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Olympique de Marseille: le Vel’ au vent

Pour la deuxième saison – la première complète – depuis l’arrivée du repreneur américain Franck McCourt, l’Olympique de Marseille retrouve sa classe européenne. Retour sur la construction d’un projet tout aussi solide qu’ambitieux.

D’un extérieur du pied, Dimitri Payet étale toute sa classe et libère tout un peuple. Après un  » une-deux  » avec Florian Thauvin, l’international français envoie l’Olympique de Marseille en demi-finale de l’ Europa League. 4-2. Les Marseillais résistent et portent le coup de grâce par l’intermédiaire du Japonais Hiroki Sakai, qui marque dans un but laissé vide par le gardien, pris de court par la contre-attaque des joueurs de Rudi Garcia. Leipzig rentre au bercail.

Jacques-Henri Eyraud communique sur Twitter où, à petites doses et à coups de hashtags #TousOlympiens, il publie les clichés de ces visites ou des citations.

L’OM retrouve le dernier carré d’une compétition européenne, quatorze ans après ( voir cadre) et le Vélodrome bouillonne comme jamais. Ou, du moins, l’enceinte mythique montre à nouveau son meilleur profil pour un record d’affluence : 61.882 spectateurs. Le 12 avril dernier se coche d’une croix rouge dans le calendrier des dirigeants de la maison ciel et blanc. Une date-clé et un match référence, enfin, pour l’ OM Champions Project, installé dans le sud de la France depuis octobre 2016.

À l’époque, l’Américain Franck McCourt reprend le club et place à la tête du directoire, un inconnu du grand public, diplômé de Sciences Po, homme d’affaires et patron de presse. Le quasi-quinqua Jacques-Henri Eyraud devient président et nomme Andoni Zubizarreta, en provenance du Barça, au poste de directeur sportif. Après une première saison de transition, où l’OM termine malgré tout cinquième, l’exercice actuel matérialise des ambitions affichées mais réfléchies : refaire du club une place-forte du football français et européen.

Un groupe est né

Le 27 août dernier, le tonnerre frappe à Louis-II. Monaco, champion sortant, en enfile six à Marseille, qui sauve l’honneur une seule fois. L’affront ressemble à un set de tennis : 6-1. Dans la foulée, le 10 septembre, l’OM s’incline à nouveau, à domicile, contre Rennes (1-3). Si ces deux revers provoquent les railleries et les critiques quant au sérieux du projet, ils ont le mérite de créer l’électrochoc dans l’effectif olympien. Un groupe naît et Marseille enchaîne trois mois d’invincibilité, jusqu’au 17 décembre et une défaite à Lyon (2-0), principal concurrent au podium.

Huit mois plus tard, les supporters marseillais se satisfont d’une compétitivité retrouvée, bien que l’ Europa League ne soit plus que le seul chemin pour décrocher un titre, synonyme de première ligne au palmarès depuis le passage sous pavillon américain. Après 34 journées de championnat, les Phocéens se classent  » seulement  » quatrièmes, avec 69 points, à égalité avec leurs rivaux lyonnais. Mais jamais une équipe au pied du podium n’avait compté autant d’unités à ce stade de la compétition.

Pour poser les bases du projet, le board olympien a d’abord choisi de céder aux cris du coeur. Le procédé rappelle celui enclenché par Bruno Venanzi en bord de Meuse. Ainsi, les anciens de la maison Dimitri Payet (janvier 2017) et Steve Mandanda (juillet 2017) reprennent les clés sous le paillasson, quand Valère Germain, fils de Bruno, icône locale, et fan invétéré du club depuis sa naissance, quitte le Rocher de Monaco pour le Vieux-Port de Marseille (été 2017).

Le duo Eyraud-Zubizarreta signe aussi majoritairement des joueurs français ou étiquetés Ligue 1 : Morgan Sanson (janvier 2017), Adil Rami (juillet 2017), Jordan Amavi (août 2017). Tous apportent leur pierre à l’édifice et savent ce que représente l’institution OM. En juillet, Luiz Gustavo rejoint le groupe pour l’encadrer. L’international auriverde, passé par le Bayern, accueilli sous les yeux sceptiques des observateurs, met progressivement tout le monde d’accord. À bientôt 31 ans, il apporte expérience, vision du jeu et excelle dans tous ses compartiments.

Luiz Gustavo, le patron

 » Peu importe où il joue, le plus important, c’est qu’il soit sur le terrain « , assure Rudi Garcia, avant le quart de finale, à Leipzig. À l’aller comme au retour, Luiz Gustavo, habituellement milieu défensif, est aligné en défense centrale. Celui qui s’exprime de mieux en mieux en français s’impose en patron, pour devenir l’un des visages du projet. Après la première rencontre chez les Allemands (défaite 1-0), Payet souffle dans le même sens que son coach :  » On pourrait le mettre gardien, il serait bon aussi…  »

Pour les quarts, le Brésilien épaule en défense le jeune Boubacar Kamara, 18 ans. Pur produit du centre de formation, le prodige saisit sa chance dès qu’on la lui donne. La signature de son premier contrat pro, feuilleton clôturé fin mai 2017, constitue l’un des premiers gros challenges du duo Eyraud-Zubizarreta : garder et promouvoir les talents du cru.

Pour ce faire, Eyraud a également trouvé son  » Gerrard « , comme il le souhaitait lors de son arrivée, en la personne de Maxime Lopez (20 ans), révélation la saison passée. La région regorge de pépites et le président phocéen ne veut pas qu’elles lui glissent entre les doigts, à l’instar de ses prédécesseurs.

Le 2 novembre, les murs de La Commanderie tremblent. Lors d’une visite à Guimaraes, au Portugal, Patrice Evra échange des mots avec ses supporters. La discussion se termine par un high-kick de l’ex-capitaine mancunien, qui tire par la même occasion un trait sur son histoire olympienne débutée quelques mois plus tôt, en janvier 2017.

Dans la tempête médiatique, Jacques-Henri Eyraud, alias JHE, reste muet. Avant de sortir un communiqué officiel huit jours plus tard, le 10 novembre :  » D’un commun accord, l’Olympique de Marseille et Patrice Evra ont décidé de mettre fin à leur collaboration. Le contrat du joueur est officiellement résilié avec effet immédiat « .

Evra : un message fort

JHE envoie un message fort. On ne touche pas à l’institution. Quel que soit le CV, l’aura, le palmarès. Eyraud se dit quand même  » triste « , aussi bien pour Evra, qui a commis  » l’irréparable  » et qui a retrouvé depuis un employeur du côté de West Ham, que pour ses supporters, stigmatisés par une minorité d’entre eux. En fin communicant, il éteint l’incendie et s’évite surtout une longue procédure juridique qui aurait pu se retourner contre son écurie.

Depuis son arrivée, le patron de Turf Éditions s’attelle à renforcer le lien affectif entre le club, les joueurs et leur public. Après le départ de Marcelo Bielsa, le technicien argentin qui avait ravivé la flamme du Vélodrome jusqu’en août 2015, l’OM entretenait des relations très compliquées avec ses suiveurs.

Un rapport d’amour-haine personnifié par Vincent Labrune, l’ancien président. Un soir d’avril 2016, les South Winners, groupe historique d’ultras phocéens, avaient brandi des banderoles représentant des chèvres avec le maillot ciel et blanc, sur fond de musique de Benny Hill.

Alors, JHE se donne une autre mission : reconquérir le coeur de ses fans. Pour le moment, c’est plutôt réussi puisque la ville, la région et une bonne partie du pays vibrent derrière la dernière performance européenne du club. Cette reconquête s’opère sur tous les fronts. Quand le natif de la capitale ne se rend pas dans les écoles, sweat à capuche du club sur le dos, il tape la pose avec les pompiers du coin, en combinaison. Eyraud séduit en jouant les hommes politiques.

#TousOlympiens

Il poursuit sa stratégie de communication sur Twitter où, à petites doses et à coups de hashtags #TousOlympiens, il publie les clichés de ces visites ou des citations, comme celle-ci, mi-avril, à la gloire de sa cité d’adoption :  » Aujourd’hui, je sais qu’il y a une vie après la Porte d’Orléans. Maintenant, je respire la brise du Vieux Port, dans Marseille la magnifique « (Marie-France Etchegoin, 1993). Au passage, il glisse une petite pique aux Parisiens. De quoi gonfler son capital sympathie.

Si ses sorties restent très soignées, le désormais quinquagénaire s’est lâché le jour du réveillon de Noël, sur le même réseau social. Son homologue lyonnais, Jean-Michel Aulas, lui reproche alors une interview donnée à L’Equipe où il pointe le nombre de pénaltys accordés à l’OL. Les deux hommes se rendent la pareille et le clash JMA-JHE fait le buzz.

Dans une lutte aux allures gamines, Eyraud gagne encore en popularité, pour ne pas s’être assis devant le  » plus grand président de club de foot en France depuis plus de 20 ans « , selon ses propres mots, deux mois plus tard sur le plateau de Téléfoot. Il ajoute, sourire en coin :  » Inconsciemment, je dois vouloir lui ressembler « . Imparable.

Par Nicolas Taiana

Florian Thauvin, auteur d'un grand match à l'Athletic Bilbao, notamment.
Florian Thauvin, auteur d’un grand match à l’Athletic Bilbao, notamment.© BELGAIMAGE

Un cierge et des seconds couteaux

Depuis sa rénovation pour l’EURO 2016, l’enceinte peine à garnir ses travées. Mais face à Leipzig, le Vel’ affiche un visage rayonnant. Une atmosphère bouillante qu’on devrait revoir pour la réception des Autrichiens de Salzbourg. La Canebière s’enflamme en fait pour une équipe qui lui ressemble, construite pour lui plaire, avec du caractère.

Jusqu’en début de saison, Marseille avait tendance à baisser les bras lorsque l’équipe était menée, notamment à domicile. Ce n’est plus le cas. En 33 journées de championnat, l’OM est allé chercher 13 points dans le money time.

Le match à Troyes, dans la foulée du retour triomphal en Europa League (victoire 5-2), constitue l’un des derniers exemples en date. Menés deux fois, les Olympiens l’emportent 2-3 à quatre minutes du terme, grâce à Florian Thauvin.

 » Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais il y a une grosse partie mentale « , explique le héros du soir.  » C’est jouissif. C’est un grand résultat avec une équipe qui a du talent et un caractère immense « , abonde Rudi Garcia. D’autant que son équipe l’emporte aussi grâce à des seconds couteaux presque déjà enterrés.

Clinton Njie, qui partira probablement cet été, et Kostas Mitroglou, panic buy des derniers instants du mercato d’été, sont les deux égalisateurs marseillais. Si le Camerounais est souvent branché sur courant alternatif, le Grec, arrivé blessé mais contre un chèque de 15 millions d’euros, devait être le  » grand attaquant  » espéré sur La Canebière.

Il se retrouve plutôt en balance avec Valère Germain, qui tarde lui aussi à convaincre. Quoi qu’il en soit, ils prouvent tous qu’ils font partie d’un groupe équilibré, où chaque élément joue son rôle.

L’équipe, toujours timide devant les  » gros  » (défaites contre Paris, Lyon, Monaco), reste tout de même portée par Thauvin et Dimitri Payet, de nouveau en feu avant le Mondial. Le Réunionnais se découvre aussi une âme de leader.

 » On a fait de la merde. On a fait un match de fou jeudi et on oublie les fondamentaux en trois jours. On oublie de jouer simple, de jouer en équipe, on oublie tout « , grince-t-il à Troyes, brassard de capitaine accroché au biceps, en l’absence de Steve Mandanda.  » On gagne, mais il faut aller brûler un cierge à l’église.  » Il n’est jamais trop tard pour se repentir.

Rudi Garcia, un coach à poigne.
Rudi Garcia, un coach à poigne.© BELGAIMAGE

Une histoire d’amour

L’OM retrouve le dernier carré d’une compétition européenne (sans compter la Coupe Intertoto). Une première depuis 2004. Cette année-là, Marseille élimine Newcastle en demi-finale de la Coupe de l’UEFA – avec un énorme Didier Drogba – avant de buter, en finale, sur Valence. Depuis, le seul vainqueur français de la Ligue des Champions (1993) n’a plus fait mieux que les quarts, en 2012, contre le Bayern.

Pour son retour en grâce, le club phocéen devrait encore exploser ses standards d’affluence. La Provence estime que le record établi face à Leipzig (61.882 spectacteurs) devrait sauter ce jeudi. Pas mal pour une équipe qui avait démarré sa saison en juillet et en préliminaires, avec une double confrontation qui l’avait amenée en balade sur la côte ostendaise (4-2 ; 0-0).

En face, Salzbourg vient de sortir Dortmund et la Lazio et s’était imposé, à domicile, contre Marseille en poule (1-0). Si l’OM nourrit une histoire d’amour toute particulière avec l’Europe, plus que toute autre entité hexagonale, le club provençal reste le champion pour déjouer les pronostics et tomber ensuite contre une équipe plus abordable sur le papier.

Les hommes de Rudi Garcia devront sortir leur plus belle partition s’ils veulent atteindre la finale, prévue chez leur rival lyonnais. Un beau clin d’oeil du destin.

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