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Olivier Deschacht, une personnalité à part

Olivier Deschacht a remporté son pari avec Anthony Vanden Borre: il a tenu jusqu’à quarante ans avant de raccrocher.

En novembre 2006, Sport/Foot Magazine consacrait un reportage à Olivier Deschacht. À l’époque, cela faisait déjà un bout de temps qu’il ne nous parlait plus parce que nous avions écrit qu’à Anderlecht, on se demandait parfois s’il avait le niveau. Il estimait que c’était exagéré. Pourtant, le doute était bel et bien là.

Nous avions demandé à Aimé Anthuenis, l’homme qui l’avait lancé le 18 décembre2001 face à Beveren, s’il avait directement décelé qu’il avait le potentiel pour jouer en D1. « Non, mais je n’étais pas le seul », affirmait alors l’ancien sélectionneur national. « Certains dirigeants affirmaient qu’il avait du potentiel, mais peut-être pas assez pour jouer à Anderlecht. »

FrankyVercauteren, qui l’a entraîné en Espoirs, puis en équipe première, n’était pas convaincu non plus. « Lorsque je l’ai vu pour la première fois, j’ai constaté qu’il avait pas mal de lacunes », disait-il en 2006. « Il manquait de coordination, il était assez renfermé, il ne parlait pas beaucoup et n’acceptait pas facilement la critique. Par contre, à l’entraînement et en match, il était performant. Il a éclos sur le tard, certains éclatent plus jeunes, mais ils sont déjà à leur maximum, lui pas. »

WimDeConinck, lui, se souvient de son passage par La Gantoise, en équipes d’âge: « En minimes, il était déjà critiqué. L’entraîneur ne l’alignait pas et quand on lui demandait pourquoi, il disait qu’il faisait jouer la meilleure équipe. Olivier n’en faisait pas partie. Mais en 2006, aucun des titulaires en minimes ne jouait en D1. »

Supplanter la concurrence

Après le départ de Didier Dheedene en 2001, c’est à Marc Hendrikx que fut confié le poste d’arrière gauche d’Anderlecht. Offensivement, il était bon, mais défensivement, il était moins fort que prévu. À l’entraînement, Deschacht faisait déjà parler de lui. Anthuenis se souvient d’un match amical contre Metz où l’extérieur droit français était trop fort. Il avait alors fait entrer Deschacht à vingt minutes de la fin en lui confiant une seule mission. « Dès le premier duel, le Français s’est retrouvé sur la piste. La deuxième fois, il n’a plus osé y aller. De toute ma carrière, j’ai rarement vu des joueurs progresser aussi rapidement qu’ Ollie. Mais au début, ce n’était pas encore suffisant. Il avait envie de faire mieux, il était terriblement exigeant envers lui-même et savait faire son auto-critique. »

En minimes à Gand, déjà, on le critiquait. L’entraîneur ne l’alignait pas parce qu’il disait qu’il faisait jouer les meilleurs. Et Olivier n’en faisait pas partie. » Wim De Coninck

Pourtant, que lisait-on dans notre Spécial Compétition en préface de la saison 2002-2003? « Au poste d’arrière gauche, Hugo Broos a transféré Michal Zewlakow, parce qu’il considère qu’Olivier Deschacht est encore trop gentil. » Plus loin dans ce magazine, Gunter Jacob ne se montrait pas plus clément: « C’est dommage pour Deschacht, mais en termes de rendement immédiat, l’arrivée de Zewlakow est une bonne chose. »

Olivier Deschacht, une personnalité à part
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Sauf que Zewlakow est devenu, après Hendrikx, le suivant à mordre la poussière. De nombreux arrières gauches ont dû laisser leur place à Deschacht qui, plus tard, affirmera: « Le mot abandon ne fait pas partie de mon vocabulaire. Je ne suis peut-être pas le meilleur joueur du pays et je n’ai peut-être pas beaucoup de talent, mais en termes d’engagement et de mentalité, ils ne sont pas nombreux à faire mieux que moi. »

FilipDeWilde confirme: « Sur le terrain, Deschacht opte toujours pour la solution la plus simple. D’un point de vue purement défensif, il commet peu d’erreurs. Il joue la sécurité. Pour un gardien, c’est donc un défenseur fiable. »

Pas Roberto Carlos

Plus on le critiquait, mieux il jouait. Ce n’était pas anormal quand on sait que, depuis le début de sa carrière, il avait dû faire face aux remarques. Ce n’était pas un joueur typique, il venait d’un milieu social aisé. Son père avait une entreprise et aurait préféré que son fils lui succède. Bref, il n’avait pas besoin du football pour vivre, il voulait simplement y arriver. C’était plus fort que tout. Ses équipiers de l’époque se souviennent de lui comme d’un gagneur. Lorsqu’un quiz était organisé en stage, il se préparait, car il voulait l’emporter et il faisait du lobbying pour faire partie de l’équipe la plus forte.

Après une défaite, il ne fallait pas venir lui parler. Un jour, il s’est même disputé avec Anthony Vanden Borre, le seul qui continuait à se marrer même quand son équipe perdait. Deschacht s’est énervé et Vanden Borre lui a répondu qu’en étant relax, il jouerait encore à quarante ans. « C’est le contraire », a répliqué Deschacht. « Moi, à quarante ans, je jouerai toujours. Toi pas. » Ils ont parié, le Flandrien a gagné.

Dans le vestiaire, ce n’était pas un véritable leader, car il était trop concentré sur lui-même et s’occupait peu du reste. Il arrivait le dernier à l’entraînement et partait le premier. Mais sur le terrain, il se montrait toujours très utile. Avec lui, on pouvait aller à la guerre. Quand il fallait mettre le pied, il était là. « Quand on allait jouer à Sclessin avec Ollie, on savait qu’il ne se laisserait pas marcher dessus », avance un proche du noyau de l’époque. « C’était un roc, il ne décevait jamais. Il savait exactement de quoi il était capable, mais surtout, ce dont il n’était pas capable. Un jour, il a dit: Vous voulez que je joue comme Roberto Carlos? Lui, il laisse de grands espaces dans son dos. Il marque trois buts, mais son équipe en prend deux de sa faute. Très peu pour moi. »

Selon un autre observateur de l’époque, une équipe a besoin de joueurs comme Deschacht. Tous ses concurrents se sont plantés, même ceux pour lesquels le club s’est parfois coupé en quatre: Aleksandar Ilic, Fabrice Ehret, Ivan Obradovic, Jan LecjaksJelle Van Damme, arrivé comme arrière gauche, a dû passer dans l’entrejeu. Le seul qui a vraiment constitué une menace pour Deschacht, c’est Behrang Safari, débarqué en 2011. Mais lui aussi a fini par échouer.

La critique incessante ne dérangeait pas Ollie, au contraire: il avait besoin d’être frustré pour se montrer. Quand le club achetait un joueur pour évoluer à sa place, il se déchaînait.

C’était un gagneur et un compétiteur. Mais il a compris qu’il y avait un adversaire sur lequel il ne pourrait jamais prendre le dessus: le temps. Son corps vieillissait. Et il a mis un point d’honneur à ne pas vouloir faire l’année de trop.

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