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Pourquoi les Allemands se détournent de leur Mannschaft

Prestations médiocres, sélectionneur critiqué et taxé d’arrogance, audiences TV en chute libre: le désamour entre le public et l’équipe d’Allemagne s’aggrave, à huit mois de l’Euro où elle jouera dans le groupe de la France et du Portugal.

Mardi soir contre la Suisse en Ligue des Nations (20h45), le coach Joachim Löw sera dos au mur: une victoire est impérative pour conserver au moins la deuxième place de la poule, derrière l’Espagne, mais aussi et surtout pour contrer les attaques dont il est l’objet.

« On se fout de la gueule des téléspectateurs! » Lothar Matthäus, champion du monde 1990 et désormais consultant redouté, a tiré à boulets rouges la semaine dernière: « Ce n’est pas notre équipe nationale (…) En équipe nationale, nous voulons voir jouer les meilleurs ».

En cause, la convocation en septembre et encore la semaine dernière en amical contre la Turquie d’une équipe « B », privée de ses cadres les plus importants, laissés au repos. Mais aussi le choix assumé contre vents et marées par Löw d’avoir mis d’office à la retraite Jérôme Boateng, Mats Hummels et Thomas Müller, jeunes trentenaires.

Le cas Thomas Müller

Un choix éditorial du magazine Kicker souligne bien le fossé qui sépare la Mannschaft de la communauté des fans: en pleine semaine internationale, la Bible du foot allemand consacre lundi sa Une à… Jérôme Boateng, de retour au sommet avec le Bayern Munich.

L’étude des audiences TV donne raison au journal: le match contre la Turquie mercredi dernier n’a rassemblé que 6,77 millions de téléspectateurs, la plus mauvaise performance en terme de part de marché (21,6%) du diffuseur RTL pour un match de l’équipe nationale depuis les débuts de Joachim Löw, en 2006.

Samedi soir, en direct devant des millions de téléspectateurs après la victoire poussive contre l’Ukraine (2-1), l’ancienne idole de l’Allemagne Bastian Schweinsteiger, champion du monde 2014 avec Löw, a plaidé pour un retour de Müller. « On ne peut plus s’identifier à 100% à cette équipe nationale, c’est dommage », a-t-il lâché.

Olaf Thon, champion du monde 1990, enfonce le clou dans un éditorial de Kicker: « Il manque à cette équipe le gène de la victoire, cette volonté absolue d’atteindre l’objectif, si l’on excepte les joueurs du FC Bayern », écrit-il: « Pour cette raison aussi Löw aurait dû continuer à s’appuyer sur Thomas Müller. Pour moi c’est une faute de ne plus rappeler un joueur aussi important et polyvalent, pour des raisons contestables ».

« Accès d’arrogance »

Le sélectionneur, lui, reste droit dans ses bottes: il est en train de mettre en place une nouvelle génération, à laquelle il veut donner « de la place et du temps pour qu’elle s’épanouisse ». Ecarter les anciens du titre mondial de 2014 (à l’exception notable de Manuel Neuer et Toni Kroos) répond à cette logique.

Thon, lundi, a brisé un tabou encore solide en Allemagne, en demandant carrément son départ: « Après l’Euro, Jögi doit laisser la place. Il faut un nouvel entraîneur (…) à vrai dire il aurait déjà dû passer la main après la déception du Mondial-2018 », quand l’Allemagne avait connu la première élimination en phase de groupes de son histoire, estime-t-il.

La réaction de Joachim Löw aux critiques ces derniers jours a joué contre lui. Celui dont plusieurs proches disent — sous couvert de l’anonymat — qu’il « vit dans son monde à lui » depuis qu’il a été champion du monde, a répondu avec un mélange d’agacement et de suffisance: « Très honnêtement, je n’ai rien lu ces derniers jours, parce qu’il m’est parfaitement égal de savoir qui écrit quoi. Je suis totalement convaincu par les choses que je fais ».

Le site Sport1 a dénoncé un « accès d’arrogance » dans un éditorial très commenté. Demi-dieu intouchable après son triomphe au Brésil, le sélectionneur passe désormais pour un homme enfermé dans ses certitudes et sourd aux critiques.

Seule la victoire, et un Euro réussi, peuvent encore le sauver.

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