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Pourquoi Pep Guardiola est le meilleur coach du monde

Pep Guardiola est le meilleur. Le Catalan avait déjà signé la plus longue série de victoires d’affilée en Espagne et en Allemagne, et vient de faire pareil en Angleterre, avec vingt succès de rang. Señor Pep ne cesse de se réinventer. Pour sa cinquième année à City, il fonce vers le titre. Voici son secret, en quatre grands principes.

OSER S’ADAPTER

Pep le caméléon. C’est ainsi que Marti Perarnau qualifie Pep Guardiola dans un des deux livres qu’il a écrits sur lui. Le Catalan est un adepte de Cruijff. « N’essayez pas de contrôler l’adversaire, contrôlez le ballon, le jeu. Mais adaptez-vous, à l’adversaire comme aux joueurs disponibles ». En 2016, quand Guardiola quitte le Bayern pour Manchester City, il déclare être un meilleur entraîneur qu’à son départ du Barça: « Là, je mettais tout en oeuvre pour que le ballon parvienne à Lionel Messi, qui faisait la différence. En Bundesliga, j’ai dû chercher d’autres solutions. »

Pep pioche des idées partout: auprès de ses collègues, dans le milieu des échecs, du rugby, du basket, du handball…

Guardiola entretient sa passion, mais fait preuve de souplesse. Il dispose probablement en Kevin De Bruyne (29 ans) du meilleur milieu de terrain du monde, mais jamais il n’a laissé City dépendre du Belge. Celui-ci a été une figure centrale de son premier titre anglais, avec un record de cent points, avec huit buts et seize assists, mais la saison suivante, des blessures l’ont handicapé. Bilan: deux buts et autant de passes décisives. City n’en a pas moins été la première formation anglaise à réussir le triplé. De Bruyne a également raté plusieurs matches de l’excellente série réalisée cette saison.

Couler le City de Pep dans un seul système est une gageure. Cette saison, il a déjà procédé en 4-2-3-1, 4-1-4-1, 4-3-3, 3-5-2, avec ou sans numéro 9. Les observateurs ont dénombré 23 variantes au Bayern. On lui a parfois reproché de vouloir jouer avec onze médians au Barça, avec cinq attaquants au Bayern et aucun à City. En fait, on ne sait jamais à quoi s’attendre, si ce n’est à ceci: l’équipe de Guardiola ne procédera quasi jamais en contre. Ce n’est pas sa marque de fabrique, pas plus que la précipitation.

Guardiola va très loin dans la préparation des matches. En 2016, quand le Bayern a affronté l’Atlético de Madrid en demi-finales de Champions League, Pep a étudié l’attaque de son adversaire et la manière de faire mal à sa défense sans prendre de risque trois jours durant. Sa conclusion, le 1er mai, deux jours avant le match retour, après un revers 1-0 à l’aller? « Je suis coincé. J’ai tellement réfléchi… » Et le score final? 2-1, avec un Bayern éliminé.

Perarnau use d’une belle image: le trencadis de Gaudi. Toutes les pièces s’emboîtent pour produire un ensemble de toute beauté. Le perfectionniste essaie d’inculquer son football à son équipe durant des sessions de quinze à vingt minutes. Il expose tous les scénarios possibles: comment neutraliser les points forts de l’adversaire, ce qui risque de faire mal à ses joueurs. Il explique toutes les variantes tactiques adverses sur écran.

Les Anglais lui reprochent de trop réfléchir aux big games. C’est notamment son problème en Ligue des Champions, qu’il n’a plus gagnée depuis 2011. La réponse de Pep est la suivante: « La vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain. Il faut changer. »

ÊTRE PRAGMATIQUE

Pep le romantique. Modérément. Pep Guardiola attache plus d’importance au résultat qu’à la manière, selon ses proches. Il veut offrir leur dose d’émotion aux supporters, mais avant tout par les résultats. Il ne supporte pas qu’on fasse l’apologie du tiki-taka. À ses yeux, c’est un football sans objectif ni agressivité, basé sur la seule possession du ballon. José Mourinho applique le même style à peu près partout, mais Guardiola n’a pas tenté de reproduire partout en Europe un mini-Barça, même s’il s’en tient à certains principes. Il faut améliorer ce qui ne fonctionne pas au lieu de changer d’idée. Mais son Bayern jouait différemment du Barça, de même que le City actuel est différent de l’équipe d’août 2017, au début de sa deuxième année, la première étant une saison d’adaptation. Jusqu’en mai 2019, City n’a perdu que six matches en championnat et a empilé les buts. Cette année, c’est Boring City. L’équipe ne va pas frôler les cent buts comme lors des trois derniers exercices. Elle en a inscrit 52 en 26 matches, soit deux en moyenne.

ÊTRE CURIEUX

Pep l’étudiant. La NBA le fascine. Il pioche des idées partout, à la recherche du détail qui changera tout, auprès de ses collègues (Cruijff, Menotti…), dans le milieu des échecs, du rugby, du basket, du handball. Quand il jouait pour les Dorados, au Mexique, il a hésité à devenir entraîneur. Il a pris l’avion pour Buenos Aires, avec son ami madrilène David Trueba, écrivain et scénariste. Ils ont eu une discussion de onze heures avec Marcelo Bielsa. Guardiola a beaucoup apprécié que l’Argentin consacre autant de temps à un nobody.

DÉLÉGUER

Ce qu’on apprend à l’entraînement se voit en match, mais ne pensez pas que Guardiola passe des heures sur le terrain. Déjà à Barcelone, il confiait cette tâche à ses adjoints. Paco Seirul-Lo, le préparateur physique du Barça, qui avait une grande influence sur Guardiola, le dépeint ainsi dans le livre de Perarnau: « Avant, on jouait un match par semaine. Le rythme actuel est nettement plus élevé, ce qui requiert plus de temps pour préparer les matches. Pep passait tout au plus une demi-heure sur le terrain. Il corrigeait quelques détails, sans plus, car il pensait déjà au match suivant. Il disparaissait, pour visionner autant de matches de l’adversaire qu’il le jugeait nécessaire. Pep laisse le travail de terrain à ses adjoints, à l’analyste vidéo et au préparateur physique. Ça suscitait un stress énorme la veille et le jour des matches. Tout tournait alors autour des analyses, des directives et du coaching. »

Ses adjoints occupent donc un rôle crucial. Il les perd parfois, car ils peuvent tous devenir entraîneur principal. Vilanova a repris le Barça, Arteta a rejoint Arsenal, Domenec Torrent New York City puis Flamengo. Juanma Lillo est son nouveau bras droit, depuis l’été. Il s’est fait remarquer à Oviedo et Pep, qui entraînait alors Barcelone, a frappé à sa porte après un match. Pouvaient-ils parler de football? Ils ont failli travailler ensemble en 2003 déjà. Lluis Bassat comptait gagner les élections présidentielles barcelonaises en nommant Pep directeur technique. Celui-ci voulait confier le poste d’entraîneur à Lillo. Mais Joan Laporta a remporté l’élection et Lillo est resté dans l’anonymat, du moins pour les non-initiés.

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