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Procès Fifa: la corruption en Amérique latine établie, mais jusqu’où?

Après un mois d’audiences au procès Fifa à New York, personne ne doute que la corruption parmi les patrons du football en Amérique latine était largement répandue. Reste maintenant à la justice américaine de prouver aux jurés que les trois accusés en ont profité.

Les dépositions devant le tribunal fédéral de Manhattan sont terminées, après avoir exposé les pratiques qui ont eu lieu pendant 25 ans: des millions de dollars de pots-de-vin dépensés pour influer sur la promotion et l’attribution des droits télévisés pour les principaux tournois du continent sud-américain, connu pour sa passion du ballon rond.

Dans sa plaidoirie finale, la procureure Kristin Mace a fait valoir que les témoignages, venus pour la plupart de responsables directement impliqués dans cette corruption, et eux aussi inculpés, avaient « fourni une vision inédite de cette large et puissante association internationale de malfaiteurs », qui a permis d' »enrichir l’élite du football mondial » aux dépens des fédérations « qu’ils étaient censés servir ».

Sur les 42 personnes mises en cause par la justice américaine dans cette affaire, apparue au grand jour lors d’arrestations spectaculaires au congrès de la Fifa à Zurich en mai 2015, seules trois étaient en procès à New York: José Maria Marin, 85 ans, ex-président de la puissante fédération brésilienne, Juan Angel Napout, 59 ans, ex-président de la fédération paraguayenne et de la Confédération sud-américaine Conmebol, et Manuel Burga, 60 ans, ex-dirigeant de la fédération péruvienne. Les trois hommes attendent désormais que leur sort soit tranché par un jury populaire new-yorkais.

« Chacun d’eux s’est présenté la main tendue et, sans honte aucune, a accepté d’être inclus dans les versements » de pots-de-vin, adhérant ainsi à un fonctionnement « entièrement corrompu », a affirmé Mme Mace. Au lieu « de faire un travail honnête dans l’intérêt de leurs fédérations », ils ont cédé à la « cupidité », « se préoccupant avant tout de leurs intérêts », a-t-elle poursuivi. Les millions de pots-de-vin qu’ils ont perçus ont été « autant d’argent perdu » pour le football de leur région, selon la procureure. Ces millions versés par des chaînes de télévision et des sociétés de marketing sportif, pour obtenir de juteux contrats de droits TV, ont aussi entravé la concurrence nécessaire pour fixer « le juste prix » de ces droits, a-t-elle affirmé.

Si les avocats de la défense n’ont pas contesté la prévalence de cette corruption, saluant même le travail « très complet » mené ces dernières années par les enquêteurs, ils ont en revanche tout fait pour décrédibiliser les deux témoins les plus accablants de l’accusation, l’Argentin Alejandro Burzaco et le Colombien Luis Bedoya. M.Burzaco, qui dirigeait la société argentine de marketing sportif Torneos y Competencias, « est un menteur, un tricheur et plus que ça, un manipulateur », qui avait tout intérêt à impliquer M.Napout pour essayer d’éviter lui-même la prison, a ainsi assuré, l’avocat de M.Napout, John Pappalardo.

Ce dernier a également affirmé que les procureurs n’avaient présenté « aucune preuve » ni « aucun témoignage » établissant « au-delà du doute raisonnable » que M.Napout aurait accepté des pots-de-vin.

Si Alejandro Burzaco et Luis Bedoya, notamment, ont témoigné en détails des pots-de-vin reçus par M.Napout, ils ont reconnu ne pas lui avoir versé l’argent personnellement, a souligné l’avocat. Mais le circuit de paiements des pots-de-vin présenté par l’accusation était plus subtil: il impliquait une multitude d’intermédiaires ou de sociétés-écran, avec des comptes bancaires aux Etats-Unis, en Suisse et en Andorre et des marques de voiture comme noms de code pour les bénéficiaires.

L’avocat de M.Burga a pour sa part affirmé que la justice américaine était « allée un peu trop loin », tant elle tenait, selon lui, à « nettoyer le secteur » après l’attribution du Mondial-2022 au Qatar en 2010, aux dépens de la candidature américaine et à la suite du vote de certains responsables corrompus. Cela aurait amené la justice, selon lui, à inculper des responsables « sans preuves insuffisantes ».

Aussi fouillé qu’ait été ce procès, il s’est concentré sur le football sud-américain, mentionnant uniquement brièvement certains responsables européens comme l’ex-président de la Fifa Sepp Blatter, son ex-adjoint Jérôme Valcke, inculpé par la justice suisse, ou le président du Paris Saint-Germain et patron de BeIN Media, Nasser Al-Khelaïfi. MM. Valcke et Al-Khelaïfi sont actuellement dans le collimateur de la justice suisse pour des allégations de corruption autour de l’attribution de droits télé des Coupes du monde 2026 et 2030, qu’ils démentent.

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