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Pourquoi Adnan Januzaj n’est toujours pas devenu une référence

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Malgré un talent incontestable, le gaucher n’est pas encore incontournable à la Real Sociedad. À moins que ces dernières semaines aient enfin servi de déclic?

Chaque mercredi, Sport/Foot Magazine fait le focus sur l’un des membres de la sélection élargie de Roberto Martinez, avec l’EURO dans le viseur.

Même au fin fond des récits bibliques, difficile de trouver une trace de l’heure à laquelle apparaissent les anges. Pourtant, chez les aficionados de la Real Sociedad, on assure en avoir vu un dimanche dernier, quand la nuit tombait sur Madrid. Ces cheveux blonds qui approchent la ligne de touche du stade Wanda Metropolitano à 22h44 n’ont rien de la teinte angélique naturelle. Mais quand le peroxydé Adnan Januzaj fait trembler les filets de Jan Oblak pour arracher un partage synonyme de sixième place, ce sont bel et bien les portes du paradis européen qui s’ouvrent devant le club basque.

Tout Januzaj est dans ces quelques instants d’euphorie. Un retour qu’on n’attendait plus, après une blessure qui devait mettre un terme à sa saison ; un dribble audacieux, presque effronté, entre Renan Lodi et Yannick Carrasco, pour obtenir un coup franc excentré ; et une frappe sèche et ambitieuse, qui surprend la vigilance et l’agilité de l’un des meilleurs gardiens du monde.

Adnan Januzaj ne compte que 36% de temps de jeu cette saison.

Le gaucher de Bruxelles boucle en beauté une saison difficile. En plein mois de septembre, son coach le laissait hors de sa sélection pour un déplacement à l’Espanyol Barcelone, qualifiant son attitude à l’entraînement de « scandaleuse ». Au bout des 38 journées de Liga et du parcours héroïque de la Real en Copa, Adnan Januzaj ne compte que 36% de temps de jeu, sa plus faible moyenne depuis son arrivée au Pays Basque. Mais dans le money-time, celui qui avait été transféré à l’été 2017 pour devenir le joueur majeur des Txuri-urdin a fait ce que son club a toujours attendu de lui: marquer le but qui compte plus que tous les autres. Celui qui envoie son équipe dans les poules de l’Europa League.

LE TALENT NE SUFFIT PAS

Le coup franc fouetté au fond des filets de Jan Oblak est la cerise sur le gâteau d’une fin de saison aboutie, bien qu’entravée par une blessure en bout de course. Depuis la fin du confinement, le Belge est, de loin, le meilleur joueur d’une Real Sociedad essoufflée. Sa prise de pouvoir sur le jeu offensif des siens a coïncidé avec la baisse de régime de Martin Ödegaard, numéro 10 prêté par le Real Madrid et homme en vue de la saison du côté d’Anoeta. Passeur redoutable, le Norvégien semblait mieux s’accommoder de la présence à droite du très vertical Portu, arrivé l’été dernier, plutôt que d’un Januzaj qui aime être servi dans les pieds. Pas avare en efforts, le puissant Espagnol a rapidement relégué hors du onze le doué mais nonchalant Januzaj.

Je pense qu’il s’est rendu compte que pour être un joueur de Liga, le talent ne suffisait pas. Parce qu’à la Real, du talent, les autres en ont aussi.

Imanol Alguacil, coach de la Real Sociedad

« Le talent de Janu lui a longtemps suffi. Mais cette année, je l’avais prévenu que ça n’irait pas comme ça », raconte son coach Imanol Alguacil à AS, pour expliquer le temps de jeu famélique de son Diable rouge lors de la première partie de saison. « Il n’était pas très bien physiquement cet été, il a eu du mal à comprendre mais je pense qu’il s’est rendu compte que pour être un joueur de Primera, le talent ne suffisait pas. Parce qu’à la Real, du talent, les autres en ont aussi. »

PLUS SPECTACULAIRE QUE DÉCISIF

Absent de la dernière sélection de Roberto Martinez au mois de novembre, Januzaj s’est réveillé en même temps que 2020, comme si son horloge biologique avait une nouvelle fois senti l’imminence d’un grand tournoi international. Deux jours après la fin d’un mercato qui avait vu ses flirts italiens se heurter à sa mise à prix (18 millions d’euros), Janu est titulaire contre Leganés et anime les offensives des siens. Trois semaines plus tard, il profite de la suspension de Portu pour envoyer un missile dans la lucarne de Valence. Rares, mais fracassantes, les apparitions recommencent alors à se multiplier. Et les buts arrivent: 4 sur les 591 dernières minutes de sa saison, après être resté muet lors des 573 premières.

Au décompte final, la saison de Januzaj reste décevante. Décisif à sept reprises (4 buts et 3 passes décisives), il n’est que le sixième joueur le plus impliqué dans les buts de son équipe derrière Mikel Oyarzabal (21), Portu (14), Willian José (12), Alexander Isak (11) et Ödegaard (10). En Liga, il n’est que le 70e joueur le plus décisif de la saison, dépassé par certains défenseurs des ténors du classement.

Avec 10,87 dribbles tentés par match, Januzaj est la référence en la matière pour la Liga. Il devance même Lionel Messi.

« Avec mes qualités, je dois marquer plus de buts et faire plus d’assists », reconnaît le Bruxellois. Roberto Martinez opine du chef: « Il a les qualités pour être le joueur le plus important de son équipe. » Mais actuellement, Adnan est surtout précieux pour la Real Sociedad quand il s’agit de jouer les détonateurs. Avec 10,87 dribbles tentés par 90 minutes, il est le champion d’Espagne de la spécialité, le seul à regarder de haut Lionel Messi. Et ses 54% de réussite rendent ses percussions indispensables pour déverrouiller les adversaires bien organisés.

Reste à apporter ses tours de magie jusqu’au tableau d’affichage. Imanol Alguacil espère avoir enfin déclenché la carrière de Januzaj, pour le faire passer d’artiste à footballeur. « Ces dernières semaines, il était différent », racontait-il quand Noël frappait aux portes de l’Espagne, augurant une année 2020 aboutie. « Je pense qu’il s’est rendu compte de ce qu’il devait faire. Si c’est le cas, il pourrait devenir un joueur super important. »

Et enfin devenir, sept ans plus tard, celui que le football attendait bien plus haut que dans le subtop de la Liga?

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