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René from the blog

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Un conte de fées lu sur un écran d’ordinateur. Voilà une bonne manière de résumer l’histoire de René Maric, 26 ans et déjà entraîneur-adjoint du club le plus puissant d’Autriche.

Il était une fois, dans la petite bourgade d’Handenberg, nichée à cet endroit où l’Autriche semble s’étirer pour étreindre l’Allemagne voisine, un jeune homme passionné de football. René se sent rapidement à l’étroit dans ce village proche de Salzbourg, les jambes coupées par une blessure qui le prive rapidement du bonheur de vivre les crampons aux pieds. Le coaching des jeunes de l’équipe locale lui confère, certes, le plaisir de rester à proximité du terrain, mais ses idées inépuisables sur le jeu trouvent peu d’écho à Handenberg.

Enfant de son siècle, René trouve forcément derrière l’écran de son ordinateur ce qu’il ne rencontre pas sans intermédiaire virtuel. Pas de rencontre amoureuse, mais un crush footballistique avec quatre nouveaux amis 2.0 en compagnie desquels il finit par fonder Spielverlagerung, un site consacré à l’analyse détaillée de matches de football, entre présentation minutieuse du jeu d’une équipe et explication pointue de concepts footballistiques comme le halfspace, le deep-lying playmaker ou la défense en zone.

Les lectures suscitent des commentaires, et les commentaires amènent le débat. Du pain béni pour René Maric, qui explique son amour de la conversation animée par des origines croates que son nom peine à masquer :  » Les Croates contestent tout, parfois de façon très agressive. Tu dois t’expliquer, et cela t’amène forcément à réfléchir beaucoup plus loin, parce que tu te dis que si tu te contentes de dire ça sans argumenter en profondeur, quelqu’un dira que c’est juste bullshit « , explique-t-il au Guardian, venu prendre la température du phénomène au début de l’automne dernier.

Invité chez Tuchel

Après avoir parfait ses connaissances du jeu en disséquant méthodiquement les idées de Johan Cruijff et d’ Ernst Happel, Maric et son blog finissent par se faire un nom dans les vestiaires les plus connectés de la communauté germanophone. Un jour, la team Spielverlagerung reçoit un mail, parti du clavier de l’un des adjoints de l’entraîneur de Mayence, un certain Thomas Tuchel.

L’actuel coach du PSG, fasciné par le détail et la justesse du travail qu’il découvre en ligne, invite les cinq bloggeurs pour connaître plus en profondeur leur vision du football, leur avis sur ses adversaires, et le jeu en général. Deux heures plus tard, ils ressortent des bureaux du club rhénan avec des missions de scouting et d’observation des adversaires sous les bras et un large sourire sur le visage. Quelqu’un allait les payer pour faire ce qu’ils avaient pris l’habitude d’écrire gratuitement, par passion.

Une saison durant, ils réalisent des analyses pour Tuchel. Par la suite, c’est au tour de Matthew Benham, propriétaire de Brentford et du club danois de Midtjylland, très attentif aux analyses statistiques et novatrices sur le jeu, de leur passer quelques commandes. Pas de quoi en vivre, pour René, jusqu’à sa rencontre avec Marco Rose, alors entraîneur des U18 du Red Bull Salzbourg.

Les 3K de Red Bull

Le lieu de rencontre est le point de départ idéal pour le coup d’envoi d’une idylle. Dans la ville natale de Mozart, le club local est aux mains du puissant Dietrich Mateschitz, fondateur de la célèbre boisson énergisante Red Bull. En 2012, l’Autrichien a demandé à son collaborateur Gérard Houllier de prendre contact avec Ralf Rangnick, surnommé Le Professeur au sein du football allemand et artisan majeur de la folle ascension d’Hoffenheim vers la Bundesliga.

Les clés de la direction sportive des deux clubs européens de Red Bull (Salzbourg et Leipzig) sont confiées à Rangnick, qui constitue une imposante équipe de collaborateurs en veillant à ce que ceux qui travaillent sous son aile respectent scrupuleusement sa  » règle des trois K  » : Kapital, Konzept et Kompetenz.

Un slogan qui, assorti à l’image jeune que souhaite véhiculer la marque – dont la cible commerciale principale se situe entre 16 et 25 ans – ouvre les portes à de nouveaux visages. Les fameux laptop trainers, cette nouvelle génération de coaches qui semblent ne jamais sortir sans leur matériel informatique, sont les bienvenus dans le giron Red Bull, au grand dam de certains anciens comme Mehmet Scholl, qui déplore que des étudiants aient pris le contrôle du football.

La petite Europe

C’est donc à Salzbourg que René Maric rencontre Marco Rose. Leurs dialogues sont interminables, et tournent autour du football, sans jamais sembler être du travail. Aujourd’hui, René Maric confie d’ailleurs consacrer entre 80 et 100 heures par semaine au ballon rond, sans se plaindre de la moindre minute investie dans sa passion.

De quoi ne nourrir aucun regret à l’heure de se rappeler ce moment où il a osé poser cette fameuse question à Rose :  » Tu n’aurais pas besoin d’un entraîneur-adjoint la saison prochaine ?  » La réponse est positive :  » Essayons ça !  »

Le coup d’essai se transforme en coup de maître. Pour leur première saison de travail commun, les deux hommes franchissent tous les obstacles en UEFA Youth League, version miniature et teenager de la Ligue des Champions. Après avoir sorti Manchester City aux tirs au but et balayé le PSG (5-0), Salzbourg s’offre encore le scalp de l’Atlético et du Barça pour atteindre une finale remportée face à Benfica.

Un surprenant succès qui, combiné à une nouvelle campagne européenne décevante de l’équipe fanion, offre à Marco Rose les clés du vestiaire principal de la Red Bull Arena. Avec René Maric dans les bagages, évidemment.

En quête d’un trophée

S’ils butent sur Rijeka en tours préliminaires, manquant une nouvelle fois cette phase de poules de la Ligue des Champions qui semble éternellement échapper au club, les Autrichiens franchissent les tours à toute allure dans l’intimité relative de la Ligue Europa. La Real Sociedad, Dortmund et la Lazio font partie des victimes, mais la finale s’échappe au bout d’une prolongation face à Marseille.

 » Moi, je voulais juste réfléchir sur le football, le mettre sur le net et trouver des gens qui allaient réagir « , se rappelle René Maric quand il évoque ses débuts. Quelques milliers de mots plus tard, le revoilà en quête d’un trophée européen. Cette fois, la route du conte de fées passe par la Venise du Nord.

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