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Mais où est passé Dante Rigo, le héros des Diablotins au Mondial 2015?

Il fut un temps où Dante Rigo passait pour le plus grand talent belge de sa génération. Hélas, entre blessure, mauvais choix de carrière, entraîneurs qui n’ont pas cru en lui et malchance, sa carrière n’a pas encore vraiment débuté. À 23 ans, il n’est pas trop tard.

Début novembre 2015, Estadio Ester Roa à Concepción, au Chili. Devant de nombreux recruteurs, Dante Rigo expédie un coup franc droit dans la lucarne du gardien du Costa Rica. L’équipe nationale belge U17 se qualifie pour la demi-finale du Mondial. Trois jours plus tard, face au Mali, Rigo inscrit son troisième but du tournoi.

Dante est ce qu’on appelle un joueur « tard mature ». Afin de le protéger, on l’a laissé jouer le plus longtemps possible avec l’équipe nationale Futures. Ce n’est qu’en mai 2015, à l’EURO en Bulgarie, où la Belgique a été éliminée par la France, qu’il est devenu titulaire dans l’équipe de BobBrowaeys. Six mois plus tard, à la Coupe du monde, le jeune joueur du PSV a pu montrer ce qu’il valait. « Chez les plus jeunes, il passait inaperçu », dit DanteVanzeir, auteur de deux buts face au Mexique lors de ce Mondial. « Mais au cours du tournoi, il a été exceptionnel. J’étais sûr qu’il allait faire carrière. »

Le club n’a pas cru en lui, mais il n’a pas su s’imposer non plus. »

Rik Elfrink, journaliste à l’Eindhovens Dagblad

Victorieuse face au Mexique (3-2), la Belgique décroche la médaille de bronze. Au PSV, c’est la panique: un journal affirme que la Juventus s’intéresse à Rigo. Les parents du joueur sont convoqués. L’intérêt de la Juve est très concret, mais chez les Rigo, on n’envisage pas un transfert. « Dante n’était pas du genre à séjourner dans une famille d’accueil, ça n’aurait pas marché », dit son père, RudyRigo. « Son club, c’était le PSV, il était convaincu de pouvoir s’y imposer. Même Barcelone n’aurait pas réussi à le convaincre. Un agent m’avait appelé en disant qu’un club espagnol était intéressé, mais il ne voulait pas me dire lequel. Je ne l’ai jamais su, mais j’ai eu beaucoup d’appels de ce genre. »

RESSOURCES MORALES

Au cours de la saison 2017-2018, PhillipCocu le lance en Eredivisie, mais c’est l’année suivante, sous la conduite de MarkVanBommel, qu’il inscrit le but de la victoire au Fortuna Sittard et est titularisé pour la première fois face au PEC Zwolle. Après une blessure, il n’entre cependant plus dans les plans de l’entraîneur. Le 11 décembre 2018, jour de son vingtième anniversaire, il reste nonante minutes sur le banc lors du match de Ligue des Champions face à l’Inter, tandis que MichalSadilek, DonyellMalen et GastónPereiro entrent au jeu. « Après le match, Van Bommel a dit à Dante qu’il s’était trompé en faisant ces changements », se souvient Rudy Rigo. « Il a dit: J’aurais dû te faire entrer à la place de Sadilek. Quelques jours plus tard, contre l’AZ, Sadilek était à nouveau premier remplaçant et Dante restait sur le banc… Au début de la saison, Dante était prêt à percer mais par la suite, il n’a plus jamais reçu de véritable chance. »

Mais où est passé Dante Rigo, le héros des Diablotins au Mondial 2015?

La saison suivante, le nouvel entraîneur, RogerSchmidt, assure que chacun repart à zéro, mais Rigo comprend rapidement que, pour lui, c’est fini. À l’entraînement, il doit sans cesse jouer arrière droit. Le Sparta lui offre une bouée de sauvetage, mais alors qu’il commence à retrouver son niveau, il est victime du coronavirus. En 2020-2021, il est prêté à ADO La Haye, mais après le licenciement d’ AleksandarRankovic, l’aventure tourne au fiasco.

Entre-temps, au PSV, on ne croit plus en lui. Il était pourtant considéré comme le plus grand talent du centre de formation, où il avait passé près de quinze ans. Mais que ce soit au niveau physique, technique ou mental, le club est très exigeant. Là où un joueur comme CodyGakpo réussit, dix Rigo ne reçoivent pas leur chance, malgré leur loyauté. « Il arrive que certains joueurs ne soient pas aussi talentueux qu’on le pensait », dit RikElfrink, qui suit le PSV depuis plus de dix ans pour le compte de l’ Eindhovens Dagblad. « Le club n’a pas cru en lui, mais il n’a pas su s’imposer non plus. C’est dommage, car c’est un garçon stable, calme, bien éduqué et très professionnel. Mais je suppose que quelque chose s’est cassé en lui, je ne vois pas d’autre explication. »

Selon son père, Dante a pourtant beaucoup de ressources morales. Et RuudVanNistelrooy le trouve très positif, malgré la situation difficile dans laquelle il se trouve. PeterUneken, qui fut son entraîneur en Espoirs et est aujourd’hui adjoint au RKC Waalwijk, confirme. « La saison dernière, Dante est passé du noyau A du PSV à ADO La Haye pour avoir du temps de jeu, mais ça n’a pas marché. Lorsqu’il est revenu au PSV, il n’y avait plus de place pour lui dans le groupe. Il a dû s’entraîner avec les jeunes et ce fut très dur. Il savait aussi qu’il ne jouerait plus en Espoirs parce qu’on donnait la priorité aux plus jeunes. Mais Dante fait toujours ce qu’on attend de lui. »

Mais où est passé Dante Rigo, le héros des Diablotins au Mondial 2015?

GÉNÉRATION BOOMERANG

En juillet, Rigo sera en fin de contrat au PSV. L’été dernier, son transfert au Sparta Rotterdam était pratiquement conclu, mais le dernier jour, l’entraîneur, HenkFraser, s’est demandé s’il serait suffisamment costaud pour jouer dans l’entrejeu. « On évoque souvent un manque de puissance dans les duels », soupire Rudy Rigo. « Pourtant, je ne me fais pas de souci à ce sujet. Ses tests physiques ont toujours été bons. Au PSV, il était dans le top 4. »

Au cours du mercato d’hiver, Rigo va peut-être vivre le transfert le plus important de sa carrière. Il ne veut plus perdre six mois au PSV, car il craint que les employeurs potentiels doutent encore davantage. Mais il veut aussi éviter ce qu’il s’est passé en 2020, lorsqu’il est parti contre son gré à La Haye. Son avenir pourrait se situer au Sparta, où il s’est entraîné pendant deux semaines à la demande de Fraser, ou en Belgique. Au cours des six derniers mois, il a eu des contacts avec Lommel, Westerlo et Malines, mais ces clubs n’ont pas donné suite. « Il est possible qu’il signe en D1B. Il y a quelques semaines, j’ai pris contact avec GertVerheyen, l’entraîneur de Dante en équipe nationale U19. Quand je lui ai demandé ce qu’il conseillait à mon fils, il a répondu que Dante devait opter pour un club belge avec un entraîneur belge. Il a parlé de Westerlo et JonasDeRoeck. »

Samedi Rigo a fêté son 23e anniversaire. À cet âge-là, il est trop tôt pour dire qu’une carrière est ratée. Dans son cas, il est même difficile de dire jusqu’où il peut aller. Comme Vanzeir, il fait partie d’une génération qui prend son temps pour arriver au plus haut niveau. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle la génération boomerang. « Aujourd’hui, les médias mettent beaucoup de pression sur des jeunes de 17 ans en disant qu’ils sont prometteurs alors qu’ils ont encore beaucoup d’obstacles à franchir pour devenir titulaires en D1 », estime l’attaquant unioniste. « Je prends souvent l’exemple de LaurentDepoitre, qui n’est devenu pro qu’à 23 ans. Et qui aurait dit que, pour moi, tout irait aussi vite en D1A? Chacun doit faire son chemin et il n’y a pas de honte à faire un détour. Quand on a du talent, qu’on travaille dur et qu’on a un peu de chance avec les entraîneurs et les blessures, on finit toujours par émerger. »

Que sont devenus les autres joueurs du Mondial U17?

Dante Rigo n’est pas le seul joueur présent au Mondial U17 au Chili à ne pas (encore) faire carrière. « La génération 2015 était très large », dit Bob Browaeys. « Dans certaines équipes, on a quatre ou cinq très bons joueurs, mais pas de défenseur ou de gardien qui sort du lot. On n’avait pas de point faible. C’était une équipe très homogène et solidaire, l’idéal pour ce genre de tournoi. »

Des 21 joueurs de la sélection, seuls Wout Faes (Reims), Orel Mangala (Stuttgart), Gaetan Coucke (Malines), Jens Teunckens (RKC Waalwijk), Dante Vanzeir (Union) et Ismail Azzaoui (Heracles) jouent au plus haut niveau. « On ne peut pas dire que c’est beaucoup », dit Vanzeir. « Mangala est titulaire dans un grand championnat mais les autres ont encore tout à prouver. »

Auteur de trois buts, Rigo fut le meilleur buteur belge au Chili. Où jouent à présent les meilleurs buteurs du tournoi? Deux mois après le tournoi, Victor Osimhen, vainqueur du Golden Boot (dix buts en sept matches), a signé un contrat à Wolfsburg. Après être passé par Charleroi et Lille, il en est à sa deuxième saison à Naples. Johannes Eggestein, auteur de quatre buts avec l’Allemagne, joue à l’Antwerp, qui l’a transféré du Werder Brême, son club formateur.

Ceux qui ont inscrit trois buts comme Rigo tentent de faire carrière, avec des fortunes diverses. Mais ils ont un point commun: aucun d’entre eux n’évolue dans un grand club d’un des cinq grands championnats. Samuel Chukwueze et Fyodor Chalov sont titulaires à Villarreal et au CSKA Moscou, Kelechi Nwakali joue à Huesca (D2), Francisco Venegas fait banquette aux Tigres UANL (Mexique) et Sidiki Maiga joue depuis cette saison au CD Azuqueca, en cinquième division espagnole.

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