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Mondial 2018 en Russie : corruption, méfaits et nouvelle guerre froide

Pour la Russie, avoir accueilli le tournoi de la Coupe des Confédérations, c’est une répétition générale du Mondial 2018. Le tout sur fond de préparations en retard et d’une tension politique croissante. Reportage éclairci par des témoignages de Belges revenus de Russie.

Rétro. Début 2009, la Russie annonce qu’elle souhaite organiser le Mondial 2018 ou l’édition suivante. Au dernier tour, elle est confrontée à la concurrence de l’Angleterre ainsi que des duos Pays-Bas/Belgique et Espagne/Portugal. Le 2 décembre 2010, la FIFA vote en faveur de la Russie, qui obtient treize voix au deuxième tour. Le duo ibérique a sept points, les plats pays deux. L’Angleterre a été éliminée dès le premier tour.

Des rumeurs de corruption commencent immédiatement à circuler. L’Angleterre se sent trahie par la victoire de la Russie (et du Qatar pour 2022). D’après la Football Association anglaise, tout indique que les deux pays ont acheté des voix. La FA balaie de la table le rapport de la FIFA, paru en novembre 2015, qui déclare non fondées les accusations. Le président de la fédération, Greg Dyke, plaide en faveur d’une nouvelle enquête tandis que son prédécesseur, David Bernstein, appelle les membres de l’UEFA à boycotter les deux tournois. Le DFB, la fédération allemande, va jusqu’à prier l’UEFA de quitter la FIFA jusqu’à l’ouverture d’une enquête honnête.

Vitali Mutko, le ministre russe du Sport et le président du comité qui a obtenu l’organisation du Mondial, ne se laisse pas faire. Il accuse le football anglais de corruption profondément ancrée et estime que la FA doit cesser de pleurnicher. Plus tard, il tempère ses propos en déclarant que « chaque pays est en proie à la corruption. Il suffit de chercher assez longtemps et assez en profondeur pour en trouver la trace. »

Mutko, un glouton politique et un fana de sport, met toute son énergie dans l’organisation. Il devient président de la fédération russe de football, afin de mener à bien les préparatifs. Mais il n’est pas populaire en Russie. Les Russes le trouvent trop prétentieux, ce qui ressort du fait qu’il essaie constamment de parler anglais alors qu’il ne le maîtrise pas. Fin 2015 s’y ajoute le scandale de dopage. Bien que Mutko qualifie de fable le rapport de la WADA et que la plupart des Russes n’y attachent aucune importance, d’autres sont plus avisés. Ce n’est pas un hasard si à l’automne 2016, le ministre du Sport est bombardé vice-premier – un parmi beaucoup d’autres en Russie. Ça ressemble à une promotion mais en fait, le Kremlin le considère surtout comme un gibier qui doit être plus exposé à l’ire publique.

L’Europe découvre le président fédéral pendant l’EURO français, l’été passé. La Russie égalise contre l’Angleterre, dans la dernière minute, et les supporters russes se déchaînent. Une caméra repère Mutko derrière les panneaux publicitaires. Les poings serrés, il encourage les hooligans. Il s’est déjà rendu impopulaire en Occident en déclarant, avant les Jeux de Sotchi, que la loi russe interdisant la promotion de l’homosexualité resterait en vigueur pendant l’événement.

Les villes et les stades

Les villes-hôtesses sont au nombre de onze, pour douze stades. Moscou est la seule ville à avoir deux arènes : le nouveau stade du champion, le Spartak (Otkrytiye Arena, 45.000 places) et l’ancien colosse soviétique, le Luzhniki, où se déroule la finale. Le Luzhniki est le seul stade à pouvoir accueillir plus de 80.000 personnes.

Stade de Samara
Stade de Samara© REUTERS

Il est en rénovation, afin de répondre à toutes les normes. La Russie y disputera son premier match international en octobre, d’après le ministère du Sport. Outre Moscou, seules Saint-Pétersbourg (68.000) et Kazan (45.000) ont achevé leur stade. Le Fisht Olympic Stadium de Sotchi (48.000), conçu pour les Jeux olympiques d’hiver 2014, a été transformé en stade de football et à Volgograd, les autorités rénovent la Volgograd Arena (45.000). Le petit stade (35.000) de Iekaterinbourg, la seule ville située en Asie, est en cours de rénovation.

Kaliningrad, Saransk, Samara, Rostov et Nizhny Novgorod doivent construire des stades. Les entrepreneurs sont à l’oeuvre et nul ne doute que les stades seront prêts à temps, car tout s’est bien déroule à Sotchi, non ? C’est exact, mais tout a un prix. Les organisations militant pour les droits de l’homme ont, fidèles à leur tradition, critiqué ce qu’elles considèrent comme de l’exploitation. Le livre noir publié par Human Rights Watch (HRW) sur la construction des stades russes est une réplique de ce qui s’est passé avant Sotchi : des salaires payés avec des mois de retard, voire pas du tout, du travail par des températures de -25 degrés, sans protection suffisante, pas de contrats légaux de travail. Les ouvriers russes ne sont pas les seules victimes. Il y a aussi des travailleurs d’Asie centrale, d’Ukraine et de Biélorussie.

Selon le syndicat international de la construction et du travail du bois, 17 ouvriers sont déjà morts. Plusieurs chantiers ont déjà été interrompus, pour protester contre cette exploitation. On raconte aussi que des Nord-Coréens ont travaillé à Saint-Pétersbourg et ont été obligés par le régime de Pyongyang à renvoyer leur salaire au gouvernement.

Peu d’ouvriers acceptent de parler, craignant les représailles de leurs employeurs. L’activiste qui veut enquêter sur ces méfaits peut s’attendre à une fameuse résistance. En avril, un collaborateur de HRW qui voulait parler à des ouvriers du chantier de Volgograd a été interrogé pendant des heures par la police, menacé puis libéré sans la moindre accusation. Des ouvriers de Kaliningrad ont raconté qu’en septembre 2015, ils avaient tenté d’approcher une délégation de la FIFA pour discuter des arriérés de paiement mais des gardes du corps entouraient le groupe et ont empêché les manifestants de s’adresser à leurs patrons.

Les (fans) russes

À un an du Mondial, les Russes ne s’intéressent guère au tournoi. C’est dû au fait que l’équipe nationale russe, contrairement à la soviétique, est toujours décevante dans les grandes compétitions. Depuis la chute de l’URSS, la Russie n’a jamais atteint le deuxième tour d’un Mondial.

Les images des bagarres entre Russes et Anglais durant l'EURO en France ont fait le tour du monde.
Les images des bagarres entre Russes et Anglais durant l’EURO en France ont fait le tour du monde.© BELGAIMAGE

Les Russes compensent leur indifférence envers leur équipe nationale par leur amour pour leurs clubs, parfois dans un mauvais sens. Le Spartak, le Zenit et le CSKA ont un noyau dur de hooligans qui perturbent à peu près chaque affiche en lançant constamment des pétards, en allumant des feux de Bengale et en déclenchant des bagarres.

Pendant l’EURO français, on a en plus découvert que les hommes du Spartak, notamment, emmenés par Vasily Stepanov, surnommé The Killer, sont très organisés. Ils opèrent quasiment comme une légion romaine. Les meutes russes, qui s’entraînent dans les bois de Moscou et de Saint-Pétersbourg, ont procédé à une attaque si rapide contre les supporters britanniques ivres, à Marseille, qu’on a très vite murmuré qu’ils étaient envoyés par le Kremlin pour semer le chaos en France, et donc en Europe.

Les supporters russes sont aussi racistes. En automne 2013, les fans du CSKA ont imité le cri des singes à l’intention du médian ivoirien Yaya Touré, dans un match contre Manchester City. L’UEFA a infligé une punition au CSKA -un match de Ligue des Champions à huis-clos. Le porte-parole du club, Sergeï Akshonov, a déclaré qu’on avait gonflé l’incident. D’après lui, c’était là un complot anti-russe. Ceux-ci adoptent souvent cette réaction. Face à l’indifférence des dirigeants russes, il est difficile de s’attaquer au problème.

La Russie estime avoir fait suffisamment de progrès. Fin mai, le président du comité de contrôle, Artur Grigorïants, a déclaré que les dérapages se raréfiaient et que durant la saison 2016-2017, il n’y avait eu aucun incident à caractère raciste dans les tribunes des trois premières divisions. La satisfaction de Grigorïants découle plutôt du fait que les clubs russes n’ont pas été punis la saison passée. Il ne faut pas trop en demander à un pays dont même les politiciens ne voient pas de mal à tweeter des photos des Obama avec des bananes.

La situation politique

« Il faudrait retirer son Mondial à la Russie. Ça toucherait le gouvernement de plein fouet », raconte Youri, un ancien journaliste sportif connu pour ses critiques à l’encontre du président Vladimir Poutine. Il a probablement raison : un boycott du tournoi ferait très mal à Moscou. Sans doute encore plus que les sanctions infligées par l’Union Européenne et les États-Unis suite à l’annexion de la Crimée et la collaboration tiède à l’enquête sur la destruction du vol MH17. Mais il est bien plus probable qu’il n’y ait pas de boycott.

Pourtant, la situation politique est nettement moins favorable qu’avant les Jeux de Sotchi. À cette époque, on parlait de droits des homosexuels, de frais de construction trop élevés (50 milliards d’euros au lieu des 11 prévus), de corruption et d’exploitation des ouvriers. Depuis, Moscou est accusé de guerre, de la mort de 300 citoyens et membres d’équipage d’un avion et d’aide, voire de participation, aux bombardements sur Alep, en Syrie, des bombardements fatals à des centaines de personnes.

Mesures de sécurité renforcées pour l'arrivée de la délégation néo-zélandaise avant le début de la Coupe des Confédérations.
Mesures de sécurité renforcées pour l’arrivée de la délégation néo-zélandaise avant le début de la Coupe des Confédérations.© BELGAIMAGE

L’agression russe, pour reprendre les termes de certains, a réveillé l’Occident. La Pologne et les États baltes, qui ont été pris en otage par l’Union Soviétique pendant des décennies, paniquent toujours à l’idée que l’ours russe les annexe à nouveau. L’annexion de la Crimée a même conduit l’OTAN à stationner en permanence 4.000 soldats en Estonie, Lettonie, Lituanie et Pologne ; les pays qui pourraient se trouver en première ligne en cas de conflit entre la Russie et l’OTAN. La Russie organise en riposte des manoeuvres impliquant des dizaines de milliers de soldats à la frontière de la Finlande et des pays baltes.

Que penser de Kaliningrad, l’enclave russe située entre la Pologne et la Lituanie, qui accueille des matches du Mondial ? La région, qui s’appelait Königsberg et appartenait à l’Allemagne avant la guerre, est devenue un point de discorde muet entre l’Est et l’Ouest. Moscou militarise la zone à toute vitesse. En octobre dernier, le gouvernement russe y a installé des roquettes Iskander qui peuvent être équipées de têtes nucléaires. Elles ont une portée de 400 à 500 kilomètres et peuvent détruire des capitales comme Varsovie et Berlin, depuis l’enclave. Le Kremlin considère ces Iskanders comme une réaction légitime au bouclier anti-roquettes installé par les USA en Pologne. La Russie explique que ce n’est que provisoire, mais des avions à réaction russes décollent régulièrement de Kaliningrad et pénètrent l’espace aérien de la Baltique et de la Scandinavie. Tout cela alourdit l’ambiance. D’aucuns parlent déjà de nouvelle guerre froide.

Sécurité et aspects pratiques

Les supporters ne doivent pas se soucier d’un visa. Le président Poutine a signé une loi permettant aux fans d’assister au Mondial 2018 sans ce sésame. Les amateurs de football peuvent entrer sur présentation d’un passeport spécial de supporter ou d’une fan-ID. Le passeport est valable dix jours avant le début du tournoi et jusqu’à dix jours après la finale. Les étrangers doivent simplement montrer leur passeport et leur(s) billet(s) en pénétrant sur le territoire russe. Ceux qui disposent d’une fan-ID peuvent utiliser gratuitement les transports publics, train et métro compris, pour se rendre aux matches.

Quant aux hôtels, pour le moment, seules Moscou, Saint-Pétersbourg et Sotchi disposent d’une capacité suffisante pour héberger les supporters.

Kaliningrad affirme être en bonne voie : on est en train d’aménager cinq nouveaux hôtels, qui seront prêts cette année. Le règlement de la FIFA stipule qu’il faut 6.100 places pour les supporters et 2.100 pour les participants, au premier tour. Le gouvernement régional de Kaliningrad a déclaré en septembre au bureau de presse RIA Novosti qu’il pourrait offrir 8.500 lits d’ici le début du tournoi.

Les autorités redouteraient surtout les fauteurs de troubles. En février, la BBC a diffusé le court-métrage « Festival de Violence », dans lequel des supporters russes annoncent qu’ils accueilleront personnellement leurs homologues britanniques. Vitaly Mutko a qualifié le documentaire de « propagande occidentale ».

On ne sait pas très bien comment les autorités comptent endiguer la violence. Vladimir Markin, le président du comité chargé de la sécurité, n’est pas très éloquent dans une interview accordée à la chaîne sportive russe Match ! : trois groupes de travail ont été constitués, la Russie a acquis beaucoup d’expérience grâce aux Jeux de Sotchi et compte tirer profit de l’expérience d’autres pays. Ce mois de juin nous apprend quelque chose sur la sécurité au Mondial : tous les grands événements ont besoin de l’autorisation du FSB, l’ancien KGB. Le service de sécurité jouera donc aussi un rôle important dans un an.

PAR JOOST BOSMAN EN RUSSIE

From Russia with Respect: Bart Caubergh

Bart Caubergh
Bart Caubergh© BELGA

Bart Caubergh a été le préparateur physique du Krylia Sovetov Samara de juin 2014 à janvier 2017. Il a même appris le russe. C’était indispensable. « Le contraste qui m’a le plus frappé à mon arrivée à l’aéroport, c’est que tout est en russe. À la caisse d’un supermarché, on ne parle que russe. Vous appelez un taxi : en russe. La carte au restaurant : en russe. Une des premières fois que Frank Vercauteren, Jos Daerden et moi sommes allés seuls au restaurant, nous avons commandé des sushis en entrée. Après une attente d’une heure et demie, nous avons vu le serveur arriver avec un plateau à trois étages : 65 sushis ! Manifestement, il y avait eu un problème de communication !

J’avais des Russes l’image de gens renfermés et rudes. C’est exact mais ils sont aussi très amicaux une fois le contact établi. Je me suis fait quelques amis au club. Je viens d’y retourner un moment, quatre mois après mon limogeage, et nos retrouvailles ont été très chaleureuses. »

On parle souvent de la Russie en termes négatifs : corruption, alcoolisme, racisme, homophobie… « Jamais je n’ai eu le moindre sentiment d’insécurité », précise Caubergh. « Le pays est évidemment immense et donc très contrasté. Durant des matches, il y a eu des slogans racistes contre des joueurs noirs, et l’alcool est également très présent dans toute la société. L’espérance de vie moyenne d’un homme est de 55 ans. Avant notre arrivée, il était normal de boire de la bière dans le vestiaire. Nous ne l’avons pas autorisé et ça nous a valu une certaine opposition au début. Au banïa, le sauna russe, les joueurs disposaient d’un fût de bière et de vingt kilos de crabe le lendemain du match. Au restaurant, il est fréquent d’apercevoir des petits fûts sur les tables.

Les distances sont énormes et des facteurs externes les compliquent. Une fois, nous avons pris l’avion de Moscou à Samara mais nous avons dû retourner dans la capitale, faute de pouvoir atterrir. Ça nous est également arrivé pour un vol de Samara à Saransk. Après le vol retour, nous sommes revenus en… bus. Une fois, l’avion a renoncé à décoller à cause d’un problème technique et nous n’avons pu repartir que le lendemain à l’aube, pour disputer un match à Moscou à 14 heures… Novembre est toujours la période la plus délicate : le temps est mauvais, il fait très froid et très sombre, les terrains sont en mauvais état. Mais je respecte profondément la Russie. Sa culture, ses magnifiques villes, la notion du temps et des distances qu’ont les gens, l’immense classe de travailleurs, parmi lesquels des médecins et des enseignants très mal payés. Je suis très reconnaissant qu’on m’ait ouvert les yeux. »

(CV)

From Russia with Respect : Cédric Roussel

Cedric Roussel
Cedric Roussel© BELGAIMAGE

Cédric Roussel a joué pour Kazan durant la saison 2004-2005. « Il fait froid en Russie », se souvient-il. « Il est très difficile de s’y adapter. En matière d’amitiés, cette période n’a pas représenté grand-chose. Les gens me considéraient comme un profiteur, qui venait prendre leur argent. De fait, j’étais très bien payé. Mais vous ne me ferez pas dire que tout est négatif dans le football russe. »

Le niveau et les installations n’étaient pas terribles à cette époque, selon Roussel. « Le football était lent et le stade de Kazan était minable, comparé aux salles de basket et de hockey de la ville. Mais on sentait qu’il y avait du potentiel. J’ai souvent dit à ma femme que d’ici dix à douze ans, la Russie nous dépasserait. De fait. Elle a de plus en plus de bons footballeurs étrangers et les meilleurs Russes restent. Vu leur salaire, ils n’ont guère de raisons d’émigrer. Des entraîneurs de haut niveau ont été à la base de ces progrès. Quand un joueur de grand format opte pour la Russie, il pense à l’argent mais on peut aussi y mener une vie agréable. Où qu’on soit, il faut comprendre le quotidien, la mentalité des gens et s’adapter. Il ne faut pas aller n’importe où mais dans les quartiers chics, où il y a de l’argent. Il faut surtout se limiter aux contacts avec des gens de votre niveau social. Eux, ils ne seront jamais jaloux. Ceux qui ont moins de moyens ne vous acceptent pas. Quand vous avez compris ça, vous pouvez vous plaire en Russie. On peut accepter beaucoup de choses, comme le choc culturel, la présence militaire, la sévérité. Je n’y suis resté que six mois mais à la fin, je m’étais adapté. Je conserve beaucoup d’anecdotes de cette période. Un jour, on m’a dit : – La semaine prochaine, c’est le derby. Rendez-vous… à l’aéroport. Le derby nous opposait à Samara (à 300 km de Kazan, ndlr). Il fallait prendre l’avion… »

(PID)

From Russia with Respect: Jos Daerden

Jos Daerden
Jos Daerden© BELGA

L’actuel T2 de Genk a travaillé en Ukraine de 2006 à 2007 et a été l’adjoint de Frank Vercauteren à Samara. « Les étés étaient très chauds et les hivers très froids. Samara a longtemps été une ville fermée. Elle faisait partie du programme spatial russe. Youri Gagarine y a séjourné. Depuis, la ville est ouverte mais elle garde des traces de son isolement. Les liaisons ferroviaires ne sont pas bonnes, il n’y a pas de viaduc et les files sont terribles. Frank m’a dit qu’on rénovait l’aéroport et que de nouvelles routes avaient été construites partout en Russie. L’autoroute entre Saint-Pétersbourg et Moscou est bonne, il y a une liaison TGV et les nouveaux stades sont fantastiques.

La vie… J’avais déjà travaillé en Hongrie et en Ukraine. Je suis toujours parti du principe que je devais m’intégrer et me débarrasser de mes préjugés. J’avais l’avantage de parler un peu russe et d’avoir une femme ukrainienne, qui maîtrise la langue. Ça facilite tout, même si la culture reste différente. Je trouve que les Russes choisissent la facilité. Ce n’est pas de la corruption mais plutôt du copinage. Si tu fais quelque chose pour moi, je te le rends.

Le Mondial peut relancer quelque chose car le Russe moyen continue à souffrir de l’économie. On a resserré le robinet, limité le niveau, le rouble a chuté. Dans un an, l’équipe nationale aura la vie dure car presque tous les postes créatifs sont occupés par des étrangers dans les grands clubs. Comme il y a un minimum imposé de Russes sur le terrain, le niveau est médiocre par rapport aux salaires. Le potentiel est énorme, de même que la marge de progression mais il faut travailler avec des gens plus qualifiés. Comme à Donetsk. Ça va mal là-bas pour d’autres raisons mais des jeunes comme Malinovsky sont le produit d’une bonne formation. En Russie, c’est surtout le Lokomotiv Moscou qui sort beaucoup de talents. »

(PTK)

From Russia with Respect: Frank Vercauteren

Frank Vercauteren
Frank Vercauteren© RIA Novosti

Frank Vercauteren a entraîné Samara de 2014 à 2016 et a promu l’équipe. « En division 2, j’ai découvert la Russie profonde. Sept heures de vol pour un match et retour le lendemain. Pour les Belges, c’est comme aller jouer un match aux USA ! Les Russes ont une autre perception des distances et de l’éloignement. Pour eux, mille kilomètres, ce n’est rien du tout. La division 1, c’était tout autre chose. Un monde parfaitement structuré, que je conseille à tous les footballeurs. Infrastructures, niveau… Sans oublier l’aspect financier, même s’il était plus intéressant il y a quelques années. Pour le moment, pas mal de clubs doivent surveiller leur budget. le rouble a chuté, il y a la crise économique, les conséquences de l’embargo… Je ne pense pas qu’on reverra avant longtemps des joueurs comme Hulk ou Witsel dans un club russe.

Le football russe a du mal à se défaire des préjugés, comme l’a expérimenté Vercauteren. « Par exemple, je n’ai jamais remarqué de phénomène de racisme ni de hooliganisme ou alors, très peu. Certains clubs n’enrôlent pas de joueurs de couleur mais ils sont loin d’être la norme. Je n’ai jamais été confronté à la violence. C’était même tout le contraire à Samara. Le public était hyper calme, plus spectateur que supporter. Les gens arrivent au stade à la dernière minute car il ne se passe rien avant. Pas de restaurant, pas de bar, pas d’abri quand il pleut. L’ambiance des grands matches est identique à celle que nous connaissons mais pour le reste… On n’a pas souvent l’impression de se trouver à Marseille ou à Sclessin.

Je m’attends à ce que tout aille crescendo jusqu’à la Coupe du Monde. Pour le moment, on ne parle que des villes organisatrices. Il y a déjà beaucoup de publicité. À Moscou, des panneaux géants décomptent les jours jusqu’au match d’ouverture. Le Mondial va changer le championnat. La Russie dispose maintenant de stades hyper modernes. »

(PID)

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