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Niko Kovac ou Jupp Junior

Ce week-end, Niko Kovac dispute la finale de la Coupe d’Allemagne avec l’Eintracht Francfort. Il affronte le Bayern, champion. Le club pour lequel il va travailler à l’issue de la finale.

Charly Körbel est en tête du classement du nombre de minutes disputées en Bundesliga. De 1972 à juin 1991, il a participé à 602 matches de championnat, et ce pour la même équipe : son Eintracht Francfort. Ce monument hors-catégorie n’a pas fait mystère de son opinion début avril, alors que les rumeurs allaient bon train quant au départ de Niko Kovac (46 ans) pour le Bayern.

 » Kovac conviendrait bien au Bayern « , a déclaré Körbel sans détour.  » À la place du Bayern, j’embaucherais Niko. C’est un entraîneur fantastique, professionnel, tout en étant un homme bien. Je suis certain qu’il peut réussir à Munich.  »

Niko Kovac, de parents croates, a grandi à Berlin-Wedding. Il n’avait qu’un rêve : jouer un jour pour le Bayern. Ce rêve s’est concrétisé en avril 2011, quand il a annoncé son transfert du Hamburger SV au Bayern.

À la mi-décembre, Fredi Bobic, le manager sportif de Francfort, a déclaré au magazine Kicker que les rumeurs d’un départ pour le Bayern ne le préoccupaient pas.  » Le Bayern trouvera bien un entraîneur à l’étranger. Il cherche un grand nom, comme il convient à son statut. Niko est sous contrat à l’Eintracht, nous sommes en contact permanent et je ne me fais pas le moindre souci.  »

Le 3 avril, le Bayern dispute les quarts de finale retour de la Ligue des Champions à Séville. Le président Karl Heinz Rummenigge est particulièrement décontracté. Le Bayern voulait régler la question de l’entraîneur avant la fin avril et c’est fait. Mais il n’a pas embauché le numéro un de sa liste, pas plus que le numéro deux.

Le quatrième homme

Début mars, Jupp Heynckes met les points sur les  » i  » et confirme qu’il mettra un terme définitif à sa carrière le 30 juin. Ce n’est qu’à ce moment que le Bayern cherche réellement une alternative. Ralph Hasenhüttl, l’ancien attaquant de Malines et du Lierse, qui entraîne le RB Leipzig, vient de déclarer qu’il avait bel et bien discuté avec le Bayern mais qu’il ne se sentait pas encore prêt à relever pareil défi.

Mauricio Pochettino (Tottenham) a également décliné l’offre. Le Bayern a donc misé sur le candidat suivant, qui avait aussi la préférence d’Heynckes : Thomas Tuchel (44 ans) n’a pas de club mais refuse l’offre le 23 mars car il a déjà un engagement ailleurs pour la saison suivante.

Le lendemain, le chauffeur d’ Uli Hoeness, Bruno Kovacevic, fête ses 60 ans. Hoeness et Rummenigge, qui assistent à son anniversaire, y rencontrent les frères Niko et Robert Kovac, également invités. Le contact est bon et une semaine plus tard, le Bayern tient son entraîneur. Kovac dispose d’une clause de départ dans son contrat, qui arrive à échéance en 2019.

Si le Bayern ou un club étranger jouant la Ligue des Champions se présente, il peut partir contre 2,2 millions d’euros. À Pâques, Kovac a déjà signé son contrat d’entraîneur principal. Il est accompagné de son frère, qui l’assistera, comme il le fait déjà à Francfort et auparavant en équipe nationale croate.

Le problème, c’est que Francfort, et plus exactement Bobic, si fier de la qualité de sa communication avec son entraîneur, n’est pas encore au courant. Le 4 avril, Kovac déclare froidement qu’il n’y a aucune raison de douter qu’il ne soit plus l’entraîneur de Francfort la saison suivante.

Ein Wunschkandidat

Le 12 avril, le quotidien Bild Zeitung annonce que Kovac est le nouvel entraîneur du Bayern. Le coach annonce la nouvelle à un Bobic furibard et est officiellement présenté au Bayern le lendemain. Hasan Salihamidzic, le directeur sportif des Bavarois, dirige la conférence de presse. Il a joué avec les deux Kovac au Bayern. Niko déclare :  » Je rêvais d’entraîner le Bayern.  »

Bobic, Francfort et l’opinion publique la trouvent saumâtre. Pas parce qu’ils ne comprennent pas que Kovac profite de cette occasion unique mais parce qu’ils n’apprécient pas le timing ni la communication. Parce que Kovac a démenti ce qui était déjà acquis depuis des semaines, lui qui s’est toujours fait l’apôtre des valeurs et de l’éthique.

Indépendamment de cette polémique, Niko Kovac correspond au profil du Wunschkandidat. Le Bayern aime faire appel à ses vieux serviteurs, qui connaissent la maison et ont l’ADN du Bayern. C’est le cas du nouvel entraîneur, qui a porté son maillot de 2001 à 2003.

Ensuite, rafraîchi par ses expériences avec Pep Guardiola et Carlo Ancelotti, le Bayern veut un entraîneur germanophone, qui connaisse bien la Bundesliga. Kovac n’a pas encore remporté de trophée, il n’a pas non plus participé à la Ligue des Champions au poste d’entraîneur mais il n’est pas dénué d’expérience internationale, puisqu’il a dirigé la Croatie durant le Mondial 2014.

Niko Kovac, c’est 90 % de notre succès. Il fait progresser chaque joueur.  » Kevin-Prince Boateng, joueur de Francfort.

Kovac impose un dur labeur à ses joueurs, il est lui-même professionnel mais s’intéresse aussi à l’homme derrière le footballeur et il est capable de gérer des caractères. C’est logique quand on est Croate et qu’on grandit dans une ville aussi cosmopolite que Berlin.

Les plus de la Bundesliga

À Francfort, une autre tour de Babel avec 17 nationalités différentes, il forme un groupe soudé et efficace en l’espace d’une saison. Il conduit le club du bas du classement au premier peloton en deux ans. Quand il arrive à Francfort, le 8 mars 2016, le club a déjà un pied et demi en deuxième Bundesliga. Kovac assure son maintien via les barrages. La saison suivante, il s’appuie sur une solide organisation et amène une équipe plutôt médiocre à la onzième place du classement et la qualifie pour la finale de la coupe, qu’il perd.

Au moment où la rumeur l’annonce au Bayern, Francfort est quatrième. Depuis, il a reculé mais si on passe en revue les pronostics d’avant-saison, on ne peut que conclure que Kovac a fait de l’excellent travail, comme la saison précédente. Le Kicker lui prédisait une place au-dessus de la colonne de droite, ce qui aurait été un bon résultat, compte tenu des moyens financiers de son club : avec un budget annuel de 43 millions, il figure dans le dernier tiers de la Bundesliga.

Reste à voir comment il va se faire à une équipe de vedettes qui joue dans le camp adverse car, des prétendants à l’Europe, seul Schalke 04 a eu moins souvent le ballon que l’Eintracht. Kovac prône une organisation solide et une transition rapide. Aucune équipe ne pique plus de sprints, ne commet plus de fautes, ne prend plus de cartes jaunes, ne dispute plus de duels.

Bref, en deux ans, avec des moyens réduits, Kovac a fait nettement mieux que prévu et il a dû penser qu’il serait difficile de remettre le couvert une troisième année de suite. Kovac est une sorte de Jupp Junior. Il possède des qualités identiques et il est devenu un bon entraîneur en quelques années. Kevin-Prince Boateng, qu’il a ressuscité à Francfort, est élogieux :  » Niko Kovac, c’est 90 % de notre succès. Il fait progresser chaque joueur. « 

Par Geert Foutré

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