’il demandait à ma mère en rentrant du travail: « Il est où ce bon à rien, cet imbécile? » Je rentrais du foot, il disait à ma mère que j’étais trop maigre, que je ne réussirais jamais. Quand je lis ça, ça rend mon histoire encore plus dingue. C’est un film. J’ai toujours dit à mon entourage: « Y a des réalisateurs qui vont chercher des films super loin dans leur tête, alors qu’en m’écoutant, t’as un film. »

Je me levais à 5 heures pour trouver du taf au marché. »

Adil Rami

« Tous les jours, je priais pour qu’ils se séparent »

À onze ans, vous voyez votre père cogner votre mère…

RAMI: Je n’avais jamais vu mon père s’énerver. Il travaillait, c’était un carreleur, propre, carré. Il ne parlait pas beaucoup, ne parlait même pas très bien français. Il était souvent dans son coin, à regarder la télé avec ses cigarettes. C’était quelqu’un de très réservé. Jamais je n’aurais pu croire qu’il pourrait faire ça. On était heureux, une famille normale. Le jour où ça s’est passé, j’ai eu un choc énorme. Je ne savais pas quoi faire. Mon père a complètement perdu les pédales en levant la main sur ma mère. C’était une fois, attention, il ne la battait pas. Alors, je suis parti dans ma chambre et j’ai tapé fort contre la porte. Je voulais me réveiller, je ne comprenais pas. C’était chaud. Cette embrouille a duré longtemps. Il n’y avait plus de coups, mais des disputes, tout le temps. Je n’arrivais plus à dormir. Mon père dormait dans le salon, ma mère dans la chambre et, dès que son lit grinçait, j’ouvrais les yeux. J’avais peur. Ça a duré comme ça pendant des années. Le matin à l’école, j’étais tellement fatigué… Tous les jours avant de dormir, je priais pour qu’ils se séparent. Je n’en pouvais plus.

Vous parlez souvent de votre bonne étoile. C’est elle qui vous permet de passer de la mairie de Fréjus à la L1?

RAMI: Carrément. Je m’en rends compte après mon accident de la route à 19 ans. Je sors de soirée avec un pote, et là, accident. On fait plusieurs tonneaux sur l’A8. La police arrive, je pense que je vais me faire retirer le permis. À l’époque, la limite d’alcool est à 0,50 et j’ai 0,49. Quelques heures après, on me donne un courrier et je vois le logo du LOSC. C’est dingue! À partir de là, j’ai commencé à croire en cette bonne étoile. Je savais que j’allais devenir quelqu’un en travaillant à fond. Derrière, je laissais faire le destin. Ça a toujours été ma phrase: « Adil, tu donnes tout, tu ne triches pas et tu laisses faire le destin. » J’ai toujours pensé comme ça.

« Je ne regrette rien »

C’est pour ça que vous ne vrillez jamais et ne tombez jamais dans la délinquance?

RAMI: Je voyais des grands de mon quartier qui avaient des bijoux en or, des gourmettes, des belles voitures. Je les voyais faire du business de shit. Moi, je ne pouvais pas faire ça. J’avais des barrières, ce n’était pas moi. Donc, à la place, je me levais à 5 heures du matin pour trouver du taf au marché. Avec ça, je sortais avec les copains, j’achetais des sapes et j’étais heureux.

Vous ne dérapez vraiment jamais?

RAMI: Jamais. Même mes amis d’enfance le savent. On est ensemble, mais on ne franchit jamais la ligne rouge. On part en vacances à Los Angeles, à New York, on s’amuse, on boit, mais on ne franchit jamais la ligne rouge. Même si j’ai été trahi par des personnes, j’ai su faire les bons choix pour m’entourer de gens sains et positifs.

Éprouvez-vous des regrets dans votre vie?

RAMI: Non. Je ne triche pas, je ne mens pas aux gens. Parfois, je ne reconnais pas certaines personnes devant les caméras. On essaye toujours de montrer du parfait. Mais je ne suis pas parfait, je suis comme les autres, imparfait. Je suis un gamin, je suis un sensible, je me bagarre, je me marre, je bois de l’alcool, je suis discipliné. Je suis tout le monde. Mais il y a cette règle qui dit qu’il faut toujours être propre devant les caméras pour gagner un maximum de popularité. Pas moi. Si je peux en gagner moins parce que j’aurais choqué ou autre chose, mais être plus heureux parce que j’aurais été naturel et dit la vérité, je préfère ça. Tant que je suis heureux, tout va bien. Je ne regrette rien.

Après la Ligue 1, la Liga, la Serie A et les championnats turcs et russes, Adil Rami évolue désormais au Portugal, pour le Boavista FC.
Après la Ligue 1, la Liga, la Serie A et les championnats turcs et russes, Adil Rami évolue désormais au Portugal, pour le Boavista FC.© belgaimage

Même ces soirées où la drogue circule, où l’alcool coule à flots et les nuits se terminent parfois avec une ou plusieurs femmes?

RAMI: Encore une fois, je n’ai jamais testé de drogue. Jamais. Pour les soirées, je voulais voir. Quand vous avez de l’argent, on ne vous refuse pas grand-chose. J’aime les grandes soirées hollywoodiennes, parler avec des étrangers, voir de belles femmes, partager, découvrir. Ce sont mes aventures et je n’ai pas peur d’en parler. Je l’ai vécu, j’ai kiffé, et peut-être que je le referais si je pouvais, mais avec plus de maturité et d’expérience. Aujourd’hui, tout est tabou. Le footballeur est regardé à la loupe, tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait. On est jalousés. On nous met dans une case, et on n’a pas le droit d’en sortir. Un footballeur comme moi qui va parler, faire un peu de cinéma, aujourd’hui, il n’a pas le droit. Je n’ai même pas le droit de faire de l’humour. Je me suis amusé récemment à imiter l’accent chinois, et on m’a repris sur ça. Mais un humoriste qui fait un accent du bled, il a le droit? Pourquoi pas moi?

J’ai l’impression d’avoir l’une des plus belles histoires du football. »

Adil Rami

« Je n’ai jamais franchi la ligne rouge »

Vous pensez avoir déjà été trop loin?

RAMI: Non, parce que je n’ai jamais franchi la ligne rouge, ni manqué de respect à quelqu’un, ni frappé quelqu’un qui ne le méritait pas, ni fait du mal à des gens. Jamais. Pourtant, on m’a accusé de choses terribles ( il a été accusé de violences physiques par Pamela Anderson, son ancienne compagne, ndlr) . Ça a été très compliqué pour moi. Je ne pouvais pas répondre alors que j’avais les preuves. J’ai ensuite été suspendu par l’association que je défendais ( Solidarité Femmes, ndlr) . À cause de ça, je n’ai pas pu aider les femmes qui avaient besoin de moi. C’est tellement important pour moi. Je prends des cours avec des psys pour comprendre la mentalité des gens qui frappent, comment tout ça fonctionne, pourquoi on en arrive là, pourquoi certaines femmes acceptent parfois. Je veux apprendre. C’est un sujet qui me tient trop à coeur.

C’est quoi votre expérience la plus folle?

RAMI: (Il réfléchit) Je raconte une histoire dans le livre. Je suis à Los Angeles. Les soirées là-bas s’arrêtent à 2 heures, mais j’avais encore envie de faire la fête. Un pote m’appelle pour le rejoindre dans une maison. Je rentre et là, un gars vient me dire que le boss de la maison veut me voir. J’arrive dans un bureau de beau gosse avec des livres, des ordis, très classe. Il me demande qui je suis. Je lui dis que je suis footballeur, qu’il peut taper mon nom sur Google. Là, il me voit avec Pamela, me demande pourquoi. Ça lui plaît et il sort une grosse boîte. Je pense qu’il y a des cigares dedans, mais en fait, il y a de la coke partout. Il me dit de me faire plaisir, je refuse. À ses pieds, il y avait une Française. Elle était à l’ouest. Le boss me donne son numéro, me dit qu’il vient souvent à Cannes faire la fête. En sortant, la fille m’arrache le téléphone, le met dans sa culotte. Je garde mon calme. Je pars faire un tour dans la cuisine, je me fais cuire un steak au micro-ondes, j’avais faim. Je la revois passer. Je lui demande de me rendre mon téléphone, elle m’insulte. Je parviens à le récupérer et finir la soirée.

Vous avez également croisé Zahia en soirée…

RAMI: À l’époque, je ne sais pas quel âge elle avait. Un gars qui organisait la soirée vient me voir et me dit: « Vas-y, elle peut venir à ta table? » C’était la première fois que je faisais une soirée sur Paris. Je la regarde, je lui réponds: « Même pas en rêve. » J’ai grandi dans un quartier qui fait que toutes les Maghrébines, je les vois comme des soeurs. Je disais à mon pote: « Non, elle ne me plaît pas et, de plus, c’est une Maghrébine. » Il n’y a rien de raciste, mais ce sont des soeurs pour moi. C’était impossible.

« Parfois, je commets des erreurs, mais c’est moi »

Vous aimez l’image que les gens ont de vous?

RAMI: Oui, parce que c’est celle que j’ai dans la vie de tous les jours avec mes amis et mes proches. Je ne mens pas, je suis comme ça. Je suis fier d’avoir porté ce maillot de l’équipe de France, d’avoir représenté ce pays. Je pense avoir montré une belle image en étant toujours souriant, gentil. Alors, oui, parfois, je commets des erreurs, mais c’est moi. Tant que les Français sont fiers de moi et de mon image, ça me va.

Qu’est-ce que le foot vous a appris?

RAMI: J’ai été marqué par des entraîneurs. Claude Puel ( à Lille, de 2006 à 2008, ndlr) , mon premier chez les pros, n’était pas quelqu’un de facile. C’est un dur, qui ne dira jamais je t’aime. J’aime bien avoir ce genre de personnage en face de moi pour lever les barrières et faire comprendre que je suis un sensible et un affectif. Tu peux faire ton dur, moi, je m’en fous, je te kiffe. Unai Emery ( à Séville, en 2015-16, ndlr) aussi, je l’ai adoré. Il bossait, ne lâchait jamais rien. J’adore ce mec. Et ma plus belle histoire, c’est avec le coach Deschamps. Ça a été compliqué au début, sûrement à cause de moi, peut-être parce que je l’avais mal analysé. Mais c’est quelqu’un d’incroyable. Il pense toujours travail, hygiène de vie, il fait attention à tous les détails. Aujourd’hui, quand je le vois avec ses adjoints, j’ai envie de le prendre dans mes bras. Il m’a offert une leçon de vie que je n’oublierai jamais.

*Autopsie, d’Adil Rami, avec Géraldine Maillet, Sport, 19,95 ?

Article d’Olivier Bossard issu de France Football.

Retour sur la folle trajectoire d'Adil Rami:
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« J’ai plein de projets »

Vous qui aimez la lumière, comment vivez-vous le fait d’être dans l’ombre depuis plusieurs mois?

ADIL RAMI: Faut être solide, mais ça appartient à tous les footballeurs quand t’as 34, 35 ans. Et encore, je m’estime heureux de pouvoir continuer à jouer. J’ai commencé à vingt ans, je vais atteindre les quinze ans de carrière. C’est quelque chose de grand.

Est-ce que le petit Adil, qu’on traitait parfois de « boulet », peut être fier de ce qu’il a vécu?

RAMI: Il peut être super fier de lui. Il a réalisé un super parcours. Et je sais que je ne m’arrêterai pas à Boavista. J’arrive à me surprendre et à surprendre tous les gens autour de moi. Surtout les gens qui ne m’attendent pas. On a souvent rigolé quand je disais que je voulais être footballeur, ça ne m’a pas empêché de réussir. On s’est souvent foutu de ma gueule. Ça ne m’a pas empêché d’être champion du monde.

Vous craignez le jour où la lumière s’éteindra?

RAMI: Pas trop. Je me sens à l’aise avec tout et tout le monde. Je suis un autodidacte, quand je veux faire quelque chose, j’apprends vite. On peut rigoler quand je dis que j’aime la radio ( il intervient désormais une fois par semaine sur RMC, ndlr), le cinéma, la télé, mais je me sens capable de réussir dans ces domaines-là. Je sais que je vais rebondir. J’ai confiance en moi. Et je suis un gros travailleur. Dans ma tête, j’ai envie de faire plein de choses. Je suis un doux rêveur. Rebondir dans le monde du foot, c’est moins sûr. Tout est formaté, on ne peut pas dire ce qu’on pense. Donc c’est compliqué pour moi. J’ai besoin de me livrer. J’adorais les conférences de presse. Parce que je me retrouvais à la place du prof et que c’était un bon moment d’échange. J’ai plein de projets. Et pourquoi pas décrocher un Oscar?

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