© iStock

Rafael Santos Borré : le buteur providentiel de l’Eintracht Francfort qui a conquis son deuxième continent

L’attaquant colombien de l’Eintracht Francfort a dû reconquérir l’Amérique du Sud après un premier échec européen à Villarreal. Le voici désormais sur le toit de l’Europe depuis ce mecredi. Portrait un talent qui a mis le temps pour éclore.

Un quart de siècle plus tard, l’Allemagne a remporté la deuxième des Coupes d’Europe. A l’époque, la finale de celle qu’on appellait encore Coupe UEFA se déroulait en deux manches aller-retour. Schalke 04 affrontait l’Inter et les Knappen prenaient l’avantage sur leurs terres grâce à un certain Marc Wilmots. Au stade Guiseppe Meazza, Willy offrait le titre aux Allemands en convertissant le tir au but décisif, après que les Nerazzurri soient revenus à égalité au total des deux duels. Une histoire qui n’est pas sans rappeler celle de Rafael Santos Borré ce mercredi soir.

Sur la pelouse de Séville, le Colombien a d’abord répondu au but d’ouverture de Glasgow signé Joe Aribo. Il a ensuite été en charge du dernier tir au but, celui du titre. Il n’a pas vacillé face à l’enjeu et a permis aux Aigles de s’envoler vers le paradis européen, 42 ans après leur dernier trophée continental contre le Borussia Möchengladbach.

Un type de coupe que Santos Borré affectionne. Il avait déjà connu l’ivresse d’un titre sur le continent sudaméricain avec River Plate en 2018, lors d’un Superclasico contre le voisin de Boca Juniors. Présent lors du duel aller, il n’avait pas été du voyage à Madrid où avait été déplacé le retour après les nombreuses émeutes qui avaient émaillé la première manche. Roi du continent sans avoir été acteur, Rafael Santos Borré espérait prendre sa revanche un an plus tard à l’Estadio Monumental de Lima. Le Colombien place El Millonario aux commandes dès le quart d’heure, mais Gabriel Barbosa, dit Gabigol, renversait la vapeur dans les dernières minutes avec un doublé. Une terrible désillusion pour le club de Buenos Aires, mais surtout pour son avant-centre, malheureux de ne pas avoir été le héros d’un titre international.

Formé au Deportivo Cali

Né à Barranquilla en septembre 1995, Santos Borré est formé au Deportivo Cali où il effectue ses débuts chez les pros en 2013 à seulement 17 ans.

En 2014, il commence à marquer ses premiers goals pour le compte des Azucareros(sucriers) et est convoqué en équipe nationale pour le tournoi de Toulon où il trouve la faille contre le Qatar. Quelques mois plus tard, il est récompensé par une sélection avec les U20 colombiens qui disputent la Copa América en 2015. Il marque contre le Chili et le Pérou. C’est ensuite le Mondial des moins de 20 ans en Nouvelle-Zélande qui est au programme du natif de Barranquilla. Les Cafeteros prennent la porte dès les 1/8e de finale contre les Etats-Unis, mais il marque en poule contre le Portugal. Ces prestations lui permettent d’être repris dans le noyau de l’équipe première colombienne pour des amicaux contre Bahreïn et le Koweït. Il devra attendre quatre ans pour retrouver le groupe national où la concurrence offensive est féroce entre les Radamel Falcao, Teofilo Gutierrez, Luis Muriel et Carlos Bacca.

Prêté à Villarreal par l'Atlético Madrid, Rafael Santos Borré va peiner à s'adapter au football européen et reviendra quelques mois plus tard sur le continent sudaméricain.
Prêté à Villarreal par l’Atlético Madrid, Rafael Santos Borré va peiner à s’adapter au football européen et reviendra quelques mois plus tard sur le continent sudaméricain.© iStock

Echec espagnol

Pour espérer faire son trou avec El Tricolor, un passage en Europe semble inévitable pour l’attaquant, alors âgé de 20 ans. L’Atlético Madrid est séduit par son profil, met cinq millions sur la table des négociations pour s’attacher ses services, et le laisse encore s’aguerrir dans son pays natal pour une saison. Il quitte finalement les Sucriers à la fin du mois de juin 2016 après avoir planté 14 roses en 35 rencontres.

Conscient que la concurrence n’est pas des moindres à l’ombre de l’Estadio Vicente Calderon, les Colchoneros le louent à Villarreal lors de la saison 2016-17. Il dispute 30 rencontres, mais ne marque qu’à quatre reprises. L’adaptation au football européen est bien plus compliqué que prévue pour Santos Borré.

Lors de l’été suivant, il décide de retourner sur son continent d’origine et s’engage pour quatre ans avec River Plate qui dépense 3,5 millions d’euros pour le faire venir dans la capitale argentine.

Sous la houlette de Marcelo Gallardo, il est titulaire dès son deuxième match dans le championnat argentin aux côtés d’Ignacio Scocco. Il fera trembler les filets pour la première fois lors du suivant disputé à San Martin. Au total, il plantera six roses en 23 rencontres pour sa première saison et s’illustre aussi en Copa Libertadores avec trois réalisations au cours de ses dix apparitions.

Muet en poule, il se distingue lors des matches à élimination directe en marquant en 1/8e contre le Racing Club puis en quart contre l’Independiente où il donnera aussi une passe décisive. A la fin octobre, il permet à River Plate, défait 0-1 dans son Monumental, d’égaliser sur la pelouse de Grêmio. Gonzalo Martinez ,sur pénalty, offrira la finale de la Champions League d’Amérique du Sud aux Millonarios. Lors de la manche aller, il joue 75 minutes, ne pèse pas et écope d’un carton jaune qui le prive du duel retour qui sera disputé au Santiago Bernabeu. A 23 ans, Rafael Santos Borré remporte son premier titre continental sans avoir joué le premier rôle.

Douze mois plus tard à Lima, où l’épilogue de la Libertadores se dispute en une manche sur terrain neutre plutôt qu’en deux duels, Borré, aligné en pointe aux côté de l’ancien Anderlechtois Matias Suarez, surprend Diego Alves, le gardien de Flamengo, au quart d’heure. Le voilà enfin en haut de l’affiche sauf qu’une climatisation nommée Gabigol refroidira les ardeurs des Gallinas et enverra la Coupe du côté de Rio de Janeiro.

Au Monumental de Lima, Rafael Santos Borré ouvre la marque pour River Plate en finale de la Copa Libertadores 2019, mais c'est finalement Flamengo qui soulèvera le trophée à la fin.
Au Monumental de Lima, Rafael Santos Borré ouvre la marque pour River Plate en finale de la Copa Libertadores 2019, mais c’est finalement Flamengo qui soulèvera le trophée à la fin.© iStock

Don’t cry for me River Plate

En Superliga, il reste aussi sur une saison moins aboutie. Gallardo aime faire tourner ses attaquants et il ne marque que quatre petits buts en 19 apparitions. Pour sa dernière saison sous les couleurs de River Plate, qui sera arrêtée sans de vrais adieux en raison de la crise sanitaire, Rafael Santos Borré réalise son meilleur championnat avec 12 réalisations en 20 duels, ce qui lui permet de retrouver les Cafeteros où il honore sa première sélection en septembre 2019 en remplaçant Duvan Zapata lors d’une joute amicale contre le Brésil.

C’est dans des stades désormais vidés par le Covid, et en Copa Libertadores, qu’il dispute ses derniers matches sous le maillot du club de Buenos Aires. Il plante à trois reprises lors de la phase de poule avant de réaliser un triplé contre les Uruguayens du Club Nacional en quarts. Le dernier carré sera le cadre de ses deux derniers matches pour les Millonarios. Palmeiras , futur vainqueur de la Ligue des champions sudaméricaine, prend le meilleur après une large victoire au Monumental (0-3). Le but de Borré lors du succès 0-2 à Sao Paulo ne changera pas l’issue du duel.

Après l’entracte, place à l’Eintracht

Fort d’un bilan de 56 buts et de 18 passes décisives en 149 rencontres, Rafael Santos Borré sent qu’il est alors temps de prendre sa revanche sur le Vieux Continent. Pas question cette fois de viser trop haut comme en 2015, c’est donc à l’Eintracht Francfort, club historique allemand qui navigue dans le subtop de la Bundesliga, qu’il va poser ses valises le 5 juillet 2021. River Plate reçoit 17 millions d’euros pour laisser filer son goleador colombien.

Il a la lourde tâche de remplacer le Portugais André Silva, parti au RB Leipzig en échange de 23 millions et le Serbe Luka Jovic reparti au Real Madrid qui l’avait loué. Avec son mètre 74, Rafael Borré n’est pas forcément une armoire à glace, mais sa mobilité et sa vitesse lui permettent de s’imposer dans des duels contre des gaillards bien plus grands que lui. Le Colombien aime aussi décrocher pour jouer des ballons dos au but. Ses relances sont intelligentes et précises et il trouve généralement un coéquipier mieux placé pour poursuivre l’attaque tout en générant des espaces derrière lui car les défenseurs centraux hésitent à quitter leur position pour le marquer.

Rafael Santos Borré va envoyer l'Eintracht Francfort au paradis.
Rafael Santos Borré va envoyer l’Eintracht Francfort au paradis.© iStock

Quittant souvent sa position d’avant-centre pour aider son équipe àremonter, le natif de Baranquilla aime jouer avec des ailiers qui peuvent faire des courses diagonales derrière pour profiter de l’espace qu’il crée, ou des milieux de terrain qui peuvent s’infiltrer dans les seize mètres adverses. Il est également plus efficace lorsqu’il joue avec un autre attaquant qui attire les défenseurs centraux et lui donne plus de liberté de mouvement dans le dernier tiers du terrain.

Des qualités qu’il va mettre en application directement à Francfort en offrant une passe décisive pour sa joyeuse entrée sur le terrain de Dortmund. Malgré la dégelée 5-2 subie ce jour-là, le Colombien se sent déjà intégré à son nouvel environnement. L’Eintracht va vivre une saison décevante en Bundesliga où il ne sera jamais en mesure de lutter pour les places européennes. Onzième à la fin, les Francfortois voient leur nouvel attaquant terminer son premier exercice outre-Rhin avec un bilan de huit buts et six passes décisives en 30 matches.

Revanche européenne et en coupe continentale

Mais c’est surtout en Coupe d’Europe où les Adler vont jouer leur va-tout que Rafael Santos Borré va prendre toute son importance. Auteur de quatre buts et de deux passes décisives en treize rencontres de Ligue Europa, il est impliqué dans 23% des buts de l’Eintracht lors de cette campagne. Il a aussi commencé tous les matchs de la compétition dans la peau d’un titulaire. Auteur du deuxième but au Camp Nou lors de la qualification contre le Barça en quarts de finale, il valide la place en finale des siens en marquant l’unique but du duel retour de demi contre West Ham.

Dans la chaude nuit de Séville, Borré a l’occasion d’enfin endosser le costume du premier rôle dans un épilogue continental. Il répondra au but d’ouverture écossais d’Aribo en prolongeant victorieusement un délice de centre issu du pied gauche magique de Filip Kostic.

Rafael Santos Borré a le droit de brandir la Ligue Europa. Ce succès est en grande partie le sien.
Rafael Santos Borré a le droit de brandir la Ligue Europa. Ce succès est en grande partie le sien.© iStock

Il ne lui restait plus qu’à conclure le travail en convertissant le dernier tir au but des siens après que Kevin Trapp ait effectué une partie du travail en stoppant la tentative d’Aaron Ramsey. Face à l’immense Allan McGregor, son pied droit ne tremble pas. L’Eintracht Francfort est au paradis et la joie est forcément à son comble pour le nouveau héros de la Launische Diva (ou Diva Capricieuse)

« C’est beaucoup d’émotion. J’avais rêvé de cette nuit, que ça allait être une nuit historique pour le club, une nuit historique pour moi. C’est mon premier titre européen, et cela me remplit de bonheur. Être important pour l’équipe, c’est très beau, et je garderai ce souvenir à tout jamais, déclarait le héros de l’Estadio Ramon Sanchez Pizjuan à la télévision colombienne. « Je savais que je pouvais aider l’équipe par mon expérience dans ce genre de compétitions qui me plaisent, et aujourd’hui ça a bien fonctionné pour moi. Maintenant, on va en profiter. » . Désormais, Rafael Santos Borré a été roi sur deux continents, mais cette fois, son nom sera associé en lettres d’or à l’un de ses titres.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire