Guillaume Gautier

Quand le racisme arrive, le football doit partir

Guillaume Gautier Journaliste

Les joueurs de Basaksehir et du PSG ont quitté la pelouse du Parc des Princes suite à un incident raciste. Un geste fort dont le football avait besoin.

Jusqu’ici, les actions les plus fortes contre le racisme avaient souvent pris l’allure d’exploits individuels. Mario Balotelli qui veut quitter la pelouse lors d’un déplacement de Brescia à Vérone, où il est accueilli par des cris de singe. Moussa Marega qui demande son remplacement après les insultes descendues des tribunes du Vitória Guimarães. L’image est toujours identique: un homme qui décide que c’en est trop, et les vingt-et-un autres acteurs qui font tout pour le retenir. Comme si le choix de quitter la pelouse était un caprice. Avec toujours le même argument: si tu t’en vas, ce sont eux qui gagnent. Raisonnement aux airs absurdes : les supporters concernés sont-ils vraiment perdants si rien ne change? Sont-ils incités à changer de comportement quand l’amende infligée aux supporters de Guimarães pour les insultes envers Marega s’élève à 714 euros?

Tous les entraineurs vous le diront. Le plus beau sentiment du métier, c’est le sentiment d’harmonie totale qu’on peut ressentir au bout d’une action collective à la fin heureuse. Parce que la principale difficulté de la fonction, c’est sans doute de parvenir à faire penser onze joueurs à la même chose et en même temps.

Au Parc des Princes, un mardi soir de décembre aux allures décisives accouche, sans doute, de l’action collective la plus forte de l’année. Une symphonie de passes digne du Barça de Guardiola pour marquer un but d’exception sur la pelouse des valeurs. Parce que là, ils sont même vingt-deux à avoir la même chose en tête au même moment: quitter au plus vite ce terrain, parce que le football, aussi capital soit le match, n’a plus de sens depuis que le quatrième arbitre de ce PSG – Basaksehir a interpellé l’homme au sifflet pour lui demander de venir exclure « le noir » du banc turc.

« Le noir », c’est Pierre Webó. Cinq cent matches chez les pros, dont plus de la moitié sur les pelouses espagnoles. Près de soixante sélections avec le Cameroun. Mais ce soir-là, au Parc des Princes, il n’est rien d’autre qu’un « negru » pour le quatrième arbitre roumain, visiblement pas adepte de l’étude détaillée des visages qu’il sera amené à croiser durant la rencontre.

C’en est trop pour Demba Ba, assis sur le banc turc, qui sonne la révolte collective et invite tout le monde à rentrer au vestiaire. Neuf mois après la sortie d’Adèle Haenel, partie avec fracas de la salle Pleyel, théâtre de la cérémonie des César, suite à un prix remis à Roman Polanski, 2020 accouche d’un deuxième symbole fort en plein coeur de Paris.

L’UEFA tente de jouer le match malgré tout, en envoyant le quatrième arbitre face aux caméras du VAR comme on cache un tas de poussière sous le tapis, et finit par communiquer à retardement, loin de l’image véhiculée par les slogans « Say no to racism » et les genoux ployés et poings levés avant les rencontres européennes pour « Black Lives Matter ». En vain: les joueurs font front contre l’instance, aidés par le fait qu’aucun des deux clubs n’est finalement coupable de l’arrêt. Ni joueur, ni membre du staff, ni supporter. Il aura fallu qu’un homme neutre dépasse les bornes pour que le football prenne son histoire en mains.

L’homme en noir peut pourtant parfois enfiler le costume du héros. Parfois dans l’anonymat d’une pelouse provinciale, interrompant un match et refusant de le reprendre tant que la personne qui a lancé depuis les tribunes un « retourne manger des bananes » ne se dénonce pas et n’est pas expulsée des installations. Une scène datée de la fin de l’été, et un raisonnement qui était finalement le même que celui de Demba Ba. Celui que nous devrions tous avoir en pareilles circonstances: là où il y a du racisme, il ne peut pas y avoir de football.

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