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Luis Suarez : « Messi est un collègue et un ami »

Ses deux premières Coupes du Monde ont été entachées d’une carte rouge. Aujourd’hui, son troisième Mondial offre à Luis Suarez la possibilité de prendre sa revanche sportive.

Le moins qu’on puisse dire de Luis Suarez (31 ans), c’est qu’il ne passe jamais inaperçu en Coupe du Monde. En 2010, en Afrique du Sud, l’Uruguay s’est qualifié pour les demi-finales pour la première fois depuis 1970 grâce à ses buts et à son… jeu de main en quarts de finale contre le Ghana. Résultat : la carte rouge pour lui, les demi-finales pour l’Uruguay, grâce à son sacrifice. Un match qu’il a perdu, privé de son buteur.

Il y a quatre ans, malgré la victoire 1-0 contre l’Italie, il n’a pas résisté à la tentation de mordre le défenseur Giorgio Chiellini à l’épaule. Son exclusion a été assortie d’une suspension de quatre mois alors qu’il venait d’être transféré de Liverpool à Barcelone pour 82 millions.

Depuis, Suarez, qui a grandi dans la misère et a atteint l’élite via Groningue et l’Ajax, a signé un parcours irréprochable. Tant en club qu’avec l’équipe nationale de son pays.

En Afrique du Sud, à 23 ans, tu étais encore un gamin. L’Uruguay a terminé quatrième mais au Brésil, après ton exclusion, il s’est enferré en huitièmes de finale. Ceci est-il ton dernier Mondial ?

LUIS SUAREZ : Je ne pense pas. Au prochain, j’aurai 35 ans. C’est encore possible, non ? En attendant, jouer ma troisième Coupe du Monde est déjà fantastique. Je me sens de mieux en mieux au fil des années. Je me suis juré de ne plus commettre une bourde comme au Brésil. J’aurais pu conduire l’Uruguay plus loin si je m’étais comporté autrement.

Ce tournoi est-il celui de la revanche ?

SUAREZ : Nul ne peut se placer au-dessus de l’équipe ni se trouver mieux qu’un autre. Si nous serrons les rangs et que nous évitons les guéguerres hiérarchiques, nous pouvons aller loin. Ce qui s’est passé lors des deux tournois précédents me fait toujours mal. La première fois, j’étais à plat après ma carte rouge mais ça a changé quand le Ghana a loupé la conversion du penalty que j’avais provoqué. La seconde fois, j’aurais pu mieux aider mon équipe. Je n’ai pas seulement commis une faute. J’ai fait de la peine à mes coéquipiers et à l’entraîneur, une peine qu’ils ont traînée lors du match suivant.

 » Je dois peser mes mots  »

Tu es un des joueurs les plus expérimentés de la Celeste.

SUAREZ : En âge, certainement. Je suis conscient de devoir peser chacune de mes paroles, compte tenu de cet âge. Je ne dois pas avoir l’air de jouer les profs envers les jeunes talents ni me comporter comme un vieil homme qui sait tout mieux que tout le monde. Ce qu’il faut, c’est des messages constructifs, positifs, sur le terrain et en dehors. Je fais partie de l’équipe depuis 2007. Durant toutes ces années, nous avons eu des garçons qui jouaient parfois peu mais unissaient l’équipe. Maintenant encore, ils sont toujours en train de rire et d’encourager ceux qui jouent.

Tu n’es pas particulièrement grand, avec ton 1m82, et pourtant, tu résistes aux défenseurs les plus costauds dans les duels. Comment fais-tu ?

SUAREZ : Face à des joueurs plus grands et plus forts, il s’agit de se mouvoir intelligemment, d’utiliser son corps avant de recevoir le ballon pour déséquilibrer l’adversaire. Ce sont parfois des détails que j’ai appris quand j’étais jeune. Il faut aussi être convaincu que tu vas recevoir ce ballon et que tu vas marquer. L’aspect mental est très important.

Lionel Messi est ton coéquipier de club mais un concurrent durant ce Mondial. Comment décrirais-tu vos rapports ?

SUAREZ : Un lien se noue au quotidien, sur le terrain et en dehors. Nous sommes tous les deux pères et avons environ le même âge. Nous nous marrons ensemble, en buvant du maté. Parfois, nous allons au restaurant. A la longue, cela crée des liens et une confiance mutuelle.

Vous êtes tous les deux des buteurs, pourtant et, par définition, ils sont égoïstes.

SUAREZ : Il est très difficile de se faire des amis en football, surtout quand on occupe la même position. Chaque équipe recèle de nombreux egos mais pas Barcelone. Nous l’avons prouvé ces dernières années. Messi m’a souvent aidé sur le terrain et si je peux le lui rendre, c’est bien volontiers. Il n’y a pas de jalousie entre nous mais de la fierté, la fierté de partager quelque chose avec un ami.

 » Messi est un collègue et un ami  »

Vous vous entendez si bien que vous êtes voisins.

SUAREZ : Nous habitons à quelques mètres l’un de l’autre. Nos fils aînés ont respectivement cinq et quatre ans, ils fréquentent la même école et la même école de football. Nos femmes s’entendent bien aussi. Elles dirigent même un magasin de chaussures ensemble.

Qui est Messi pour toi ?

SUAREZ : Un collègue et un ami. Je ne vois pas en lui la star que le monde entier admire, même si, par moments, je suis conscient qu’il est absolument incroyable.

Veux-tu achever ta carrière au Barça ?

SUAREZ : Ce ne sera pas facile mais j’aimerais. Depuis que je suis ici, c’est la seule chose que je veux encore : rester dans la meilleure équipe du monde et jouer avec le meilleur footballeur de cette planète. C’est quand même fantastique ? Mes enfants peuvent profiter de Messi tous les jours, en football et dans la vie. J’espère qu’ils sont conscients de ce privilège.

Les doutes de Neymar

Neymar a quitté le Barça il y a un an, au profit du PSG. Luis Suarez a eu une discussion avec lui.  » Messi et moi lui avons parlé, puisqu’il nous demandait notre avis. Il hésitait. Il avait tout ce dont il avait besoin à Barcelone. Je pense qu’il ne courait pas après l’argent mais qu’il avait besoin d’avoir un nouvel objectif.  »

Les trois joueurs s’entendent bien alors qu’au début, beaucoup de gens se demandaient comme un Brésilien, un Argentin et un Uruguayen pouvaient travailler ensemble. Suarez :  » Si ça a marché, c’est grâce au respect que Neymar et moi éprouvions pour Messi, le meilleur footballeur du monde. Mais aussi grâce au talent de Neymar.

Je me suis concentré sur mon rôle, j’ai essayé de trouver ma place intelligemment sur le terrain, sachant que si je suivais les bonnes trajectoires de course, j’aurais des occasions en suffisance. Il fallait établir de bons rapports entre nous trois, sans laisser la jalousie s’insinuer entre nous.

Nous nous partagions le botté des penalties. Gerard Piqué nous a dit qu’il n’avait jamais vu ça à ce niveau. C’est aussi pour ça que nous avons regretté le départ de Neymar. Nous n’étions pas seulement des collègues mais aussi des amis. « 

Javier de Leon

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