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Mondial 2018: Pourquoi le Brésil est le grand favori

La catastrophe nationale de 2014 semble oubliée. 48 mois plus tard, le Brésil se présente aux portes de la Russie dans le costume du vainqueur en puissance.

Quatre ans suffisent-ils pour se remettre d’une humiliation sous les yeux du monde entier ? Sur ses terres, celles où le football est roi, le Brésil a vu l’Allemagne marquer sept fois, devant les portes d’une finale que les hommes de Joachim Löw ont violemment claqué au nez de leurs hôtes. Dans les tribunes, les larmes ont brouillé les drapeaux auriverdes grimés sur les joues nationales. Humilié à domicile, chambré par cet encombrant voisin argentin qui s’offrait le droit de défier la Mannschaft en finale, tout un pays était mis au tapis.

Douze mois après la désillusion mondiale, le Brésil déchante encore quand le Paraguay le prive d’une place dans le dernier carré de la Copa América au bout des tirs au but. La prise de pouvoir de Dunga, qui avait déjà échoué à la tête de la Seleção lors du Mondial sud-africain, semble rapidement insuffisante pour retrouver les sommets et prétendre à une sixième couronne planétaire lors de la Coupe du monde russe. Éliminé dès la phase de poules lors de la Copa América du centenaire, l’ancien capitaine du Brésil quitte son poste par la petite porte, remplacé par Tite. Inconnu à l’international, Adenor Leonardo Bacchi s’est construit un palmarès impressionnant sur ses terres, multipliant les titres à la tête des Corinthians, jusqu’à battre Chelsea en finale de la Coupe du monde des clubs en 2012.

L’été 2016 se conclut en beauté, avec un sacre olympique au Maracana, enfin emporté par un Brésil emmené par Neymar et Gabriel Jesus, absents lors du drame de Mineiro deux années plus tôt, et donc vaccinés contre la fébrilité brésilienne à domicile, devenue historique depuis le fameux Maracanazo de 1950, où l’Uruguay avait privé la sélection locale du titre mondial.

LE BRÉSIL DE TOUJOURS

Une fois lancé sur la route de la Russie, Tite rétablit rapidement les règles du Brésil de toujours, du moins de celui qui a pu régner sur le monde depuis la retraite du roi Pelé. De 1994 et de 2002, on se rappelle surtout des chevauchées folles de Romario et Bebeto, puis de l’association magique des « trois R » qu’étaient Ronaldo, Rivaldo et Ronaldinho. Une certaine idée du Joga Bonito qui fait parfois oublier que les flèches jaunes étaient protégées par des milieux de terrain rugueux et travailleurs, réduisant les possibilités d’occasions pour les adversaires tout en laissant les stars offensives faire le travail aux abords du rectangle adverse. Dunga, symbole de ce milieu brésilien, n’a jamais su installer depuis le banc ce football qu’il avait pratiqué sur les pelouses.

Après avoir tenté sa chance avec le capitaine et le sélectionneur (Luiz Felipe Scolari) de ses derniers titres, le Brésil a donc fait confiance en la science de Tite. Autour du rond central, le nouveau leader de la Seleção a construit sa forteresse à partir des profils de Casemiro, Fernandinho ou Paulinho, pas franchement des esthètes dignes du football léché pratiqué en 1982. Parce que si le monde se rappelle de ce Brésil surpeuplé de numéro 10, l’une des équipes les plus télégéniques de l’Histoire du jeu, le pays se souvient, lui, que cela n’avait pas suffi pour venir à bout des cyniques Italiens.

Devant son milieu conservateur, Tite a la chance d’installer une attaque de feu. Là où Scolari avait dû briguer un titre mondial à domicile avec Fred dans le rôle de numéro 9, joueur correct mais indigne des légendes nationales du poste, le Brésil arrive en 2018 avec Roberto Firmino, finaliste de la dernière Ligue des Champions, dans un costume de remplaçant, barré par le phénomène Gabriel Jesus. Pour l’épauler, Tite peut choisir entre Willian, Coutinho ou Douglas Costa, tout ce petit monde se plaçant volontiers dans l’ombre de Neymar, prêt à être l’homme fort de ce Mondial.

LE CANDIDAT IDÉAL

Pour compenser l’absence de créativité au milieu du terrain, Tite avait réparti les rôles de premiers passeurs entre le pied gauche de Marcelo et le droit de Daniel Alves, arrières latéraux qui devenaient milieux créatifs une fois qu’ils passaient en possession du ballon. La blessure du latéral parisien l’a contraint à revoir ses plans, et la reconversion de Coutinho en milieu de terrain intérieur en club pourrait se prolonger en sélection, afin de compenser ce déficit de créativité imprévu.

En 21 matches sous la conduite de Tite, le Brésil n’a perdu qu’à une seule reprise. C’était face à son meilleur ennemi argentin, mais à l’occasion d’un match amical, sans enjeu et sans plusieurs titulaires majeurs comme Neymar, Casemiro, Marcelo ou encore Alisson, gardien invité à la table des références mondiales à la faveur d’une saison majuscule sous les couleurs de la Roma. Avec son onze de gala, Tite n’a connu que des victoires, parsemées par endroits de quelques partages sans conséquence.

Intransigeant derrière, le Brésil peut compter sur des talents hors-normes devant, capables de faire la différence sans demander une aide excessive à leurs coéquipiers, comme c’est parfois le cas pour les autres favoris, comme l’Allemagne et l’Espagne, obligés de se désorganiser pour faire trembler les filets. En Russie, le portrait-robot du champion du monde s’esquisse inévitablement avec un maillot jaune.

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